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Ali Mendjeli, «désordre urbanistique»

par G. O.

Le diagnostic communal territorial établi par les acteurs locaux avec l'expertise du CENEAP met en exergue l'impérieuse nécessité de donner un statut juridique et organisationnel aux nouvelles villes notamment à Ali Medjeli qui évolue dans «un désordre urbanistique » effrayant.

C'est le spécialiste en aménagement du territoire, expert au CENEAP, Rabah Kechad qui a présenté, hier, à l'assistance, le diagnostic des capacités et potentiels des territoires de la commune d'El Khroub. Il l'a élaboré à partir de ce que pensent les représentants de la société civile sur leur région. Démographie, morphologie urbaine et système territorial de gouvernance, réalités économiques, sociales, culturelles et partant historiques avec l'ensemble de leurs atouts et contraintes ont été passées en revue. Hommage est rendu tout au début aux personnalités historiques et politiques de la commune, de Massinissa à Abdelhamid Mehri, en passant par de nombreux chouhada pour l'indépendance du pays.

Commune à vocation agropastorale, relative bonne pluviométrie, terres agricoles à fortes valeurs productives? Entre autres contraintes cependant, «longues périodes de sécheresse et gelées fréquentes, pluies torrentielles et inondations? Et surtout «très forte poussée de l'urbanisme en déphasage avec les moyens humains et matériels de la commune,» dit l'expert Kechad. Si la commune d'El Khroub a 500.000 habitants, la nouvelle ville de Ali Medjli en a 300.000 à elle seule. Elle occupe 60% de la superficie communale.

Ali Mendjeli, cette plaie urbanistique

Il indique que 43% de ses habitants ont moins de 18 ans, 9,3% moins de 5 ans «signe d'une dénatalité à l'échelle de tout le pays», légère hausse des plus de 60 ans, 33% moins de 15 ans et 13% sans instruction.

L'expert affirme, sans hésitation, que «l'urbanisation intensive menace le patrimoine naturel de la commune.» Il constate, dans son diagnostic, qu'il y a eu «des transformations radicales dans l'organisation du paysage et sa morphologie agraire risque, à terme, de détruire son identité.» Il fait état alors d'un processus sournois de «mitage» qui est relevé entre les territoires. Les nouvelles extensions de la commune sont, selon lui, des juxtapositions d'entités urbaines, sa croissance a été faite par à coups, sans cohérence entraînant des dysfonctionnements dans le système urbain. C'est ce que les spécialistes appellent, dit-il «le désordre urbanistique.» Il pense, cependant, que «la construction de Ali Mendjeli, sur les territoires de la commune d'El Khroub pourrait être une opportunité si la question de son statut est réglée et les moyens lui sont donnés.» Des questions juridiques et organisationnelles urgentes demeurent sans réponse pour une nouvelle ville dont la création ne repose sur aucun texte de loi ni aucun règlement. Il est, donc, constaté «une impossible maîtrise de la ville, une forte pression démographique sur une région agricole, avec des déficits humains et matériels pour son organisation et son encadrement.» Il est fait état de «développement de constructions illicites non viabilisées, de conflits entre les acteurs urbains et agricoles.» El Khroub a été, dit l'expert, fortement fragilisée par la construction des villes Ali Mendjeli et Massinissa, sans compter Ain Nhas qui n'est pas totalement habitée.

Quand la gouvernance centralisée bloque les communes

Le tout se fait par «une gestion centralisée des fonds propres de la commune, entravant les initiatives locales.» Les mécanismes en vigueur d'emploi sont jugés insuffisants, les modes de recrutement centralisé ne permettent pas de prendre en charge des initiatives locales. «Il y a absence de stratégie partagée, en communication et participation, centralisation des décisions, lourdeur de certaines procédures administratives, manque de coordination entre certains organes, incohérence entre l'organisation actuelle de la commune et sa taille, commune qui n'a aucune autorité sur la ressource, des budgets colossaux non accompagnés de moyens et d'une organisation adéquate, coopération intercommunale inexistante, implication du mouvement associatif dans le développement de la commune pour une question d'attachement des territoires mais manque de moyens locaux et procédures bureaucratiques, absence de collaboration entre l'APC, les associations et le Conseil consultatif, faible participation des citoyens à l'action politique à cause du manque de légitimité des élus et de promesses non tenues, transformation de l'élu en agent administratif», dévoile le diagnostic. «El Khroub n'est pas une exception,» dit l'expert en affirmant que «la démobilisation est un facteur néfaste pour la société.» La commune évolue en évidence sous le poids du commerce informel «avec d'importants problèmes organisationnels»?

Rabah Kechad fait, quand même, savoir que la commune a trouvé un espace pour délocaliser son historique marché à bétails. «Il faut préserver ce marché parce que c'est un espace de rencontres, d'échanges et de rayonnement, il a une dimension stratégique,» dit-il. Il pense qu'il est «un élément central pour le développement économique, social et culturel de la commune.» La commune a un fort taux de chômage «notamment des diplômés.»

«On est dans le bec de la bouteille»

Classée 1re en cultures céréalières, 2ème en fourrages, 1re en élevage ovin et 4ème pour le bovin, El Khroub a laissé empiéter son urbanisation «acharnée» sur ses terres agricoles. «Si ça continue, l'agriculture fera, dans peu de temps, partie de l'histoire,» dit Kechad. La commune se retrouve avec des classes de 50 élèves, un taux de déperdition scolaire important, un manque d'efficacité des bureaux de santé (hygiène et CNAS), une distribution de logements sans équipements et commodités, un non respect des quotas, délestée de sa prérogative de distribution de logement au profit du chef de daïra? «Ah ! Si ce diagnostic a été fait avant, on n'en serait pas là,» rebondit son P/APC. «C'est un diagnostic sans pitié et un diagnostic c'est la moitié de la thérapeutique, or c'est difficile de le faire dans le mouvement, il y a des logiques contradictoires qui ne dépendent pas de la gouvernance des élus, on doit évaluer, analyser cette gouvernance et introduire de nouveaux mécanismes,» dit-il.

Pour lui «la santé et la sécurité, c'est fondamental pour le citoyen mais ça passe par l'éclairage public, les espaces verts (?), il y a 5 ans, j'ai demandé un terrain pour délocaliser le marché à bestiaux, on vient juste de nous en attribuer un, si le projet se termine, il est fantastique, mais qu'on mette 5 ans pour l'avoir, il faut le faire !» Prof. Aberkane pense alors que «le temps politique n'a plus rien à voir, il ne réussira pas dans ce qui été entrepris et ce n'est pas la démocratie participative qui va trouver des solutions, si ça continue à ce rythme, on se retrouvera, toujours, dans le bec de la bouteille.» Abdelhamid Abderkane arrive au terme de son mandat de P/APC dans peu de temps.