Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Au fil... des jours - Communication politique : nouvelles du front ! (Suite et fin)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

  - Lors du changement de chef du gouvernement (Ouyahia remplaçant Tebboune), en matière de com institutionnelle, c'est le grand flop, puisque le ministre du Tourisme annoncé au départ dans une première liste n'était autre que celui nommé il y a trois mois et limogé deux jours après, Benaggoun. Peu de temps après, on annonce une erreur et Mermouri est «rétabli» dans ses fonctions de ministre. De quoi, pour les deux, piquer un AVC. Il paraît que c'est une erreur de rédaction à la Présidence elle-même. On le croit...ayant vécu directement, lors des mes autres vies professionnelles, des fautes encore plus graves (dont, à l'APS, l'annonce d'un Conseil des ministres inexistant... ou l'oubli d'un passage important -lors de la traduction vers le français- d'un communiqué commun algéro-libyen après une rencontre Chadli-Kaddhafi) au sud du pays. On le redit encore une fois, en com institutionnelle, il ne faut pas confondre vitesse et précipitaion. Sinon gare aux dégâts ! Il est vrai que le ridicule et l'incompétence ne tuent plus depuis bien longtemps dans notre pays...devenu une sorte de «jouet» entre les mains d'encore grands enfants jouant aux parents et toujours pressés, donc ne tenant pas compte des précautions d'usage avant toute diffusion d'information.



- Le tweet le plus «aimé» du mois...peut-être même de l'année sur le réseau social Twitter : celui de l'ancien président Barack Obama (dimanche 13 août) sur les événements de Charlottsville (Virigine), en réaction aux propos presque pro-suprémacistes (pour ne pas dire) racistes de Donald Trump. «Liké» plus de 3 millions de fois («j'aime») et retweeté près de 1,5 million de fois. Le contenu ? une citation de Nelson Mandela : «Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de ses origines, ou de sa religion». La raison du succès ? Faire court, faire simple, faire clair...et surtout être et agir humain !



- On note, depuis peu, une volonté déclarée de plusieurs présidents et chefs d'Etat de rendre «leur parole rare», tout en actant une certaine distance à l'égard des médias classiques. Celle ci s'est encore accentuée avec leur volonté de lancer leur propre média, leur propre organe. Et le choix de passer par les réseaux sociaux pour diffuser en direct leurs déplacements et leurs propos est désormais caractéristique de cette nouvelle donne.

C'est qu'avec le boom d'Internet et des nouveaux moyens de communication, les hommes politiques peuvent désormais s'émanciper des médias traditionnels pour diffuser leur message. Pour certains, on fait valoir une «pensée complexe» se prêtant mal au jeu des questions-réponses avec des journalistes.

Pour la plupart, c'est seulement «tendance», s'inspirant fortement du basculement de la communication politique dans l'ère du numérique, noté lors des campagnes de Barack Obama en 2008, de Bernie Sanders, de Podemos ou encore de Ciudadanos en Espagne. Il y a même désormais un logiciel spécifique qui gère tout cette façon de faire. Il y a aussi la création de chaînes Youtube.

Certains ont même fait des différences de maîtrise des nouveaux outils de communication l'une des raisons de l'échec des partis traditionnels lors d'élections. Bref, en règle générale, les mouvements politiques, comme les affairistes d'hier, créent leur plateforme les uns après les autres. Ils développent ainsi un nouveau moyen de communiquer en direct avec les militants et les sympathisants, mais aussi un système permettant de tester de nouvelles propositions en faisant remonter des réactions avec une efficacité incontestable.

Parmi les outils utilisés, de nombreux softwares sont maintenant disponibles, à l'image de «Nation Builder», l'un des mastodontes du secteur. Cette plateforme «tout en un» permet de gérer une base de données importantes (militants, contacts), ainsi que le site web du parti. Un logiciel de big data simplifie grandement le travail des militants et leur mobilisation. La démocratie participative direct en route ou une autre illusion technologique ?



- Un chef d'Etat...africain de 93 ans, en poste depuis 37 ans vient de décréter que le 21 février, jour anniversaire de sa naissance, sera désormais... «férié». Il n'en est pas à son premier caprice : je me souviens dans les années 90 lors d'une Conférence des pays non-alignés dans sa capitale, la une du journal gouvernemental titrait non sur l'ouverture du Sommet et sur la présence de chefs d'Etat mais... sur la naissance du fils du «Chef». A noter que sa jeune épouse (52 ans) avait déclaré un jour que «même mort, il sera élu». Il faut dire qu'elle figure parmi les «favoris» pour succéder au mari. Connue pour être très agressive, accusée tout dernièrement d'avoir agressé, en Afrique du Sud, une jeune mannequin de 20 ans, elle a réussi à obtenir l'immunité diplomatique et à quitter en catastrophe le pays. Faut-il en rire ? Peut-être les militants de son parti... au pouvoir depuis 37 ans. Faut-il en pleurer ? tous les autres !



- La presse française évoque souvent le manque de communication de son président de la République et parle même de verrouillage. Pour certains médias, «la prise de parole est raréfiée». Dans une interview avec Le Parisien, Sibeth Ndiaye, la conseillère Presse et Communication de l'Élysée, a tenu à défendre la communication «verticale» d'Emmanuel Macron.

Pour elle, ce mode de communication fait partie des promesses d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Alors que François Hollande avait habitué les médias aux conférences et interviews (donc une communication horizontale et parfois transversale...tirant dans tous les coins) l'actuel chef d'Etat prône une communication «verticale», a-t-elle défendu, martelant qu'elle n'est guère «verrouillée».

Bien sûr, les mauvais esprits estiment que c'est la mauvaise (ou le suroît) com de Hollande qui l'a perdu. La belle excuse pour évacuer les médias traditionnels du champ du contre-pouvoir et imposer la dictature de la com institutionnele fabriquée sur mesure. On la retrouve beaucoup (dans bien des pays démocratiques occidentaux gouvernés par la droite et le centre) chez les jeunes loups de la politique qui croient tout savoir, dès leur entrée en politique, comme d'ailleurs chez les régimes dictatoriaux et autoritarises. La com verticale et descendante, il n'y a pas mieux ! Pour durer ? Peu-être. Pour convaincre ? Pas sûr. La preuve, la dégringolade aux sondages du président français. Un record historique : jamais la popularité d'un président de la République n'avait chuté si rapidement. En trois mois, le président a perdu 24 points. Panique à l'Elysée et remise en question radicale de la communication du président depuis son élection ? D'où l'annonce mardi 29 de la nomination du journaliste et éditorialiste Bruno Roger-Petit au poste de porte-parole de la présidence de la République...qui fait polémique. Un type de nomination qui alimente les suspicions de connivence entre journalistes et politiques. Un type de passage d'un monde à l'autre, des journalistes vers le pouvoir (à l'ombre ou visiblement), finalement assez banal.



- Le numéro d'aût 2017 du Monde Diplomatique a été interdit à la diffusion. Cela fait bien longtemps que l'on n'avait vu cela. Heureusement, internet a suppléé (gratuitement) au manque et certainement le «papier» de Pierre Daum (qui a beaucoup écrit sur l'Algérie et les harkis, entre autres) a été lu bien plus (des dizaines de milliers d'internautes) que si le journal avait été diffusé normalement (500, 1000, ou 2.000 exemplaites tout au plus). D'autant qu'il coûte assez cher (250 dinars, ce qui n'est pas rien même pour un cadre...les oligarques ne lisant pas ou très peu). En fait, il n'y a rien de méchant dans le contenu sinon le résumé de tout ce que tout le monde pense et dit... justement ou à tort.

Il y a, peut-être, une ou deux petites phrases qui ont poussé le décideur à en interdire la diffusion. Dont l'allusion à la sempiternelle question du «qui tue qui ?» et une «chute» de l'article assez mal placée sur la maladie du Président. Du déjà entendu et lu !



- Peur sur le journalisme ! Depuis l'an 2000, plus de 100 journalistes professionnels mexicains ont été assassinés par les narcotrafiquants (et, aussi, par les hommes de main des dirigeants politiques corrompus). Ajoutez-y le niveau bas des salaires offerts et la rareté des offres d'emploi...dans bien des rédactions. On fait tout pour éviter le travail sur le terrain, dans l'investigation et sur les affaires de police. Voilà un triste coktail qui rend la profession assez dangereuse et l'enseignement universitaire du journalisme pas attractif du tout. Cette rentrée a vu le nombre de candidats à la filière communication-journalisme chuter de de 30 à 35%. On préfère la production, et la réalisation... en télévision, la photographie artistique... et non le photojournalisme... Tout çà «pour ne pas finir dans une fosse commune» ou, alors finir «corrompu» (par les pots-de-vin des cartels et des politiciens corrupteurs) dans un média n'ayant aucun respect pour les règles d'éthique et de déontologie. Et, surtout, toute une désaffection qui, selon les spécialistes, va affecter, à long terme, l'état de la démocratie au Mexique.

Et, chez nous ? Certes, on a vu pire durant la décennie rouge (plus de 120 hommes de presse assassinés). Certes, il n'y a plus de meurtres physiques. Certes, la filière universitaire communication connaît (encore) un certain succès (l'audiovisuel surtout). Certes... certes... mais reste tout le reste (conditions de travail déplorables, accès limités ou contrôlés aux sources de l'information, irrespect quasi-généralisé des règles de l'éthique et de la déontologie, absence de transparence dans la propriété et la gestion des moyens, sur-politisation ou sur-peopolisation des contenus...) : la démocratie décrédibilisée ?



- De quoi s'inquiéter ! Il a fallu que le ministère de la Défense nationale atteste dans une note datée du 8 août et adressée aux différentes régions militaires (selon Liberté) de la dangerosité d'un parfum (le «Relax»)...car ayant provoqué dans plusieurs pays arabes et musulmans, après analyses, des morts subites... pour que le ministère du Commerce réagisse en «pondant» un communiqué disant tout simplement que ce produit n'est pas inscrit dans la liste des produits éligibles à l'importation et est introuvable sur le marché. Donc, ne pas s'inquiéter ! Elémentaire, mes chers contrôleurs ! Et, les importations et les commercialisations informelles, celles des conteneurs maquillés et des cabas ?

A noter, par ailleurs, que la presse a signalé le «retrait des étals» de biscuits «Every Bay» et de bonbons «Seringue» nocifs pour l'enfant (sic !), ces derniers ayant entraîné la mort d'un enfant à Tizi-Ouzou début juin («Le Soir d'Algérie»). A noter aussi la réapparition, dit-on, (Info ? Intox ?) du «Rahmat Rabi», importé de pays «amis», dans un autre emballage et sous une autre appellation...Pas d'inquiétude donc, tout est «sous contrôle».



- L'interpénétration des milieux d'affaires et des décideurs politiques a-t-elle conduit à une dérive oligarchique du système algérien ? Question que se posent nos analystes. Deux articles récents parus dans Le Quotidien d'Oran tentent d'apporter des réponses. Pour le sociologue Djamal Labidi, «le terme d'oligarchie a été instrumentalisé par les représentants politiques de la bourgeoisie bureaucratique et a fait l'objet d'une utilisation abusive». Pour l'économiste Mourad Benchenou, qui fut ministre des Finances dans le gouvernement Rédha Malek, au contraire, la montée des oligarques a conduit à «la subordination totale, par prédateurs nationaux interposés, aux intérêts étrangers, dans laquelle le pays a été engagé depuis quelques décennies». Je pense, pour ma part, qu'il y a toute une recherche à entreprendre pour remonter le temps (depuis 1962) et dresser une généalogie des fortunes en liaison avec une cartographie des entreprises privées et publiques nationales (et depuis 2000 ? et étrangères y compris) afin de débusquer les liaisons «douteuses» ou utiles. Au début des années 90, le journaliste Abderrahmane Mahmoudi (L'Hebdo libéré) avait commencé ce travail.



- Deux bonnes nouvelles...pour les citoyens africains :



-D'abord c'est la justice nigérianne qui ordonne la saisie de 17,6 millions d'euros sur des comptes appartenant à l'ex-ministre du Pétrole et figure de l'ancien gouvernement de Goodluck Jonathan, Diezani Alison-Madueke. Accusée de corruption, elle a déjà vu nombre de ses biens confisqués ces dernières semaines. Selon l'accusation, des comptes avaient été ouverts au bénéfice de Diezani Alison-Madueke dans des banques locales par des représentants de la compagnie pétrolière nationale (NNPC) alors qu'elle était ministre des Hydrocarbures entre 2010 et 2015. Diezani Alison-Madueke a été la première femme à la tête de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) entre 2014 et 2015 et est actuellement en liberté sous caution à Londres après avoir été arrêtée dans le cadre d'une autre enquête, britannique, sur un vaste scandale de corruption internationale et de blanchiment d'argent. Son nom a également été cité dans une plainte pour corruption visant deux hommes d'affaires nigérians aux États-Unis et dans une enquête en Italie concernant un contrat pétrolier de 1,1 milliard d'euros avec les majors ENI et Shell.

-Par ailleurs, aux Etats-Unis, l'ex-ministre guinéen des Mines, Mahmoud Thiam, 50 ans, s'est vu condamner à sept ans de prison et trois ans de liberté surveillée pour avoir perçu et blanchi 8,5 millions de dollars de pots-de-vin de la part de deux conglomérats chinois afin d'obtenir des droits d'exploitation exclusifs sur des gisements de fer, d'or, de diamants et de bauxite.

Selon le département de la Justice, les éléments de l'enquête prouvent que Mahmoud Thiam a blanchi les 8,5 millions de dollars versés par les deux conglomérats sur un compte bancaire à Hong Kong. L'ex-ministre a viré 3,9 millions de dollars vers plusieurs comptes bancaires aux États-Unis qui ont servi à l'achat de produits de luxe et à d'autres dépenses. Thiam avait déclaré aux banques que l'argent provenait de la vente d'un terrain effectuée en Guinée avant qu'il ne soit ministre. «Thiam a utilisé les pots-de-vin chinois pour payer les frais de scolarité de ses enfants dans un établissement privé de Manhattan et pour acheter un domaine de 3,75 millions de dollars dans le comté de Dutchess», a précisé le procureur par intérim du district sud de New York. A qui le tour ? Et de quel autre pays d'Afrique, Maghreb y compris ?



- Le Maroc vient de décider de décommander des publicités à l'hebdomadaire franco-tunisien Jeune Afrique lui faisant perdre la bagatelle de 200.000 euros.

Raison de cette volte-face ? Certainement la une de Jeune Afrique qui a été consacrée aux auteurs des attentats de Barcelone et de Cambrils, en Catalogne, survenus le jeudi 17 août et vendredi et qui ont fait au moins quatorze morts et plus d'une centaine de blessés. Jeune Afrique avait titré en une «Terrorisme : born in Morroco» (né au Maroc), avec les photos des dix Marocains, auteurs des attentats sanglants en Espagne, le tout aux couleurs du royaume.

Jusqu'ici, l'hebdomadaire Jeune Afrique cultivait de très bonnes relations avec les officiels marocains. Pourquoi donc s'attaquer maintenant au Maroc ? s'interrogent certains observateurs.

Une nouvelle feuille de route (française ?) moins bienveillante à l'égard du royaume et un changement de cap médiatique ?

Certes, le président français, Emmanuel Macron, a volé au secours du roi Mohamed VI très récemment au sujet de la révolte dans le Rif. Mais aujourd'hui qu'il s'agit de terrorisme et de surcroit d'attentats perpétrés par des Marocains sur le sol européen, le message de la France au Maroc semble lui dire que le choix est vite fait.



- Dans un récent entretien accordé à un grand hebdomadaire, le président franaçis revient sur la lecture : «Quand on oublie de lire, on se trompe. On perd le rapport au sens, à l'intemporel». Il cite, en plus de Paul Ricœur, Saint-Simon, Fernand Braudel, Paul Valery, Gilles Keppel, Joseph Schumpeter, Emmanuel Levina...et Kamel Daoud pour lequel «il a beaucoup d'admiration, car il est courageux et c'est un grand romancier à la vision singulière» et cet été il a lu son dernier ouvrage, «Zabor ou les Psaumes». Mais il n' «adhère pas en totalité à sa réduction de l'Arabie saoudite à un Daech qui a réussi». Un président qui lit beaucoup a-t-il toujours raison ? Et, un écrivain qui écrit bien a-t-il toujours tort ?