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Développement local (Capdel): Confessions d'un élu

par Notre Envoyée Spéciale A El Khroub (Wilaya De Constantine) : Ghania Oukazi

  Le PAPC d'El khroub a tenu, hier, à présenter à l'équipe du capdel, un diagnostic des territoires de sa commune d'une pertinence frappante.

C'est avec des mots simples, un verbe précis, des constats avérés que le professeur Abdelhamid Abderkane a pris la parole, hier, tout au début de l'atelier organisé par les responsables du programme capdel. L'ancien ministre a tenu à dévoiler l'état des lieux de la commune d'El Khroub dont il est le PAPC depuis près de 20 ans. Il a préféré ainsi donner son diagnostic avant que l'équipe de capdel ne restitue le sien sur les capacités et les potentialités de la commune en question au titre de la dernière étape de la première phase d'exécution de son programme.

«Vous êtes aujourd'hui parmi nous pour nous donner la vision de capdel sur les capacités et les potentialités de notre commune pour un développement local et par la promotion de la démocratie participative, bienvenue à vous,» a commencé par dire le professeur Aberkane. «Il faut qu'on note en premier, qu'il y a plusieurs démocraties,» a-t-il ajouté. Pour enchaîner, «on a été élu pour une démocratie représentative, conformément à la Constitution et aux instructions du ministère de l'Intérieur, on aime et on doit développer la démocratie participative, bien sûr, si elle existe, sinon on la crée.» Son constat «El Khroub a connu une rapidité de développement inouïe, comme les autres régions du pays, de 5 000 h à l'indépendance, El Khroub a aujourd'hui 500 000, c'est dire que les choses évoluent très vite.» Il souligne que «la daïra d'El Khroub vit à l'ombre de la wilaya de Constantine, je ne peux donc évoluer tout seul ni décider tout seul, il faut que je reste à l'écoute des alentours notamment la capitale de l'Est qui est le centre de la décision pour nous.» Pourtant dit-il «aujourd'hui, il faut qu'on sache donner la force de la décision au citoyen, c'est ça la démocratie participative ! On va donc démocratiser la démocratie.»

Du point de vue de l'évolution sociale d'El Khroub, Pr Abderkane fait un constat effrayant. «La région a changé, les choses bougent rapidement, chacun regarde d'un côté, chacun a ses propres aspirations.»

«L'environnement a été bouleversé»

Economiquement, il rappelle qu' «El Khroub est connu pour son marché à bestiaux, mais c'est fini, aujourd'hui, c'est l'économie du commerce, celui par terre, du bazar, on ne sait pas qui fait quoi, qui paie ses impôts, la situation socioéconomique n'est pas facile.» Il enclenche sur la situation politique et lance «il faut qu'on tire des leçons de l'expérience de notre pays, il faut que la politique devienne citoyenne, il faut qu'elle commence par la citoyenneté.» Il pense que «la gestion de la ville, c'est d'abord l'affaire de la culture, ça ne se gère pas par un claquement de doigts.» Il souligne qu'à El Khoub «il y a une grande dynamique de changement, certes positive, mais l'environnement a été bouleversé, on ne sait pas qui décide de l'utilisation du foncier, de l'occupation des sols, l'élu participe mais la force de décision n'est pas à El Khroub, c'est pour cela qu'on doit accompagner le développement local par des changements de pratiques politiques.» Il avoue en parallèle, que l'administration est dépassée. «Les administrations ne peuvent plus suivre en raison du développement rapide, il n'est pas facile pour la commune de décider de son sort, de situer les responsabilités, les points forts et les points faibles, on ne sait pas où sont les points de malversations, c'est ça le diagnostic qu'on doit faire.» Pour lui, il est évident que «les citoyens qui habitent la nouvelle ville de Ali Mendjli ont été contents d'avoir été relogés mais la ville est devenue méconnaissable, il y a un mélange de tout, la nature a été métamorphosée, elle n'existe plus.» Pourtant, dit-il «la ville est censée faciliter la vie au citoyen, lui donner les commodités nécessaire à son quotidien, pour que les problèmes sociaux se règlent, que la violence diminue, c'est ça la stabilité du pays, elle se consolide par celle des villes, sinon, c'est l'explosion.» El Khroub a à ce jour un stade construit au temps de la colonisation, «on l'a réaménagé mais ça ne suffit pas, ce n'est pas normal pour la jeunesse,» dit-il.

«La crédibilité de l'élu est mauvaise»

Pr Abderbane revient sur la situation de l'élu et souligne qu' «après d'amères bagarres, il y a aujourd'hui la cohabitation politique mais les deux tiers des élus sont devenus des salariés de l'APC, ce n'est pas normal.» Il affirme que «la politique nous oblige aujourd'hui à nous interroger sur beaucoup de choses, plus on avance, plus les citoyens fuient les élections, le taux de participation va en baissant parce que la crédibilité de l'élu est mauvaise par le mensonge, les malversations sont devenues courantes, l'élu doit bénéficier d'une légitimité totale pour que la société le suive et qu'il puisse gérer avec elle, c'est ça la démocratie participative, la transparence doit être un objectif fondamental, on ne doit rien cacher au citoyen si l'on veut qu'il participe dans l'amélioration des conditions de vie de sa cité et ce jusqu'à ce qu'il ait une autorité directe sur la décision publique.» La vie associative a été aussi abordée par Pr Abderkane. Son exemple «la liste de distribution de l'habitat rural a été faite par une association mais qui a-t-elle choisi comme bénéficiaires ? C'est toujours la guerre à ce sujet, c'est un début?.» Le PAPC rappelle l'existence au sein de la commune d'un conseil consultatif, «il est là, il fonctionne mais faiblement, en 97-98, il était efficace mais aujourd'hui, on ne sait pas qui fait quoi, tous les six mois, on ramène des familles des bidonvilles pour les loger, personne ne connaît personne, la maturité citoyenne ne se décrète pas, on la gagne par la crédibilité, la transparence, la vérité.» El Khroub compte selon lui, «60 associations, de nombreux comités de quartiers, mais ça demande une coordination pour qu'il y ait émergence de personnes crédibles.» Il souligne alors qu' «il ne faut pas qu'on attende les périodes d'élections, il faut toujours qu'on introduise des arrangements participatifs et délibératifs, il faut canaliser les énergies pour dépasser les échéances électorales, il faut que ça devienne un mode de gouvernance.»

«Un homme de renouveau»

«On me demande, dit-il, de déléguer des pouvoirs et de permettre le contrôle citoyen sur les décisions collectives, mais est-ce que je bénéficie moi-même de la confiance de mon autorité pour que je puisse donner délégation au citoyen ?,» interroge-t-il. Pour lui l'élargissement du champ de la citoyenneté et du lien social permet de développer l'entraide. «ça réchauffe le cœur,» dit-il tout en notant que «les consultations publiques peuvent être promues par le biais des réseaux sociaux, on doit faciliter les initiatives des citoyens qui savent les utiliser pour qu'il y ait émergence de nouveaux acteurs politiques avec de nouvelles bases de légitimité, bien sûr, les partis politiques ne disparaîtront pas.» Il pose cependant une interrogation «est-ce qu'on peut donner de nouveaux pouvoirs aux citoyens sans consolider ceux des élus ? Ou doit-on les opposer ?» Sa conclusion, il la veut émanant du terrain de la confrontation des logiques. «J'ai reçu récemment une instruction me demandant de ne plus m'adresser directement à la police urbaine mais qu'il faille que je saisisse le chef de daïra par écrit et c'est à lui d'évaluer et de décider,» fait-il savoir. C'est pour lui une manière de «diminuer de la valeur de l'élu.» Et, s?exclame-t-il «on veut donner des prérogatives de gestion et de décision aux citoyens, et promouvoir la démocratie participative ?!?»

Le directeur du projet capdel prend la parole pour lui dire «il est très difficile d'intervenir après vous, on trouve en vous un homme très disponible et un homme de renouveau.»