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Il demande l'annulation de la sentence favorable à l'Algérie: Sawiris saisit de nouveau le tribunal arbitral

par Moncef Wafi

Le contentieux entre le patron d'Orascom, Naguib Sawiris, et l'Etat algérien revient par la porte du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), relevant de la Banque Mondiale, qui vient d'installer un comité ad hoc pour statuer sur un recours introduit par Orascom TMT Investment (OTMTI). L'ancien président de la Cour internationale de justice, le Slovaque Peter Tomka, a été désigné à la tête de ce comité ad hoc, assisté de deux arbitres, Mme Bertha Cooper-Rousseau des Bahamas et Klaus Sachs d'Allemagne, précise le Cirdi sur son site internet. Le comité devra notamment statuer sur une demande d'annulation du verdict rendu le 31 mai dernier par le Cirdi en faveur de l'Algérie, ajoute la même source. Rappelons que le tribunal arbitral a rejeté la demande du milliardaire égyptien Naguib Sawiris, qui réclamait 4 milliards de dollars à l'Algérie dans le cadre d'un litige sur le rachat de l'opérateur mobile algérien Djezzy. La sentence a été rendue à l'issue de plusieurs années de procédure, lancée en 2012 par Sawiris auprès du Cirdi. Le groupe OTMTI, présidé par l'Egyptien avait attaqué l'Algérie, arguant des «mesures illégales prises à l'encontre» d'Orascom Telecom Algérie (OTA), commercialisé sous la marque Djezzy. Le tribunal arbitral de trois juges, dirigé par un magistrat suisse, a «rejeté dans son intégralité la réclamation» d'OTMTI, avait indiqué le cabinet Shearman and Sterling qui défendait Alger, dans un communiqué. Dénonçant un «abus» de procédure, les juges ont condamné OTMTI «à supporter l'intégralité des frais de la procédure ainsi qu'à payer 50% des honoraires d'avocats et autres frais exposés par l'Algérie», soit un montant total de 3,5 millions de dollars, selon ce texte.

En 2010, l'Algérie était intervenue pour empêcher la vente totale ou partielle d'OTA-Djezzy, leader du marché de la téléphonie mobile en Algérie, entendant faire valoir son droit de préemption. Finalement, en 2014, l'Algérie avait racheté 51% des actions d'OTA au géant russe des télécoms VimpelCom (aujourd'hui VEON), devenu en mars 2011 principal actionnaire de la société-mère d'OTA, rachetée à Sawiris. Un long conflit -notamment fiscal- avait opposé les autorités algériennes à ce dernier au sujet de Djezzy où il a réalisé d'importants bénéfices après son lancement en 2002. L'opérateur téléphonique a été épinglé pour évasion fiscale et également condamné par la justice algérienne pour transfert illicite de capitaux. Djezzy a été imposé par le fisc algérien à hauteur de 950 millions de dollars représentant les redressements fiscaux entre 2004 et 2009 et a été assigné de payer 1,3 milliard de dollars pour non-respect à la réglementation algérienne sur les devises étrangères.

Par ailleurs, il est admis qu'en règle générale, les sentences du Cirdi sont définitives et ont force obligatoire à l'égard des parties en conflit mais peuvent faire l'objet d'un recours post-sentence limité ou d'une demande d'annulation totale ou partielle. L'annulation, comme demandé dans ce cas de figure, reste toutefois un recours exceptionnel durant lequel le président du Conseil administratif du Cirdi nomme un comité ad hoc de trois membres qui statuera sur la demande. Elle est prononcée dans des cas rares et exceptionnels tels que l'excès de pouvoir manifeste du tribunal, vice dans la constitution du tribunal ou inobservation grave d'une règle fondamentale de procédure. Si une sentence est annulée en totalité ou partiellement, une partie est en droit de demander que le différend soit soumis à un nouveau tribunal en vue d'obtenir une nouvelle sentence.