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Rôle et place du secteur libéral dans notre système national de santé (2ème partie)

par Dr A. G. / Friha*

III- Encadrement du secteur privé :

Cependant, le souci majeur des autorités sanitaires est indubitablement d'aboutir à une régulation de l'exercice privé par le moyen d'un cadre normatif à travers lequel seront pris en considération tous les facteurs permettant l'amélioration des conditions d'exercice des professions de santé et garantir par conséquent une meilleure prise en charge du citoyen.

L'implantation d'établissements et de structures privés devra être déterminée en fonction de la carte sanitaire et du schéma de développement sanitaire national, régional et wilayal.

La mise en place d'un dispositif réglementaire régissant l'exercice à titre privé, présente une gamme de textes à trait aux différentes professions de santé. L'évolution que subissent ces professions, les progrès technologiques et les bouleversements institutionnels imposent indéniablement une révision constante du cadre normalisant les moyens.

Les prestations du secteur privé sont en grande partie à la charge du malade, à l'exception de la chirurgie cardiaque et l'hémodialyse, même les bénéficiaires de l'assurance maladie ne sont remboursés qu'à des taux inférieurs aux montants payés. Ce secteur reste donc difficile d'accès pour une grande frange de la population.

Il est à rappeler enfin que l'absence de comptes nationaux de la santé (CNS) ne permet pas l'évaluation des dépenses réelles effectuées dans ce secteur, ni l'analyse de la répartition des ressources financières.

III-a- Au niveau central : présentation (DGSSRH)

La Direction générale des services de santé et de la réforme hospitalière (DGSSRH) est chargée :

- d'élaborer, de proposer et de mettre en œuvre un plan général d'organisation sanitaire intégrant l'ensemble des structures de santé, y compris le secteur privé ;

- de contribuer à l'élaboration et à la mise à jour de la carte sanitaire nationale et de prendre en charge le suivi du programme d'implantation des structures privées de santé ;

- de veiller au contrôle de l'exercice des professions de santé et des structures et privées de santé.

Elle comprend :

- la sous-direction des établissements hospitaliers privés (EHP) ;

- la sous-direction de la médecine privée.

III-b- Rôle de la DSP :

En octroyant à la DSP une position polycentrique dans son large champs d'activités et de compétences, elle développe et met en œuvre toutes mesures de nature à encadrer les activités du secteur privé dans le sens de la protection et de la promotion de la santé et de la population.

A ce titre le DSP est chargé notamment de :

- assurer l'encadrement et l'inspection des structures et établissements privés de santé ;

- établir les autorisations relatives à l'exercice des professions libérales de santé et d'en assurer le contrôle ;

- veiller à l'application des normes techniques en matière de santé essentiellement dans l'inscription et l'implantation des structures privées ;

- étudier et suivre ; dans le cadre des règlements et procédures établis, les programmes d'investissements privés ;

- établir la synthèse pour déterminer les besoins de la wilaya en matière d'installation à titre privé sur la base de la carte sanitaire et le schéma de développement wilayal.

III-c- Tâches du bureau du secteur privé :

L'arrêté du 12 mai 1998 portant organisation de la DSP de la wilaya, p.22 (J.O.R.A.D.P. n° 38 du 03/06/1998) a pour objet de fixer l'organisation des services de DSP de wilaya.

Le bureau du secteur privé, appartenant au service des structures et des professions de santé, est chargé particulièrement de :

- contrôler les activités des cabinets médicaux, dentaires, officines privées et structures d'hospitalisation ;

- organiser les services de gardes et délivrer les autorisations d'exercice, de remplacement ou d'absence les concernant ;

- veiller à l'application de la réglementation régissant l'exercice privé des professions médicales, l'exécution du schéma thérapeutique et la réponse aux réquisitions émises dans le cadre de la mise en œuvre et tout programme sanitaire tracé par les autorités compétentes ;

- veiller à l'application de la législation, au respect de la réglementation et des procédures en matière d'horaire, d'honoraires et prendre les sanctions à leur encontre ;

- veiller à l'encadrement de la gestion du secteur privé.

- l'établissement des décisions afférentes à l'exercice des médecins généralistes, psychologues cliniciens, orthophonistes, sages- femmes, infirmiers en soins généraux, opticiens, optométristes, audioprothésistes et kinésithérapeutes, relève des prérogatives des DSP.

- l'établissement des décisions relatives aux structures sanitaires (cliniques, cabinets de groupes, cabinets spécialisés et les entreprises de transport sanitaire) relève de l'administration centrale.

III-d- Rôle et missions du médecin inspecteur :

Conformément au décret exécutif n° 10-77 du 18 février 2010, JO N° 13 du 21 février 2010, page 5 ; portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps des praticiens médicaux inspecteurs de santé publique p.28 [J.O.R.A.D.P n° 89 du 15-12-1999] notamment son article 60 ter qui stipule : Les praticiens inspecteurs de santé publique (PISP) sont chargés notamment :

- d'inspecter, d'enquêter et d'évaluer l'activité et le fonctionnement des structures et établissements privés de santé et d'en établir des P.V mentionnant l'ensemble des faits et des mesures conservatoires éventuellement prises ;

- d'assurer le contrôle de l'application de la réglementation relative à l'exercice des professions médicales et de la tarification ;

- de veiller au respect de l'application de la réglementation relative à la nomenclature des actes et à la normalisation des équipements médicaux ;

- de veiller au respect des règles d'hygiène et à la prévention des infections nosocomiales dans les structures privées de santé ;

- de contrôler les services de garde et des urgences et de s'assurer de la présence effective des praticiens médicaux et des paramédicaux privés ;

- d'étudier et de proposer toute mesure de nature à améliorer la qualité des prestations et le rendement des structures et établissements privés de santé ;

- de procéder à des enquêtes d'opportunité en vue de l'ouverture ou la fermeture des structures sanitaires privées ;

- de recenser et de contrôler la compétence des opérateurs et des structures privées qui détiennent et utilisent des substances radioactives et des appareils émettant des rayonnements ionisants, de vérifier le certificat de conformité délivré par le COMENA, et de s'assurer de la conformité du matériel utilisé aux normes techniques exigées en vigueur ;

- d'effectuer les contrôles et inspections des véhicules affectés aux transports sanitaires, des matériels qu'ils contiennent et expertiser l'ensemble des obligations de l'agrément ;

- de vérifier à tout moment pendant les heures de travail, du transport, les installations matérielles, l'équipement médical et les documents administratifs nécessaires pour établir la conformité de l'agrément.

IV- Etat des lieux du secteur privé :

IV ?a- : Démographie des professions de santé :

Au cours de l'année 2017, nous avons recensé les professionnels de santé qui exercent une activité privée soit : (14,87 %) de l'effectif total des professionnels de santé. Parmi eux :

- Médecins généralistes (22%) dans des cabinets individuels, cabinets de groupes et exerçant dans les cliniques privées. Ils sont légèrement moins nombreux, dont leurs activités se résumant à assurer les consultations ;

- Médecins spécialistes (17%) dans des cabinets individuels, des cliniques privées et dans des cabinets de groupes ;

- Chirurgiens dentistes généralistes (12%) exercent dans des cabinets individuels et des cabinets de groupes ;

- Chirurgiens dentistes spécialistes (01%) ;

- Officines privées gérées par des pharmaciens généralistes (30%) ;

- Laboratoires d'analyses médicales autonomes pour les patients en ambulatoire ; avec des pharmaciens spécialistes en biologie clinique, tous conventionnés avec les EPH et EPSP pour effectuer des paramètres biologiques et l'incinération des déchets hospitaliers ; et des biologistes cliniciens ;

- Entreprises de production de médicaments : avec pharmaciens spécialistes et pharmaciens généralistes comme directeurs techniques et totalisant l'emploi de plusieurs pharmaciens généralistes (10%) ;

- Auxiliaires médicaux (07%) dont à titre individuel (sages-femmes, kinésithérapeutes, opticiens, psychologue, prothésistes dentaires ; etc. ;

- Entreprises de transport sanitaire (ETS) : de catégorie «A» «B» et «C» faisant travailler plusieurs auxiliaires médicaux (04%).

- les auxiliaires médicaux exerçant dans le secteur privé (IDE, IB, S-F, Acc, APM), avec une sous-déclaration car un effectif instable et ne reflète pas la réalité.

- Des centres d'hémodialyse et des cliniques privées avec des générateurs d'hémodialyse en exploitation prenant en charge des patients en IRCT.

- Capacité en lits = 6,03% de la capacité totale en lits.

Par ailleurs, nous signalons que plusieurs projets de cliniques privées sont à l'étude ou en cours de réalisation et/ou en cours d'acquisition d'équipements.

IV ?b- Evolution démographique :

Au total, le nombre de professionnels de santé privés est en stagnation et stabilisation depuis 2017 par rapport aux années précédentes.

Le mouvement recouvre :

- une forte hausse du nombre d'officines avec saturation pour des communes en raison de la stricte application du numerus clausus ;

- une insuffisance d'installation des auxiliaires médicaux exceptés pour les opticiens ;

- une baisse des effectifs de médecins généralistes, dont quelques-uns ont fermé leurs cabinets et intégré le secteur public. Par ailleurs, nous notons une faible attractivité du métier de médecins généralistes installés pour les jeunes avec une part croissante de femmes sur l'évolution de la structure démographique de la profession, un exercice majoritairement urbain et ne participent pas aux gardes ;

- Une hausse de certaines spécialités qui continuent à croître avec une forte progression, tandis que d'autres poursuivent une régression engagée par rapport aux années antérieures. Nous signalons aussi le transfert de certains spécialistes des wilayas limitrophes vers les villes du chef-lieu qui offrent plus de possibilités d'exercice ;

- Généralement il y a une stagnation dans l'installation à titre privé. La concentration des spécialistes dans les communes chef-lieux au détriment de la périphérie avec une sursaturation d'officines dans les autres communes enregistre la plus faible densité en professionnels de santé privés ;

Il y a lieu de relever qu'à la faveur de l'investissement privé dans le secteur privé de la santé, nous notons une certaine attractivité pour les cliniques privées se caractérisant par la non-maîtrise des dépenses de santé et dont les prix sont non pas respectés et fluctuent tant que la tarification datant de 1987 est non actualisée.

L'augmentation des honoraires des professionnels de santé privés qui ne correspondent pas aux tarifs édictés par la réglementation du remboursement de la sécurité sociale.

En effet, le nombre de praticiens privés s'est fortement accru avec des tarifs très chers pour la population.

L'augmentation des prestations de soins et des médicaments a engendré un phénomène d'éviction de certaines catégories des soins les plus performants, posant un problème d'accessibilité.

Il y a développement d'un système de soins composé des services de santé du secteur privé de meilleure qualité orienté vers les catégories plus riches de la population, ce qui développe déjà des effets dévastateurs sur les populations les plus vulnérables.

Par ailleurs, il est souvent dit que « ?les privés permettraient de rentabiliser l'activité de soins, sous prétexte que le secteur public n'arrive plus à satisfaire la demande? » .

Mais actuellement le secteur public fonctionne avec des moyens de plus en plus modernes, et a de fortes chances qu'il gagne et récupère sa crédibilité et son image de marque sous la direction éclairée et la bonne gouvernance de l'actuel Monsieur le Ministre qui, aujourd'hui, est capable de prendre en charge tous les besoins de toute la population et les malades auraient à choisir entre les hôpitaux publics modernes ou les cliniques privées.

Cependant, les cabinets de groupes qui, en principe, ont pour objectif une prise en charge mieux coordonnée du patient, la volonté d'être suffisamment proche d'un plateau technique à qui adresser les patients se heurte à des obstacles financiers.

Alors, le suivi démographique des médecins remplaçants n'est pour l'instant pas assuré par les systèmes d'information de l'assurance maladie. En effet, les remplaçants exerçant avec les feuilles de soins des confrères qu'ils remplacent. Les actes qu'ils exécutent pendant leur remplacement sont comptabilisés avec ceux des confrères qu'ils remplacent. Or avec les remplaçants, il reste un écart important.

Nous notons 03 éléments déterminants pour expliquer le malaise de la profession libérale de santé et analyser ses difficultés actuelles :

- l'isolement ;

- la charge du travail ;

- le manque de perspectives : il n'existe aucune possibilité d'évolution dans leur carrière.

Donc, la répartition géographique est inégale sur le territoire des wilayas et la densité varie d'une commune à une autre, avec une densité forte dans la commune chef-lieu.

En revanche, les communes éparses et lointaines semblent moins attractives pour l'installation à titre privé de toutes les catégories.

Par ailleurs, le secteur est ouvert à l'investissement privé qu'il faut encourager et faciliter l'installation, au vu de sa capacité dans la participation complémentaire à l'édification du système national de santé, en tenant compte bien évidemment des aspects juridiques, réglementaires et techniques selon les normes pour atteindre les objectifs assignés.

Tout investissement privé, qu'il soit national ou étranger, est un acquis au service du citoyen, car il revêt une importance capitale et ce pour son rôle complémentaire afin d'absorber le déficit enregistré dans certaines spécialités et autres créneaux prometteurs et porteurs, tels que l'industrie pharmaceutique, pour satisfaire le marché national.

A ce titre, ces projets totalisant des milliards de DA, devraient générer des emplois, de la richesse et le transfert de la biotechnologie médicale. Un porte-feuille foncier devrait être affecté à ces projets qui relanceront l'investissement local dans le secteur d'activités tels que l'industrie pharmaceutique dans les nouvelles zones d'activités (ZAC) des wilayas avec une enveloppe financière à dégager pour leur aménagement.

Les projets à retenir ayant à trait à la production industrielle pharmaceutique et cliniques privées, jugés en parfaite adéquation avec les besoins de la nation et des wilayas pour le développement évident concourront, une fois concrétisés, à la création de milliers d'emplois. Ainsi, plusieurs opportunités sont offertes aux investisseurs.

IV -c- Secteur privé entre profit et déontologie :

(Décret exécutif n° 92/276 du 06/7/92 portant Code de déontologie médicale)

Cependant, la crise multidimensionnelle qu'a connu le libéralisme depuis plus d'une vingtaine d'années a conduit à une situation déplorable du secteur privé. Elle a engendré parfois des pratiques pas toujours conformes aux principes de l'éthique et de la déontologie, d'autant plus dangereuses qu'il y avait affaiblissement de l'autorité publique.

Il devient donc indispensable d'envisager des actions à même de rétablir ces principes, en tenant compte à la fois des progrès que connaissent les sciences de la santé, et des valeurs morales et culturelles.

S'agissant du Conseil de la déontologie, un état des lieux est nécessaire pour améliorer la prise en charge des problèmes qui entrent dans le cadre de ses prérogatives, en gardant à l'esprit l'importance des enjeux et défis du futur.

L'analyse de la situation actuelle montre clairement que le secteur privé connaît, dans ses différentes composantes, des problèmes importants que les interventions souvent fragmentaires des dix dernières années n'ont pas pu corriger.

Les conséquences de la crise déontologique menacent aujourd'hui ses principes fondamentaux. Aussi, des corrections profondes sont-elles à apporter dans des domaines aussi importants. Ces corrections de moralisation sont nécessaires afin que le secteur privé puisse faire face aux déviations et aux carences rencontrées.

A suivre...

*(DSP de Mostaganem)