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Objectif, une école intelligente - Moyen : un Conseil supérieur de l'education nationale (Suite et fin)

par Chaib Aïssa-Khaled*

- Septième mission: une continuité inter cycles d'enseignement devra être sérieusement envisagée. Les rythmes scolaires y seront adaptés La situation de rupture entre les cycles d'étude et entre les préoccupations du système scolaire se voulant performant ne sera plus en tête d'affiche. S'établira alors cette équation entre les compétences et les qualifications attendues à l'issue de chaque cycle d'étude parce que les programmes d'étude, se continuant d'un palier vers un autre, ne se juxtaposeront plus. Ils se conjugueront les uns dans les autres. En conséquence, les lacunes accumulées, en amont, seront prises en charge en aval. On n'assistera plus à leur démultiplication cette cause d'un parcours scolaire tronqué, d'une scolarité carencée. L'absence de rythmes scolaires différenciés a rigidifié l'action des quatre temps de l'acte pédagogique, (la compréhension, la rétention, l'assimilation et l'exploitation de la connaissance). Désormais, par souci de promouvoir la diversité des profils des élèves tant au plan du complexe psycho-mental et psycho-intellectuel qu'au plan cognitif, le Conseil supérieur de l'Education nationale travaillera à réhabiliter la fonctionnalité et de souplesse dans la gestion de l'acte pédagogique. A ce titre, les rythmes scolaires, (durée d'étude, méthodes d'apprentissage pour l'acquisition d'un même savoir), varieront d'un individu à un autre en fonction de son âge mental et de son capital cognitif.

l Huitième mission: la décision ne sera plus le monopole de la seule administration du secteur La traditionalisation de plus en plus ardue du sens unique de la décision qu'un goût marqué pour le contrôle désuet et le bureaucratisme ne fait que prononcer et qui freine les initiatives si louables soient-elles, ne demeurera plus le monopole de la seule administration du secteur. Le Conseil supérieur de l'Education nationale, la Commission nationale de l'Education de l'APN et les partenaires sociaux devront y être partie prenante.

- Neuvième mission: Le souci des partenaires sociaux, (syndicats et parents d'élèves) ne sera plus le leadership

Les partenaires sociaux feront désormais dans la seule mission qui leur est dévolue, s'ériger en rampe de lancement de la croissance civilisationnelle nationale en agissant positivement sur la gestion de la mission éducation et sur celle de l'acte pédagogique par des propositions constructives. Ils ne s'assigneront plus pour rôle la mise en scène de ces équilibres instables qu'ils ne sont jamais parvenus à gérer. S'investissant, plutôt, dans une dynamique de progrès fondée sur la solidarité et la responsabilité partagée, ils émargeront à un registre qui leur ressemble. Ils n'occulteront plus ce pour quoi ils auront été élus. Le souci est que l'accomplissement de la prestation pédagogique ne soit plus perturbé et que l'aboutissement de la scolarisation dans son ensemble ne soit plus altéré.

- Dixième mission: la priorité sera accordée à la formation de la tête bien faite au détriment de la tête bien pleine Veillant à ce que l'esprit ne nourrisse plus l'amertume et le dépit, n'intériorise plus son échec et ne perde plus sa chance d'échapper à l'ignorance, le Conseil supérieur de l'Education nationale accordera la priorité à la formation de la «tête bien faite»

- Onzième cause: la classe hétérogène deviendra ce qu'elle devrait être, le foyer de la réussite scolaire de qualité

Le Conseil supérieur de l'Education nationale travaillera à ce que la classe hétérogène recouvre son expression originelle, celle d'une idée égalitariste reposant sur la volonté de donner à tous les mêmes chances de succès. Elle sera, pour ce faire, confiée à des enseignants bien armés pédagogiquement et à des gestionnaires convaincus de la noblesse de leur mission. Elle deviendra alors l'un des foyers de la réussite scolaire de qualité. Elle diluera les inégalités des chances de réussir une scolarité de qualité et ne réconfortera plus l'élève faible dans sa condition d'élève faible. Elle n'organisera plus la discrimination et l'exclusion de ceux qui n'arrivent pas à suivre et de fait, leur décrochage.

- Douzième mission: le Conseil supérieur de l'Education nationale veillera à ce que la famille ne soit plus démissionnaire et ne se laisse plus supplanter par une école parallèle profondément pervertie. (Prière vous référer à ma contribution publiée par Le Quotidien d'Oran du 21 juin 2017). La façon dont pourront être appréciées l'éducation et l'instruction par la communauté en général et par la famille en particulier est un déterminant de la réussite ou de l'échec scolaire. En effet, comment le milieu scolaire peut-il convaincre ceux qui le fréquentent de la valeur et donc de l'importance du savoir, s'ils constatent que leur espoir de progresser est illusoire et que leur motivation est menée en dérision par des familles démissionnaires ou outrageusement préoccupées par leur survie et par une école parallèle outrancièrement pervertie ?

L'école parallèle, (l'environnement extra scolaire et extra familial -la rue-), et ce qu'elle charrie comme perversions, prenant le pas sur la morale et sur le rationnel et altérant le rôle de la famille, défigurera inéluctablement celui de la mission éducative et affectera de fait le rendement scolaire. A ce propos le Conseil supérieur de l'Education nationale se chargera de mettre en place un attelage socio-éducatif auquel s'amarreront des socio-pédagogues, (enseignants, imams et hommes de culte, journalistes, mouvements associatifs), inspirés pour l'animer.

- Treizième mission: les facteurs psychoaffectifs ne devront plus perturber la scolarité

Les facteurs psychoaffectifs peuvent permettre à l'individu d'établir des relations positives avec son environnement sociétal en général et scolaire en particulier, comme ils pourraient être des agents qui favorisent l'échec scolaire si une quelconque perturbation venait à les altérer et notamment dans le cas où on occulte que cet élève est d'abord un enfant qui doit consommer sa crise infantile pour pouvoir devenir cet adulte qui ne sera pas cet enfant qui aura grandi un peu. A ce sujet, le Conseil supérieur de l'Education nationale chargera des experts, (psychosociologues), de réfléchir à une feuille de route technique à exploiter par les conseillers de l'orientation scolaire affectés dans les établissements scolaires, actuellement réduits à de simples agents administratifs. Leur mission est nanisée par des chefs d'établissements qui n'ont rien compris à la psychopédagogie.

- Quatorzième mission : les facteurs socioéconomiques ne pourront plus être une fatalité Le Conseil supérieur de l'Education nationale considérera que les facteurs socioéconomiques, bien qu'ils puissent être des facteurs déclenchant de l'échec scolaire, ils ne pourront être une fatalité parce qu'ils ne sont pas irréversibles sauf que leur réversibilité relève, bien entendu, de la compétence de l'Etat.

A ce titre, il est indiscutable que le Conseil supérieur de l'Education nationale, s'il viendrait à être institué, s'obligera à préciser les objectifs et les finalités de sa mission et à les orienter dans cette optique.

-Qu'il ne perde pas de vue que la société algérienne ne veut pas demeurer fragmentaire, qu'elle ne peut plus se contenter de puériles initiations, qu'elle veut vivre des instants où l'ardeur du combat pour le développement durable empêche tout recul.

-Qu'il s'oppose à ce que l'homme devienne un instrument aux mains d'aventuriers sans vergogne, qu'il s'évertue plutôt à en faire un instrument confié à lui-même et le promoteur du citoyen du monde qui veille en lui.

-Qu'il fasse que l'école algérienne s'élève du rôle d'apôtre sans auditoire pour inaugurer des voies nouvelles à l'avènement de l'esprit qui saura.

-Qu'il s'assigne pour obligation de veiller à ce que l'éducation et la culture ne soient plus traquées par le népotisme de «ceux-là» et de «ces autres» qui entretiennent la flamme du préjugé tenace pour ne produire, tout compte fait, qu'une culture vacillante, chétive n'approchant que timidement le concept de la réflexion et l'avènement du goût, de l'esthétique, de la morale et de la citoyenneté, ce qui a, d'ailleurs, délesté des générations entières de leur essentiel humain, réduisant de facto leur notion du rationnel à de banales résurrections idéologiques hâtant une prise de conscience hébétée.

La politique appelée à l'animer

Depuis trop longtemps, la décence de la vie à laquelle aspire la société algérienne ne fait que s'éclipser sur la pointe des pieds, ne laissant derrière que des espoirs sans futur et des déboires plein les poches. Depuis trop longtemps, elle n'a fait que se chercher dans les méandres d'une condition bousculée et à travers les chemins tortueux d'une existence fade où le marasme féconde la frustration de l'inaccessible. Cette vérité n'est que le produit d'une mutation bâclée, chaotique dont l'école, partie prenante, a subi le contrecoup. Cessons donc de coaliser avec les atavismes de la régression.

Il va donc sans dire que ce sera sur l'assiette d'une école rénovée, de cette Ecole intelligente que se réalisera «le rêve algérien». -

- Dès lors, la société algérienne saura se situer par rapport à elle-même tout en réajustant de façon systématique sa dynamique évolutive.

- Dès lors, s'esquissera une ascension idéologique socioculturelle qui précisera les rapports que les Algériennes et les Algériens devront avoir avec eux-mêmes, avec la modernité, avec le progrès et avec le «diktat» de la mondialisation sans pour autant qu'ils la subissent et qu'ils se défassent de leur authenticité.

- Dès lors, ils sauront obéir à la vérité et désobéir à leur intuition.

- Dès lors, ils sauront s'ennoblir, en sacralisant le rationnel et en consacrant l'universel.

- Dès lors, ils se convaincront que le développement national autonome est la combinaison de deux processus irréductibles, la croissance économique et l'évolution civilisationnelle et sur lesquelles l'action de l'éducation et de l'instruction serait décisive si celles-ci devaient être les promotrices de compétences hautement qualifiées.

Dans cette perspective, la gestion de la mission éducative et de l'acte pédagogique devra s'organiser à la lumière des défis qui concerneront par delà l'accès aux études, la réussite aux études. Elle mobilisera alors, dans le cadre d'un nouveau paradigme éducatif, l'effort intellectuel. Elle n'étouffera pas la créativité. Elle n'encouragera pas à la passivité. Elle incitera et galvanisera l'engagement. Ne favorisant pas la standardisation, elle ne s'enfermera pas dans des encadrements qui empêcheront l'initiative de s'exprimer. Elle développera, tout simplement, une logique d'éducation, d'instruction et de qualification qui se déroulera autour des normes et des valeurs qui régissent la société humaine post-moderne. Ceux qui en auront la charge, sous la houlette du Conseil supérieur de l'Education nationale, devront s'ouvrir à la collaboration mutuelle sous forme de conférences ou de débats d'idées. Cependant, afin d'éviter aux idées à développer de se disperser, les conférences et les débats seront pilotés par l'Institut national de recherche en éducation. L'échec à l'échec scolaire étant leur objectif commun, il sera un contrat au service de la réussite scolaire et non une simple convention où se juxtaposeront les décisions politiques et administratives.

Réinventée, l'école algérienne engendrera, désormais, cette liberté, cette tendance profonde qui poussera à l'action réfléchie, qui développera l'appétit de savoir, qui aiguisera le besoin de vouloir et de bien comprendre pour bien exploiter. Elle créera l'adaptation à ce qui est inconnu. Elle aura donc la noble tâche d'enseigner l'art et la manière de concevoir un environnement nouveau auquel présideront le respect d'autrui et le souci d'évoluer au rythme de l'international.

La concrétisation de cet objectif exigera le concours des activités scolaires qui seront ordonnées autour des connaissances qui susciteront l'éveil graduel d'un esprit qui rejettera catégoriquement toute expression dogmatique

L'Ecole intelligente, bien pensée et bien réfléchie étant une école plus aérée, elle ne fera pas dans la routine ni dans la coercition. Elle sera adaptée aux besoins du corps et de l'esprit. Elle dispensera un enseignement qui sera mené selon un rythme baignant dans l'actualité et s'inspirant des préoccupations de la jeunesse en particulier et de la société en général. Elle sera cette priorité au développement de l'efficacité des compétences générales et des qualifications spécialisées.

(Prière vous référer à ma contribution publiée par Le Quotidien d'Oran du 03 août 2017).

Inspirée par la politique d'une rénovation pédagogique soucieuse d'évoluer en fonction des transformations qui est en train de subir l'environnement socio-économico-culturel mondial, sa mission consistera à définir un projet de société avancé et structuré autour d'un consensus mobilisateur répondant aux ambitions nationales et en mesure de se déterminer en fonction des grandes mutations qualitatives imposées par le modernisme.

Valorisant le système éducatif national, elle actualisera les composantes pédagogiques tels que les méthodes de prospection, de ciblage des intérêts, d'utilisation des procédés et d'exploitation des programmes dans le but d'apprendre à l'esprit à s'accommoder de la vitesse avec laquelle évolue le rythme international en matière de développement.

Son action devant intervenir sur les mentalités, elle incitera à la curiosité scientifique, à l'imagination intelligente, à l'audace culturelle, elle apprendra à agir en fonction d'objectifs précis et motivés par le progrès social à réaliser, c'est-à-dire par la satisfaction des besoins de l'homme nouveau et par sa victoire sur les préjugés induits par l'ignorance.

*Directeur départemental de l'Education - Ancien professeur-chercheur INRE