Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Faute de place dans les centres de rétention: Madrid décide d'emprisonner les harraga

par Moncef Wafi

L'Espagne est au cœur de l'actualité de l'immigration clandestine puisque le nombre, sans cesse croissant, des bateaux de migrants irréguliers qui débarquent sur ses côtes, a définitivement mis Madrid dans l'embarras. Le ministre espagnol de l'Intérieur Juan Ignacio Zoido s'est, d'ailleurs, avoué débordé par cet afflux, sans précédent, de ?harraga', 962 personnes sont arrivées pa r la mer depuis le 16 novembre dernier dont 562 Algériens. La moitié de ces migrants ont été interceptés non loin des côtes de Murcie, où ils ont été débarqués. Rappelons que l'ambassadeur d'Algérie en Espagne, Taous Feroukhi, devrait être reçu par le ministre de l'Intérieur, au courant de cette semaine, pour justement discuter de l'arrivée massive des clandestins algériens. Madrid compte demander à Alger de renforcer le contrôle frontalier de ses 1.000 km de côtes afin de stopper ces débordements coordonnés d'immigrants illégaux et éviter les tragédies humaines qui en découlent. Selon le quotidien espagnol d'information générale ?ABC', 600 Algériens ont débarqué à Almeria et Murcie entre le 26 octobre et le 3 novembre derniers. Pour faire face à la situation, Madrid a décidé d'«héberger» près de 500 de ces migrants, arrivés en Espagne après l'interception de leurs embarcations, dans le centre pénitentiaire d'Archidona, près de Malaga, dans le sud du pays. La prison construite, récemment, est pour le moment vide puisqu'elle devait commencer à accueillir des détenus en 2018. Le ministre a expliqué ce recours par le manque de place suffisante dans les 7 centres de rétention que compte l'Espagne, déclarant qu'il serait mieux pour les immigrés d'être dans un centre «avec des moyens sanitaires, des douches, du chauffage, des lits, des salles de sport, que de les mettre dans des campements comme nous en avons vu dans d'autres pays». Zoido s'est également montré ferme en affirmant ne pas accepter que «sous prétexte qu'arrivent autant de bateaux et que nous puissions les sauver, que ces personnes restent en liberté» a-t-il précisé, craignant «un appel d'air», pour la mafia des passeurs. Cette décision d'interner les migrants dans un centre pénitentiaire n'a pas fait l'unanimité en Espagne puisque de nombreuses voix se sont fait entendre pour dénoncer son aspect inique. Ainsi, leur placement dans la prison d'Archidona a été, vivement, critiqué par des ONG locales dont ?Malaga Acoge', même si elle a été autorisée par la justice. «Nous sommes radicalement contre», a déclaré à l'AFP, son directeur Alejandro Cortina, expliquant que des étrangers ne peuvent être retenus dans des prisons.

«Nous ne savons pas s'il y aura du personnel habilité pour détecter la traite d'êtres humains, ni si un juge supervisera cette installation», à l'instar des centres de rétention d'étrangers. Le Service jésuite aux migrants qui les assiste dans ces centres d'internement, a aussi estimé que la décision viole «des droits et garanties constitutionnels», regrettant que cette détention «criminalise, injustement, des personnes qui n'ont commis qu'une infraction administrative».

Rappelons que des organisations des droits de l'Homme et partis espagnols de gauche avaient, également, dénoncé les mauvaises conditions de séjour dans les centres de rétention, n'hésitant pas à réclamer leur fermeture.

«Ils enferment des internés dans des cellules d'isolement, en représailles pour des petites choses, c'est un traitement dégradant», avait, notamment, déclaré un juge chargé du contrôle du centre de rétention de Madrid, estimant que ces centres de rétention sont «pires que la prison». Des Associations de défense des droits humains et de soutien aux migrants dénoncent, elles aussi, des rétentions arbitraires, de mauvais traitements physiques et psychologiques et des atteintes aux droits.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations, 17.687 migrants ont débarqué, en Espagne, par la mer du 1er janvier jusqu'au 15 novembre contre 5.445 sur la même période de 2016.

L'Espagne, même si elle reste encore loin de l'Italie (114.000) ou la Grèce (25.000), redevient une destination de choix des trafiquants qui évitent d'autres routes passant, notamment, par la Libye.