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Drogue: «Le Maroc doit être poursuivi devant les Nations unies»

par Yazid Alilat

Le Maroc doit être «poursuivi devant les Nations unies pour agression chimique», a estimé, hier, mardi, le président de la Fondation Nationale pour la Promotion de la Santé et le Développement de la Recherche (FOREM) Mustapha Khiati.

Il a expliqué, à la radio nationale, sur le dossier de la lutte contre la drogue et en particulier l'introduction, en Algérie, de drogues dures, que «la base de ces drogues est le Maroc, dont le cannabis est la matière première pour la fabrication des drogues de synthèse». Pour le président de la FOREM, «c'est un gros problème quand on constate que 70 à 80% de la consommation de drogue, en Algérie, vient du Maroc». «C'est une agression chimique d'un pays contre un autre», et donc «l'Algérie est en droit de saisir les Nations unies sur ce problème, car il s'agit d'une agression d'un pays contre un autre. C'est plus grave qu'une agression armée, puisque la drogue touche la frange la plus sensible de la population, les jeunes de 15 à 30 ans, et détruit la jeunesse». «Il faut poser ce problème au niveau des Nations unies, car c'est le moyen le plus pacifique qui puisse être posé de manière responsable», insiste t-il. De plus, «e pays (le Maroc, Ndlr) ne fait aucun effort pour changer de position, et l'Europe a même aidé (le Maroc) pour reconvertir cette culture du haschich en culture vivrière, et cela a servi à produire davantage de cannabis.» «ous sommes confrontés à un pays voisin qui pose des problèmes à nos frontières» Le professeur Khiati a indiqué, par ailleurs, que les saisies et la consommation de drogues sont en train de baisser grâce à la lutte antidrogue et contre la toxicomanie. «n constate que depuis trois ans, il y a une décélération de la consommation de la drogue avec la diminution des saisies et de meilleurs contrôles aux frontières.» En termes de saisies, «n passe de plus de 225 tonnes en 2013, à moins de 100 tonnes, cette année et l'année dernière, alors qu'en 2015 presque 110 tonnes» a-t-il indiqué. Cependant, il relativise ces chiffres en soulignant que «le nombre de personnes arrêtées est toujours le même, avec plus de 15.000 personnes arrêtées, tous les ans», en relation avec la consommation ou la vente de drogues. Selon le Pr Khiati, «il y a toujours la consommation de drogues, mais avec une certaine pénurie. La drogue n'est pas aussi facilement trouvée au niveau des points de vente habituels, ce qui confirme la diminution de son entrée en Algérie». Pour autant, il relève que les saisies ne représentent que «10% de ce qui entre dans le marché, c'est lié à une offre de cannabis qui est importante à nos frontières avec une production (au Maroc) de 30.000 à 50.000 T/an.» «Il faut donc que cette production aille quelque part», explique le Pr Khiati, selon lequel «l'Europe a créé des barrières, qui lui permettent d'être une frontière et donc il y a le sud de l'Algérie qui est devenu un point de passage important.» Pis, nous sommes, malheureusement, devenus un pays de consommation, même si nous sommes encore un pays de transit: il y a 600.000 consommateurs en Algérie dont 20% de consommateurs chroniques», affirme-t-il. Et, ce sont les «15-30 ans, qui sont les plus exposés au fléau, et sont l'essentiel de la structure des personnes impliquées dans la consommation de drogues, alors qu'ils sont le pilier du développement du pays».

Pour le Pr Khiati, il faut «renforcer les mesures contre la consommation du tabac, augmenter les prix (du tabac), impliquer la réglementation dans l'interdiction de fumer dans les espaces publics, interdire la vente de cigarettes aux moins de 20 ans et mettre en place d'autres mesures de prévention contre le tabagisme». D'autre part, le président de la FOREM rappelle qu'il y a une «relation étroite entre la drogue et la délinquance. Cela est prouvé par le nombre de personnes arrêtées chaque année, soit environ 20.000 personnes liées à la drogue et à la violence, et cela constitue la moitié des prisonniers, en Algérie. Il s'agit de chiffres considérables».

Par ailleurs, le Pr Khiati, sur l'introduction de nouvelles drogues en Algérie explique qu'il faut «distinguer entre la drogue classique (cannabis, résine de cannabis, haschich), et les drogues dures (héroïne et cocaïne), avec des saisies importantes, ce qui montre que le marché intéresse des cartels.» En outre, ajoute t-il, «il y a les drogues de synthèse préparées dans des laboratoires clandestins, comme le «?flakka' ou ?spice', qui rendent les consommateurs comme des -zombies-, et sont extrêmement nocives pour la personne elle-même, car elles entraînent une totale inhibition, et provoquent des actes horribles», souligne-t-il.

Ces drogues dures «entraînent une addiction très rapide et détruit la personne», indique t-il, et souligne que cette drogue «a fait son apparition en Algérie, et c'est un début grave et très préoccupant. Elle doit être combattue par la mise en place de l'Observatoire des drogues». «Il faut que des mesures soient prises par les différents services de sécurité, et même en créer une organisation unique pour s'opposer à ce fléau», préconise le Pr Khiati. Pour lui, «la société civile doit se sentir concernée, elle est interpellée, et il est dommage de constater que très peu s'impliquent dans la lutte contre la drogue». Car, estime-t-il, «il ne faut pas considérer que seuls, les services de sécurité soient concernés par la lutte contre la drogue et la toxicomanie».