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Sit-in des médecins au CHU Mustapha: «La ligne rouge a été franchie»

par M. Aziza

  Les blouses blanches se sont rassemblées hier au CHU Mustapha Pacha, après l'appel lancé conjointement par le Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires (SNECHU) et le comité des médecins résidents du Centre, pour dire haut et fort qu'ils ne sont pas des «criminels», s'insurgeant ainsi contre «la campagne de dénigrement» dont ils sont victimes, orchestrée, selon les protestataires, par «certains médias qui cultivent le sensationnel» et par «certains réseaux sociaux».

En colère, le personnel de santé brandissait des banderoles sur lesquelles étaient écrit : «Médecin et malade victimes de l'échec du système de santé» et «Libérez nos confrères». Les protestataires scandaient «Respect, dignité, solidarité».

La porte-parole du comité des médecins résidents a dénoncé énergiquement les conditions difficiles dans lesquelles le personnel médical exerce et dénonce le fait que ce personnel soit pris pour cible. «Il y a des résidents qui se font insulter, frapper, pour des raisons qui ne relèvent pas du tout de leur responsabilité»..«pour la simple raison que le résident est la première personne à qui le malade fait face».

Les résidents ont tenté d'expliquer aux citoyens que «le médecin n'est pas un surhumain. Si on n'a pas le matériel nécessaire, si on n'a pas le personnel paramédical qu'il faut, si on est en sous-effectif et si la capacité de surcharge nous dépasse, le résident ou le médecin en général ne peut pas pallier les manques d'un système de santé défaillant depuis plusieurs années».

La même intervenante indique qu'«aujourd'hui le médecin résident ouvre et ferme la porte, fait le tri aux urgences pour identifier les cas les plus urgents ; il fait les bilans». Autrement dit, le médecin algérien se retrouve en train d'exercer plusieurs fonctions à la place de l'agent de sécurité, de l'infirmier, du coursier et autres.

«On est arrivé à un point où la goutte d'eau a fait déborder le vase, on est arrivé à la limite», dit-elle. «Aujourd'hui, on réclame des solutions à ces problèmes».

Les médecins résidents rappellent que les établissements de santé ne sont pas gérés par des médecins, mais aussi, par des directeurs et par un personnel administratif censés gérer, organiser et contrôler. «On travaille en équipe avec le personnel administratif mais quand il y a un problème, c'est le médecin qui est incriminé». Notre interlocutrice a cité le cas du décès d'une parturiente de 23 ans et de son bébé à Djelfa, le 24 juillet dernier. Le personnel médical en place a été accusé de «négligence» pour avoir renvoyé la malade d'une structure à une autre sans lui apporter assistance médicale. Le parquet général près le tribunal d'Aïn-Ouessara (Djelfa) a requis, jeudi dernier, une peine de deux ans de prison ferme assortie d'une amende de 100.000 DA à l'encontre de la gynécologue poursuivie dans cette affaire. D'autres peines d'une année de prison ferme ont été requises à l'encontre de chacune des autres personnes arrêtées dans cette affaire, soit trois sages-femmes, un directeur de permanence et un contrôleur médical. Le parquet a également requis deux mois de prison ferme assortie d'une amende de 20.000 DA à l'encontre du staff chargé de la morgue de l'hôpital d'Aïn-Ouessara.

Pour la jeune résidente, «ce sont bien ces mauvaises conditions de travail qui ont mené au drame qui s'est passé à Djelfa». «Est ce que c'est normal de mettre une seule résidente de garde durant 24 heures, dix jours d'affilée, pour toutes la population de Djelfa ?»

Le professeur H. Kamel abonde dans le même sens en affirmant que «nos médecins font 24 heures de garde, alors que la norme dans les pays européens et aux Etats-Unis est de 12 heures maximum». «En réponse à ceux qui disent que les médecins s'endorment durant les gardes je leur poserai la question qui est en train d'effectuer alors plus de 200.000 interventions par an, sans parler du nombre important d'accouchement ?»

La présidente du SNECHU, professeur Ouahioune Wahiba, a affirmé dans ce sens que «ceux qui pensent que les gens meurent dans les hôpitaux, par «négligence» je leur dis que les gens meurent dans les hôpitaux, parce que notre système de santé est défaillant». Elle précise en outre que le double drame qui a eu à Djelfa est le reflet de l'échec du système de santé. Un système dépassé qui date de 30 ans et qui a montré ses limites. En ce qui concerne cette campagne de dénigrement qui vise à déconsidérer le médecin algérien, elle rappelle que «3.000 médecins algériens ont réussi avec succès le concours d'équivalence dans les pays européens». Elle déplorera le fait que l'Algérie forme des médecins au profit des pays européens et des pays du Golfe.

Les professeurs et médecins résidents appellent les hautes autorités à revoir le plan santé, qui est aujourd'hui dépassé, en rassemblant toutes les parties prenantes : les syndicats et les représentants de la société civile.

Les professionnels de la santé affirment que les solutions existent pour remédier au dysfonctionnement dans le secteur de la santé. La présidente du SNECHU a réclamé en outre la réhabilitation de l'ordre des médecins censés protéger et défendre le corps médical. Le président de l'ordre des médecins M. Bekat Berkani, a participé à ce rassemblement, bien qu'il n'ait pas été invité. Il a demandé au même titre que l'ensemble des protestataires l'organisation d'une rencontre ou un débat sur le projet de loi sur la santé afin d'apporter les correctifs nécessaires.