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Objectif, une école intelligente - Moyen : un Conseil superieur de l'education nationale (1éme partie)

par Chaib Aïssa-Khaled*

Le renouveau pédagogique souhaité devra être cerné dans l'optique d'une éducation/instruction -(Prière vous référer à mes contributions publiées par Le Quotidien d'Oran du 20 octobre 2016 ? du 26 octobre 2016 ? 11 mai 2017)- qui, parce qu'elle considère que les seules connaissances utiles sont celles que l'élève tire de sa propre expérience, celles qui se destinent à préparer en lui l'adulte compétent qu'il devra être, sera conçue pour être la force motrice d'une croissance autonome de son esprit. Ce renouveau pédagogique s'engagera alors à développer et à entretenir le savoir en instaurant une relation de médiation entre les gestionnaires de la mission éducative, ceux de l'acte pédagogique et l'enseigné. Le souci est que ces gestionnaires cessent de théoriser leurs analyses et leurs évaluations et étayent au maximum leurs repérages et les relativités qu'ils sous-tendent pour définir un paradigme pédagogique adapté aux exigences et aux besoins de la société algérienne en particulier et de l'humanité en général, un paradigme qui distillera une formation qui permettra à l'Algérie de jouer dans la cour des grands. Cela suppose que les gestionnaires de la mission éducative et ceux de l'acte pédagogique s'obligent à s'extraire du cloaque du simple fonctionnariat dans lequel ils ont tendance à se fossiliser et l'enseigné de ce tutorat qui s'évertue à le garrotter.

Cela étant, le renouveau pédagogique en question se confondra, alors, en cette activité au moyen de laquelle chaque élève sera assisté dans son cheminement vers le progrès en diagnostiquant ses forces et ses faiblesses, en misant sur son besoin d'apprendre, de rechercher et de découvrir, en l'orientant dans la construction de son savoir-faire et de son savoir-être face aux situations-problèmes qui s'exprimeront.

Il est, cependant, tout à fait clair que ce renouveau pédagogique salutaire, du reste, ne pourra être convenablement pensé et réfléchi que si un Conseil supérieur de l'Education nationale soit mis en place. (Rappel de ma contribution publiée par Le Quotidien d'Oran du 03 août 2017).

Opportunité d'un Conseil supérieur de l'Education nationale

La gestion de la mission éducative et celle de l'acte pédagogique, faute d'un contrat éducatif et culturel sérieux, ont été abandonnées sur la pente d'une politique éducative et culturelle expression d'un décalage notable entre le projet éducatif et culturel et la réalité sociale en évolution et qui s'est aggravé pour déboucher sur une véritable crise d'adaptation de l'école algérienne à la préoccupation majeure de la société : dissiper l'ignorance et la précarité sociale qu'elle engendre ainsi que les maux qui leur sont associés.

En conséquence l'institutionnalisation d'un Conseil supérieur de l'Education nationale ne pourra être qu'une impérativité parce qu'en usant d'une approche socio-historique, nous constatons, tant en élévation qu'en perspective, que la nécessité de dissiper l'ignorance et la précarité sociale qu'elle engendre ainsi que les maux qui leur sont associés, de réussir une meilleure insertion des jeunes dans la société humaine dans son ensemble, de promouvoir dans les faits l'égalité des chances de succès, d'instaurer des modalités de partage équitable de l'épanouissement social, n'a jamais été envisagée pour être atteinte.

Les fourberies administratives qui s'usent à mettre au pas la société algérienne, les chimères idéologiques qui tentent encore de s'y enkyster et les tendances politiques qui s'entrechoquent, en quête de gisements partisans et qui, voulant faire de l'école leur terre de mission, en ont fait un rouage non identifié, un sous-système isolé de ce qui est supposé être l'appareil chargé de faire aboutir le développement national autonome. Ces chimères, ces fourberies et ces tendances ont de la sorte empêché la nécessité en question de s'accomplir.

Moralité et faute d'une mise en valeur authentique de ses forces vives, la société algérienne n'arrive pas à accomplir le pas libérateur. Elle barbote encore, au seuil de ce troisième millénaire, dans une indigence éducative et culturelle cautionnée, hélas, pendant cinq décades par un déterminisme politique, idéologique et administratif dont le discours démagogique et rotatoire, dissimulant l'échec scolaire, a volontairement mis en péril la mission de son école qu'il a, purement et simplement, réduite à une école pis-aller, à une école programme à laquelle lui sont tracées les limites de son expression. En conclusion, des pans entiers de la jeunesse, par manque de ressources et d'expertises, s'agitent encore dans la confusion de leurs idées gluantes et dans la bousculade de leurs fantasmes désarticulés.

Cela est dû au fait que les politiques éducatives et culturelles, jusque-là développées, n'ont pas fait l'objet de consensus qui soit l'expression de larges débats démocratiques. Mieux encore, elles se sont limitées à porter sur un semblant de moyens à mette en œuvre, (implantation des unités scolaires non conforme aux besoins exprimés par la carte scolaire, rénovation bâclée des structures délabrées et particulièrement celles des écoles primaires données en pâture aux injures d'Assemblées communales qui excellent à faire dans la non gestion, transport scolaire quasi absent pour ne pas dire fantomatique, cantines scolaires qui, si elles ne sont pas vétustes, elles sont le foyer de toutes les bactéries, les rations alimentaires qui y sont livrées sont insuffisantes si elles ne sont pas déséquilibrées, encadrements administratifs et pédagogiques médiocres dans leur ensemble

- (Prière vous référer à mes contributions publiées par Le Quotidien d'Oran du 09 mars 2017? 06 avril 2017?13 avril 2017). L'objectif escompté, (structurer le raisonnement logique et le jugement méthodique ces composantes de la mentalité scientifique) et la finalité à réaliser, (former le citoyen capable de gérer le tumulte de la modernité), ont été tout bonnement occultés, (faute de compétences en matière de prospective). Cela signifie que tous ceux qui ont eu à réfléchir sur la conception et l'élaboration de ces politiques ne savaient pas que l'école est un laboratoire où s'élaborent les attitudes, les aptitudes, les comportements et les réflexes qui, acquises à l'esprit, lui permettront de s'arracher aux automatismes qui ont tendance à l'envahir et de s'élever des notions confuses vers des notions claires.

Des notions claires vers des notions distinctes, des notions distinctes vers des notions déterminées. Nanti pourtant de ces valeurs, il refusera d'évoluer dans la fatalité et s'investira alors dans la structuration des idées novatrices et réformatrices, (celles qui lui apprendront à réagir avec subtilité face au difficile et à l'imprévu et à régir sa vision des choses de la vie*), en considérant les données du passé, les impératifs du présent et les perspectives du futur.

Dès lors, il saura s'agencer dans son temps en rectifiant, à chaque fois que ce sera nécessaire, sa dynamique évolutive et réhabilitera le rationnel dans ses droits pour en faire la plus héroïque de ses vertus. Mieux encore, ils ont perdu de vue le rôle crucial que l'école a à jouer dans la formation des individus qui auront un sens aigu de leur interdépendance et de leur destinée commune pour dynamiser un développement qui soit à la fois humain et durable.

*Les choses de la vie : la servitude et la liberté, l'injustice et l'équité, la faiblesse et la puissance.

En outre, tous ceux qui ont eu à réfléchir sur la conception et l'élaboration des politiques éducatives et culturelles, ignoraient que l'école est un espace où devra s'accomplir la formation du citoyen éclairé et qui admet que le développement n'est pas un phénomène naturel qu'il devra subir et auquel il faudra s'adapter le mieux possible, mais l'expression d'un impératif économique, social et politique à mettre en œuvre et qu'il faudra gérer et sur lequel, en tant qu'acteur, il devra peser pour orienter sa trajectoire en quête de meilleurs profits.

Aussi, tous ceux qui ont eu à réfléchir sur la formulation de ces politiques, n'ont pas jugé utile, nécessaire et suffisant, (toujours faute de compétences en matière de prospective), de :

-prendre acte de l'extraordinaire essor des connaissances. (De nos jours et de par le monde les progrès scientifiques et technologiques se précipitent.

Les formules de résolution mises au point et soigneusement mémorisées ont déjà l'allure d'ébauche. Le savoir, tendant vers la dynamique de son épanouissement, génère des référents nouveaux).

-réfléchir aux méthodes et aux procédés permettant l'assimilation de ces connaissances et leur exploitation au profit d'une utilité optimum pour la cité.

-circonscrire les objectifs et les finalités que développe la connaissance à enseigner, ses impacts à long terme et à court terme et l'intérêt qu'elle sera susceptible de susciter.

-considérer que la revalorisation des plans et des stratégies visant à l'amélioration des conditions de vivre et d'évoluer des hommes devra se conformer de mieux en mieux aux exigences qu'impose la nécessité d'embrayer sur le troisième millénaire avec le maximum de circonspection pour un maximum de chances de succès.

La formulation de politiques éducatives et culturelles qui a fait, cinq décades durant, l'objet de discours-carottes, n'a en fait été que recherche d'accommodements provisoires, d'aménagements transitoires ou de formules fourre-tout.

En conséquence, ces politiques n'ont pu affronter les clivages entretenus par des partisans d'idéologies et d'intérêts réfractaires à la volonté des Algériennes et des Algériens à évoluer au rythme de l'international.

Aussi, inspirées par des réformes «clandestines», elles n'ont pu approcher des réformes créatrices de renaissances et s'imposer tel des engagements à repenser, dans tous les sens un système scolaire qui, déliquescent, est devenu un sous-système en phase de se figer avec ses carences, ses paradoxes et ses contradictions, dans un environnement socio-politico-économique national qui n'adhère plus aux préoccupations de la société algériennes, (ses ambitions, ses aspirations, ses besoins et ses contraintes), encore moins à celles de la société humaine dans son ensemble.

En somme, elles n'ont pu s'inscrire dans cette exigence du troisième millénaire qui consiste à manager l'épanouissement de la mentalité scientifique, c'est-à-dire la capacité des élèves à raisonner logiquement et à juger avec méthode pour pouvoir s'adapter au rythme de l'international sans gêne, sans complexe, sans erreurs, sans illusions, sans inquiétude et sans trouble, ce qui recommande, en premier lieu, la rupture avec ce grave travers qu'est la marginalisation des compétences, (du secteur et du terrain), avérées en matière de formation.

Rappelons que par la grâce de ces politiques éducatives et culturelles imaginées en deux temps trois mouvements, l'insuffisance lourde ci-après citée n'a pu être écartée. En effet, l'école algérienne ne cesse de s'égarer dans les méandres labyrinthiques des subtilités politiques, idéologiques et administratives aux implications désastreuses et de se soumettre à des expériences qui n'aboutiront jamais au résultat escompté, (dispenser un enseignement-apprentissage formationnel*).

Elle donne l'impression de se complaire à demeurer cet espace où se combinent et où s'affrontent et de surcroît dans le désordre, l'explosion démographique, la massification farfelue de la scolarisation, le monolinguisme réducteur ou à la limite un bilinguisme timide, l'absence de recherche ou de rénovation pédagogique, la politisation ou l'idéologisation forcenées de la logique scolaire, la dégradation quasi planifiée de la compétence et de la professionnalisation des gestionnaires de la mission éducative et de celle de l'acte pédagogique, le bureaucratisme comme paravent de leur non qualification ou de leur désinvolture, la démission des parents d'élèves, et l'absence quasi-totale d'un mécanisme technico-administratif capable de suggestions et d'orientations pédagogiques fiables, l'extinction du sens citoyen, du besoin même de l'améliorer au profit d'une vitalisation de l'agressivité, de la médiocrité, de la fabulation et même du proscrit. Quel gâchis !!

*Enseignement formationnel : c'est un enseignement que l'enseignant ne dispensera pas avec pour seul souci de «s'écouter parler», mais qui s'appréciera par la rigueur dans la formation de l'esprit critique, par son efficacité dans l'épanouissement de ses aptitudes et l'accomplissement de ses attitudes, par l'affermissement de la volonté et l'enrichissement de la personnalité, par l'orientation qu'il fera prendre au rapport attention / intérêt modulateur de la perfectibilité intellectuelle.

Fécondant le sentiment par la raison, cet enseignement apprendra à l'esprit à dompter les mystères de la nature. Il permettra de la sorte à celui qui le recevra, de réunir le maximum de conditions pour pouvoir s'investir dans l'actualisation de ses acquis et de son expertise. Il est non seulement une science mais aussi un art, une action pratique..

A défaut d'enseignement-apprentissage formationnel, le Conseil supérieur de l'Education nationale prendra acte que l'école algérienne n'arrive pas à se défaire de cet enseignement-apprentissage qui se limite à poursuivre des objectifs disparates et fugaces, qui ne recherche pas l'optimum d'ensemble, c'est-à-dire la production d'une personnalité capable de se mouvoir dans un espace mondial sans cesse actualisé. Mieux encore, il prendra acte que les débats engagés en vue d'une politique éducative et culturelle porteuse d'avenir, (prière vous référer à mes contributions publiées par          Le Quotidien d'Oran du 1er et du 09 octobre 2016), n'ont pas opté pour un modèle de gestion «intelligent» de la mission éducative et de celle de l'acte pédagogique, (prière vous référer à mes contributions publiées par Le Quotidien d'Oran du 20 juin et du 19 juillet 2017) ,c'est-à-dire qui s'accordera au mieux aux défis de l'heure. Autrement dit, pour un modèle qui ne fonctionnera pas sous le joug de déterminismes idéologiques et politiques stériles et sous celui d'un administratisme inepte mais qui contribuera à la promotion du citoyen autonome et responsable, de l'individu qui sera l'artisan de son évolution, le porte-parole de son temps, le témoin de demain et l'architecte du progrès social et non à la promotion du sujet soumis ou à celle du militant appelé à se fondre dans cet esprit étriqué qu'on aura taillé pour lui dans la roche de la dérision, (partis politiques qui n'ont rien compris à leur mission).

A Suivre

*Directeur départemental de l'Education - Ancien professeur-chercheur INRE