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Quel état descriptif de division et quel règlement de propriété devoir consacrer à l'avenir par les notaires pour la vente sur plan des promoteurs immobiliers ?

par Dali-Youcef Omar*

Je n'ai pas hésité à faire le déplacement de Tlemcen à Sétif pour assister à la journée d'étude le 22 septembre 2017 organisée par la Chambre régionale des notaires de l'Est, sous l'égide de Monsieur le Wali, sur les thèmes de la promotion immobilière dans le domaine sensible du logement social participatif -LSP- devenu le logement promotionnel aidé -LPA- et de leur corollaire, le règlement de copropriété avec état descriptif de division -EDD.

Le premier conférencier, l'honorable maître Delanda, a été bien inspiré de nous éclairer sur le pourquoi de la naissance de la copropriété à Grenoble, en France, pour s'étendre à la verticale dans les tissus urbains du monde.

Cela a permis à l'honorable directeur général de la CNL, monsieur Bellayat, de nous préciser encore un peu plus, quant à lui, que la copropriété pouvait être aussi bien verticale qu'horizontale, même si dans les deux cas de figure, il y a toujours des parties privatives et des parties communes.

Le troisième conférencier se contenta, quant à lui, de paraphraser, à sa manière, les détails du décret exécutif n° 14-99 du 04/03/2014 fixant le modèle de règlement de copropriété applicable en matière de promotion immobilière, pour mettre en exergue les trois sortes de parties communes que détaille ce décret exécutif.

Quant à la chambre des notaires, elle a été moins bien inspirée, à mon avis, en interrompant, de temps à autre et de façon impromptue, ces honorables conférenciers par des pauses subites de remises de prix ou de «tekrimet», ce qui laissa beaucoup moins de temps à l'assistance pour intervenir efficacement et créer un véritable débat contradictoire, préalable aux résolutions qui avaient été entamées plus tôt que prévu et qui devaient être assises justement sur les résultats de ce débat contradictoire en cours et ne pas le précéder, afin qu'elles aient plus d'impact sur les structures gouvernementales chargées de les lire éventuellement et les analyser et les apprécier à leur juste valeur juridique.

Le premier conférencier a brossé un tableau de la promotion immobilière telle qu'initiée par l'Etat par la loi n° 11-04 du 17/02/2011 pour la circonscrire dans le domaine des logements sociaux participatifs, appelés aujourd'hui logements promotionnels aidés.

En effet, maître Delanda a été, de très bonne foi, l'avocat de tous les bénéficiaires de ces logement LSP ou LPA d'Algérie, pour essayer de mettre en relief l'inutilité de l'interdiction de cession de ces biens immobiliers après leur acquisition comme précisé par la circulaire du ministère des Finances du 24/02/2013.

Il a invoqué, pour ce faire, beaucoup de raisons sociales ou économiques pour justifier l'inutilité de cette interdiction de céder à autrui, même à titre gratuit, pendant 05 ans, ce bien LSP ou LPA acquis au départ à prix réduit, grâce au Trésor public.

Je pense, quant à moi, que cette incessibilité a été bien pensée par l'Etat, personne morale, car elle met un frein certain aux manœuvres spéculatives de certains qui ont su passer à travers les mailles du contrôle préalable et n'acquérir ce bien que dans le but spéculatif bien ancré de le revendre tout de suite après.

Et pour preuve de ce coup de frein aux éventuels spéculateurs, ce sont les formes d'actes formels que certains notaires se permettent de rédiger, sous leur responsabilité, pour éviter ce frein ou le contourner, telles les reconnaissances de dette folkloriques relatives à ce logement LPA, les prêts à usage de ce bien immobilier qui cachent un véritable transfert de propriété, les longues promesses de vente de cet appartement, couvrant la durée de l'incessibilité, que ces officiers publics devraient refuser de rédiger dès qu'ils découvrent cette réalité de la transaction immobilière déguisée, c'est-à-dire la réalité de l'acte formel qu'il nous est interdit de rédiger.

Contrairement à ce que pensait une consœur, ces actes formels, même non argués de faux criminel ou de faux civil, ne peuvent valoir devant dame Justice que par rapport à leur contenu formel apparent et rien de plus, n'en déplaise à l'acquéreur déguisé en prêteur d'argent.

Mais parallèlement à cela, maître Delanda a semblé ne pas analyser, hélas, à sa juste valeur juridique la notion de P.V de remise des clefs à partir duquel commence à courir l'incessibilité de cinq ans.

En effet, la vente sur plan d'un bien immobilier telle que prévue et détaillée par le décret exécutif n° 13-431 du 18/12/2013, qui reprend l'article 28 de la loi n°11-04, reste avant tout une création de l'esprit tout à fait subjective car l'appartement sur plan reste tout à fait virtuel à son départ, quand bien même l'achat de cet appartement est concrétisé par un acte authentique sur la base de l'article 03 de la loi n°06-02 du 20/02/2006 portant organisation de la profession de notaire et dûment publié dans une conservation foncière, comme en dispose l'article 34 de la loi.

L'orateur aurait dû apprécier, à sa juste valeur l'alinéa 02 de cet article 34 qui insiste sur cette notion de prise de possession réelle dans cette transaction immobilière d'un type particulier.

En effet, c'est le P.V. de remise des clefs qui constitue le point de départ de la période d'incessibilité de 5 ans, car c'est ce procès verbal de mise en possession qui transfère réellement le bien immobilier à l'acquéreur et efface toute trace de virtualité à partir de l'enregistrement de ce P.V. de mise en possession.

Comment peut-on donc envisager de ne pas tenir compte de l'importance de ce petit P.V. dans la vie de l'appartement virtuel car acquis sur plan au départ ?

Je pense que le conférencier aurait dû suggérer le maintien de cette disposition d'incessibilité, mais toujours à partir de la mise en possession qui opère le véritable transfert de propriété du promoteur vers l'acquéreur aussi bien en ce qui concerne les parties privatives que les parties communes, quelle qu'en soit la catégorie.

Monsieur le Directeur général de la CNL, le deuxième conférencier, a pris en considération ma remarque sur la différence qu'il faudrait opérer, peut-être à l'avenir, dans la loi n° 11-04 ou le décret n° 14-99 à propos de ces parties communes, entre les parties communes verticales qui sont réelles, incontournables et gérables et celles horizontales, beaucoup plus difficiles à cerner par rapport à la réalité urbanistique du projet et qu'il faudrait envisager à l'avenir sans la rigueur et la rigidité de ce décret n°14-99.

En effet, obliger un promoteur, dans son règlement de copropriété, à s'occuper de loge de gardien d'une cité de 60 villas, ouverte à tous les vents et de gestion du parking commun aux villas pendant deux ans, alors qu'il vend des villas presque individuelles, parait comme une contrainte inutile si on se réfère à l'EDD qui ne prévoit comme parties communes que les simples murs de mitoyenneté entre chaque villa à vendre, comme c'est le cas pour cet OPGI de l'extrême ouest du pays.

Mais, hélas, conformément aux articles 03 et 06 de ce décret exécutif, le notaire se doit d'être légaliste et de faire état dans son acte des artifices de cette gestion de ce parking et de ce local qui paraissent tout à fait inutiles lors de la vente de ces villas individuelles, avec dessertes et autres voies de circulation entre ces biens immobiliers réalisés totalement à l'horizontal.

En effet, ce décret exécutif n° 14-99 sur lequel s'appuie le géomètre expert pour rédiger son EDD avec règlement de copropriété au profit du promoteur immobilier, se doit de préciser dans son rapport comme le précise l' annexe :

1)-Qu'il a prévu et réalisé au titre des parties communes, les locaux nécessaires à l'administration des biens éventuellement à la conciergerie.

2)- Qu'il a prévu les règles de gestion de l'administration de l'immeuble ou du groupe d'immeubles pendant les 02 premières années qui suivent la mise en disposition.

Et ce sont ces difficultés qui auraient dû être débattues en profondeur par ces conférenciers et l'assistance pour sortir, après coup, avec des résolutions tout à fait pratiques pouvant largement aider le Premier ministère à revoir et étudier de façon plus adéquate ces textes de loi qui régissent des domaines aussi sensibles que la promotion immobilière où les états descriptifs de division verticaux ou horizontaux avec règlement de copropriété en vue d'une application effective de ces règlements sur le terrain que le 3ème conférencier a paraphrasé et dont il n'a présenté qu'une partie malheureusement, car lui aussi n'a pas pu nous lire tout son exposé, faute de temps, comme le lui faisait remarquer son confrère assis à côté de lui.

Par ailleurs, les conférenciers ou les rédacteurs des résolutions auraient gagné à attirer aussi l'attention du Premier ministère sur la différence qui existe entre la version française et la version arabe du décret exécutif n°13-431 du 18/12/2013 définissant les modèles-types des contrats de réservation et de vente sur plan, pris sur rapport du ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville.

En effet, le modèle-type de contrat de vente sur plan inséré dans ce texte de loi, dans la version française, prévoit l'établissement de cet acte authentique sans la présence de témoin, car il est précisé dans la dernière phrase du contrat de vente sur plan ou le contrat de réservation ce qui suit : « Et après lecture et interprétation, les parties ont signé» (c'est-à-dire le promoteur immobilier et l'acquéreur, voir le J.O n°66 du 25/12/2013).

Or, la traduction en arabe, donc en langue officielle de ce passage du décret 13-421 n'est pas identique puisque le traducteur du ministère de l'Habitat a ajouté de son propre chef ce qui suit : «Et après lecture et interprétation les parties l'ont signé avec les témoins et le notaire».

Cette méprise est de taille dans le domaine notarial car nous savons qu'il existe des actes ordinaires, tels les baux, les ventes?et les actes solennels tels les donations, les actes de mariage etc. pour lesquels l'article 324 bis 3 du Code civil exige la présence de deux témoins instrumentaires, sous peine de nullité.

Et comme les ventes sur plan ou les contrats de réservation de biens immobiliers conclues entre un promoteur immobilier (personne physique ou morale) et un acquéreur (personne physique ou morale) sont des actes authentiques ordinaires, je vois mal la présence d'un témoin de reconnaissance ou d'un témoin instrumentaire pour me confirmer que la personne physique assise devant moi est bien le représentant légal de telle entreprise publique économique alors que les documents de preuve de cette qualité sont déjà dans le dossier, documents que j'ai vérifiés et contrôlés préalablement à la signature de l'acte par la personne physique assise devant nous.

De plus, dans la rubrique ou le paragraphe «délai de livraison» du modèle-type de contrat de vente sur plan le dernier morceau de la phrase de la 3ème ligne, («elle est constatée») a été sauté dans la version arabe alors qu'il s'agit d'une donnée importante relative au payement des échéanciers.

*Notaire à Tlemcen