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Il nous faut construire l'Algérie du 21ème siècle !

par Karim Zakaria Nini *

  Le 20ème siècle a été pour le peuple algérien le siècle de la maturité. La Révolution algérienne marque, en effet, l'aboutissement de plusieurs dizaines d'années de lutte pour l'affirmation d'une identité algérienne émancipée de la tutelle mortifère coloniale. L'Indépendance de l'Algérie est une date clé dans la compréhension des enjeux géopolitiques qui ont caractérisé le siècle passé. Le monde devait, désormais, traiter avec de nouvelles nations, le temps de la domination aveugle était terminé. Le 20ème siècle a, donc, été celui de l'édification d'une nation, d'un peuple, d'une identité et d'un projet commun. Mais le siècle passé a aussi été celui du recouvrement de la dignité. Au lendemain de l'indépendance, l'écrasante majorité des Algériens vivait dans une misère effarante. Plus de 70% de la population étaient analphabètes. Les Algériens manquaient de tout : de soins, de toits et même de chaussures ! Il fallait retrouver la dignité. La Révolution de Bovembre devait permettre aux Algériens de rejoindre l'Histoire en tant que peuple fier et civilisé, qu'en est-il alors à l'aube du 21ème siècle ? Où en sont les Algériens en 2017 ? 55 ans après la grande victoire.

En 55 ans d'indépendance, le peuple algérien est passé des épreuves qui ont failli l'anéantir en tant que nation. Printemps berbère, Octobre 88, Décennie noire, durant ces évènements, le peuple algérien était face à son destin, et à chaque fois, il a tenu bon. Plus de 60 ans aprèsb leur Révolution et bien qu'ayant fait face aux pires turbulences de l'Histoire, les Algériens continuent d'avancer. Tant bien que mal, le peuple algérien continue de faire son chemin. Mais alors ? Les Algériens ont-ils réussi leur Révolution ? Les Algériens compte tenu, des aléas de l'Histoire s'en sont, en effet, assez bien sortis. L'Algérie de 2017, en comparaison avec celle de 1962 est une nation qui a assez bien réussi son projet : les Algériens se soignent, vont à l'école et bénéficient d'un droit au logement. La majorité des Algériens mange à sa faim et bénéficie d'un revenu. En comparaison avec l'Algérien de la veille de la Révolution, on peut affirmer que le projet amorcé par les glorieux « six chefs historiques » a porté quelque peu ses fruits. Et maintenant ? Les Algériens doivent-ils se contenter de manger à leur faim et d'avoir de beaux vêtements en se rappelant, tout le temps, qu'ils vivent mieux qu'il y a 60 ans ? Doivent-ils, éternellement, vivre dans la peau d'un colonisé qui vient juste d'avoir accès aux conforts qu'offre la modernité ? Evidemment que non car ceci est un projet vieux d'un demi-siècle. Le projet d'apporter aux Algériens l'éducation et les soins est un projet du 20ème siècle !

En 2017, l'écrasante majorité des Algériens est née, dans une Algérie indépendante et souveraine, avec des droits et des devoirs. Il faut, maintenant, construire un nouveau projet et se donner un nouvel horizon car le temps de la décolonisation est aujourd'hui bien derrière nous. Les Algériens, dont plus de la moitié ont moins de 30 ans, ne se reconnaissent pas dans le discours nationaliste prôné par les autorités, un discours mâché et remâché faisant, désormais, parti du folklore national. Il faut, maintenant, construire l'Algérie des jeunes Algériens ! Il faut, en effet, construire l'Algérie du 21ème siècle ! Et si pour construire cette Algérie nous devions, comme nos grands-parents, faire une révolution, qu'à cela ne tienne ! Mais quelle forme devrait prendre cette révolution ? Quelle révolution pourrait construire l'Algérie du 21ème siècle ? La révolution des Algériens doit être au 21ème siècle celle de la culture ! Les Algériens doivent, en effet, relever le défi de la culture et de la citoyenneté. Si de la Révolution de Novembre nous avons fait gagner une nation, une citoyenneté et des droits, nous devons, désormais, faire fructifier ces droits et assumer, enfin, pleinement nos rôles de citoyens, chèrement acquis. Les jeunes Algériens doivent, aujourd'hui, prendre conscience de leur rôle au sein la société. Ils doivent comprendre qu'on ne peut réclamer ses droits que si l'on a au préalable rempli ses devoirs de citoyen.

Pour commencer, les jeunes Algériens doivent reconquérir la conscience politique qu'ils ont perdue. Ils doivent se remettre à croire que leur mobilisation compte et de ce fait, ils doivent se structurer. Le travail politique contrairement à ce que croit la majorité ne se situe pas dans les partis politiques mais au niveau associatif. La jeune génération d'Algériens doit réapprendre à s'organiser au sein de structures solides qu'ils se doivent de respecter, cela est, en effet, le premier pas vers l'état de droit. Une jeunesse disciplinée qui respecte, scrupuleusement, les règlements d'une association de lecture ou de cinéma, a beaucoup de chance de constituer une élite politique intègre dans le futur. Au contraire, il n'y a rien à attendre d'une jeunesse qui crée des associations fantômes afin de capter sa part de la rente sous forme de subventions étatiques aux associations.

En 2017, il nous faut construire l'Algérie du 21ème siècle sur les bases d'expériences qui ont, déjà, marché et non pas sur des idéologies étrangères à nos traditions et obsessionnellement revendicatives. L'Algérie du 21ème siècle devra se construire sur les victoires chèrement acquises du siècle passé. L'Indépendance algérienne n'aurait, en effet, jamais pu être possible sans un immense travail d'organisation, de structuration et de discipline de la part de la Jeunesse algérienne qui s'est étalé sur des dizaines d'années et qui a commencé par L'Etoile Nord-africaine de Messali Hadj pour aboutir au Congrès de la Soummam, en passant par l'Organisation spéciale de Belouizdad et de Boudiaf. L'Algérie du 21ème siècle se construira sur une révolution culturelle qui devra être menée par une scène associative riche et disciplinée. L'Algérie de demain sera comme l'Algérie d'hier, le fruit de la Jeunesse et devra avoir pour slogan : ?la littérature, l'art et la citoyenneté'.

* Docteur en littératures de langue française. Doctorant en littérature comparée et générale