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Quel rôle pour le Conseil supérieur de l'éducation nationale (1ère partie)

par Chaîb Aîssa-Khaled *

Après avoir traité de l'opportunité, des missions et de la politique appelée à animer le Conseil supérieur de l'éducation nationale s'il venait à être institutionnalisé, je ne manquerais pas de traiter de son rôle, faute de quoi mon approche sera inachevée et je me «crasherais».

Il s'agira pour cette institution de réinventer l'école algérienne car l'heure est venue pour celle-ci de finir avec l'âge ingrat. Cinquante ans c'est somme toute, un âge suffisamment avancé pour qu'elle prétende à l'âge de raison et devienne une «Ecole intelligente».

Réinventer l'école algérienne c'est donc :

-promouvoir la valeur éducative et culturelle de l'enseignement des sciences ;

-conforter la conscience nationale dans sa dimension universelle ;

-réhabiliter le statut de l'enseignement des langues étrangères et la motivation des gestionnaires de la mission éducative ;

-former des citoyens capables de raisonner logiquement et de juger avec méthode ;

-former une personnalité en mesure d'accompagner son temps, d'où la réhabilitation de sa fonction sociale ;

-repenser l'homme ;

-mettre l'école au service de l'épanouissement national ;

-réhabiliter l'Institut national de recherche en éducation, (INRE), dans son rôle originel ;

-promouvoir l'éducation de la culture universelle ;

Réinventer l'école, c'est croire en la valeur éducative et culturelle de l'enseignement des sciences

Il est vrai que le savoir directement utilisable reste le savoir scientifique. Non seulement ce savoir est utile aux pratiques de la vie parce qu'il développe l'intelligence spéculative, il affûte la raison en conduisant à la moralité, il initie la personnalité à s'autodéterminer à travers la rigueur en tendant à l'efficacité, à la minutie et à la précision dans toutes les missions auxquelles elle prendra part.

La valeur éducative et culturelle de l'enseignement des sciences est universelle parce que le déterminisme est leur propre. Les vérités qu'elles énoncent ne risquent pas de s'accompagner de probabilités, comme elles ne risquent pas d'être affectées d'incertitudes. L'enseignement des sciences, bien réfléchi, bien pensé et bien accompli, permet alors à celui qui le recevra de se forger cette dimension psycho-intellectuelle sur laquelle s'édifieront son jugement méthodique et son raisonnement logique. Dès lors, il apprendra à jouir d'une autonomie responsable et disposera des capacités intellectuelles nécessaires à l'aboutissement de ses pouvoirs d'abstraction et de conception. Dès lors, il réagira avec finesse, ardeur et objectivité au difficile et à l'imprévu. Dès lors, il affermira le sens de la communion entre l'effort individuel et l'effort collectif.

Au plan psychopédagogique, l'enseignement des sciences doit cheminer le parcours naturel des progressions de l'esprit. Le but attendu est d'aiguiser ses facultés de jugement et de raisonnement. Il le mettra donc face à l'inconnu, tout en l'investissant de la logique et du bon sens qui lui permettront d'opérer des réflexions, des abstractions et des conceptions en vu de le maîtriser. Il ne doit donc pas être fugace, superficiel, disparate. Il sera sagace, tout en restant dans les limites des capacités d'analyse et de synthèse de l'esprit auquel il s'adressera et tout en tonifiant l'évolution de son équipement intellectuel de prospection et d'exploration.

Caution du programme «Ecole intelligente», l'enseignement des sciences sera un enseignement formationnel (1) exponentiellement promoteur de cet esprit qui :

- ne sera plus contrarié dans ses entreprises par une intelligence dispersée et par une volonté étroite ;

- ne fera plus des courbettes à la fatalité ;

- apprendra à mettre à profit ses investigations et ses recherches en s'investissant dans cette mentalité scientifique qui lui permettra d'élaborer l'interprétation de ce qu'il connaît pour se rapprocher de plus en plus de ce qu'il ignore ;

- prendra conscience que son autonomie intellectuelle ne trouvera une expression éloquente que s'il apprend à dompter les mystères de la nature pour les domestiquer à des fins utiles et que son aptitude à pénétrer à l'intérieur du savoir pour y organiser des concepts n'atteindra son âge de raison que si elle prend de l'épaisseur au profit d'un avenir commun aux hommes bien pensé et bien réfléchi ;

- saura organiser l'évolution de sa démarche intellectuelle qu'elle soit spéculative2 ou conceptuelle, sans pour autant se figer dans le déterminisme superficiel de l'évidence ;

- ne se limitera plus à se mouvoir entre des concepts grossièrement formés ;

- ne se contentera plus de prendre acte des informations qui lui seront dispensées, mais qui s'évertuera à argumenter, à confirmer ou à infirmer les utilités pratiques qu'elles sous-tendront ;

- éprouvera le besoin d'aller à l'avant des impressions qui tendront à l'envahir ;

- ne soumettra plus la résolution des situations-problèmes qui tenteront de l'assiéger à la discrétion du hasard mais au crible de sa raison ;

- s'investira dans cette intelligence fonctionnelle par souci de s'élever de l'expérience vers la conception de la formule, du sensible vers la notion claire, de la notion claire vers la notion distincte et de la notion distincte vers la notion déterminée d'une part et d'autre part, pour pouvoir discerner entre le factice et le réel, entre l'accessoire et l'essentiel, entre le probable et le sûr. En somme, au moyen de cette intelligence fonctionnelle, il s'élèvera de l'intuition vers la vérité scientifique et son interprétation ;

- apprendra non seulement à devenir mais surtout à être, à penser par lui-même et à se passer de tuteur, à conscientiser ce qui se passera autour de lui et à surmonter la contradiction lors de sa rupture avec les schèmes habituels ;

- s'évertuera à comprendre le pourquoi et le comment pour s'extraire de la confusion des idées, de l'impasse de l'inexactitude et du cloaque de l'incohérence et se concilier avec l'authentique ;

- s'astreindra à évaluer ses acquis, à élargir ses limites et à agir en fonction de ce qu'il pourra être ;

- vectorialisera ses efforts de prospection, d'exploration, de sélection, d'élaboration afin qu'ils évoluent sans se contredire ;

- s'évitera de réduire ses entreprises de recherche et d'investigation, sa pensée et son action à de vulgaires agitations impulsives ;

- s'efforcera d'acquérir toute la perfection dont il a besoin pour être apte à exercer pleinement son rôle dans la cité ;

- apprendra à faire de la recherche de la vérité scientifique la manifestation supérieure de son intelligence. Ainsi, il légitimera sa signification existentielle et affermira cette démarche intellectuelle qui l'aidera à régir les étapes de sa perfectibilité dans la résolution des difficultés qui lui résisteront pour que s'épanouisse son autonomie intellectuelle et s'accomplisse son pas libérateur;

- évaluera ses pensées et ses actions les unes par rapport aux autres, au plan de leurs cohérences, de leurs pertinences et de leurs faisabilités en vue de s'extraire de l'isolement et de l'étroitesse que génèrent les pensées engagées au gré de l'intuition et les actions entreprises au gré de l'humeur pour développer avec le progrès des rapports de moins en moins timides, de moins en moins simplistes, de moins en moins précaires. Son souci sera alors de ne plus se sentir décroché de la modernité;

- apprendra à sélectionner et à hiérarchiser ses arguments pour mieux vivre son savoir en vue d'animer et d'entretenir cet entrain qui l'incitera à rompre avec le carcan de l'incertitude.

A suivre..

* Directeur de l'éducation - Auteur de 12 livres, (histoire immédiate d'Algérie-Pédagogie)