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Après la présidentielle US, la Catalogne: Poutine, ce «gourou» des Occidentaux

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Après avoir été accusée d'avoir influé sur l'élection présidentielle aux USA, la Russie est accusée, cette fois par l'Otan, de manipuler la revendication indépendantiste catalane en Espagne et, plus grave, d'influer de cette façon sur les élections en Europe. Rien que ça !

Le président américain, Donald Trump, fait-il exprès de multiplier des déclarations contradictoires pour rendre illisible sa véritable intention dans la gestion de la relation de son pays avec le reste du monde, ou du moins déstabiliser la stratégie de ses adversaires ? Lors de sa visite au Vietnam, samedi dernier, il a déclaré «Je crois qu'il a le sentiment que ni lui -Vladimir Poutine- la Russie n'ont interféré dans les élections (américaines)», avant d'ajouter quelques heures plus tard «Je crois les services de renseignements américains -CIA, FBI- qui soupçonnent la Russie d'ingérence dans les élections américaines». Autrement dit, une façon originale et déroutante de cultiver le doute et la confusion dans l'esprit de ses adversaires autant américains qu'étrangers. Deux jours auparavant, à l'issue de la réunion des ministres de la Défense de l'Otan à Bruxelles, le général Curtis Scaparroti, chef des forces armées de l'Otan en Europe, déclarait lors d'un point de presse que «l'Otan demande à la Russie d'arrêter d'interférer dans les élections en Europe, y compris en Catalogne». Rien que ça ! Ainsi donc, la Russie dispose du pouvoir d'influer sur les élections en Europe et

aux USA. Comment ? Par quel moyen ? Seul Poutine détient ce secret d'une importance aussi stratégique que malveillante jusqu'à faire passer des nuits blanches aux Occidentaux: «Je suis préoccupé par l'influence russe malveillante dans les pays européens avec ses campagnes de déstabilisation», a ajouté le général américain de l'Otan. Vladimir Poutine provoque une vraie fascination et n'aurait rêvé mieux avoir de tels «attachés de presse» au service de la promotion de la force politique de son pays et son extraordinaire pouvoir d'influence sur les opinions et peuples occidentaux, car le dernier mot (et pouvoir) ne revient-il pas aux votes démocratiques et transparents des peuples occidentaux ? Il va falloir expliquer comment ces peuples soient manipulés par un régime politique -celui de Poutine- qu'ils exècrent et accusent de violence et d'irrespect pour les droits humains. En accusant la Russie d'ingérence et de soutien aux séparatistes catalans, l'Otan (et les ministres européens qui en sont membres) shootent en touche et évacuent leur devoir politique d'assister l'Espagne dans sa crise catalane en offrant un espace de dialogue et de négociations aux Espagnols. Autre question, non moins inquiétante pour le coup, est cette «intrusion» du militaire dans la gestion des politiques en Europe. Est-il permis à un militaire, tout général qu'il est avec un si important poste de responsabilité au sein de l'Otan, de se prononcer sur une question politique (les élections) en Espagne et dans le reste de l'Europe ? Surtout d'exprimer ses «inquiétudes» ? Quand on sait combien l'Europe et les USA sont si prompts à dénoncer et condamner la collusion des militaires avec la politique dans le reste du monde, notamment en Afrique et dans les pays arabes.

Cette deuxième offensive antirusse lui prêtant un pouvoir décisif sur les élections en Europe (après l'épisode américain) traduit le désarroi des Occidentaux face à l'intransigeance russe sur la défense de ses intérêts géostratégiques.

Vladimir Poutine a su «tenir tête» aux Occidentaux dans l'affaire syrienne: Le pseudo-Etat islamique est pratiquement pulvérisé en Syrie et en Irak, avec un renforcement de l'axe Moscou-Téhéran-Damas. Donald Trump a fini par admettre que «la guerre ne règlera pas la question syrienne et qu'il faut privilégier une solution politique». Thèse défendue par Moscou dès les premières heures du conflit syrien avant d'être dans l'obligation de s'investir militairement en fin 2015, soit près de quatre ans après le début du conflit. Par ailleurs, faut-il rappeler la série de sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie par les Occidentaux depuis le conflit ukrainien et la reconquête de la Crimée par la Russie ? D'aucuns étaient convaincus de l'effondrement de l'économie russe qui limiterait, voire anesthésierait l'influence et la diplomatie russe.

Dans cette optique, accuser la Russie de pouvoirs aussi forts jusqu'à influencer les élections en Europe et fomenter des velléités séparatistes dans les démocraties européennes est d'une absurdité sans pareil. Autrement dit, comment faire croire à un pouvoir occulte de Moscou sur les affaires politiques du monde en proclamant partout que le pays est isolé (sanctions) et à la veille d'une révolte populaire chez lui ? Au final, tout en voulant isoler la Russie au plan international, les Occidentaux politiques et militaires se sont transformés de leur plein gré en promoteurs publicistes d'une Russie incontournable dans l'équilibre mondial et inévitable pour la paix dans ce monde.