Même
en France, le Maroc espionne l'Algérie. Il s'agit de cette sombre affaire
d'espionnage de l'Algérie et ses hauts responsables par le Maroc, et
accessoirement contre la France, révélée par le quotidien français
"Libération". L'affaire éclate à la fin du mois de mai dernier,
lorsqu'un commissaire de police à l'aéroport d'Orly, est interpellé par les
fonctionnaires de l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) française.
Arrêté le 29 mai, à la veille d'un départ en vacances au Maroc, le capitaine
Charles D. est placé en garde à vue. C'est la juge d'instruction du Tribunal de
grande instance de Créteil, qui a mis en examen le policier, le 31 mai pour les
chefs d'inculpation de corruption et violation du secret professionnel et l'a
placé en détention provisoire. L'autre protagoniste dans cette affaire, est le
directeur d'une société de sûreté, travaillant à l'aéroport d'Orly, un
Marocain, Driss A.. Il est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire
entre le fonctionnaire français et Mohamed B., un agent marocain. Driss A. est
lui aussi poursuivi et maintenu, en détention provisoire. Quant à l'espion
marocain Mohamed B., il a disparu, envolé. L'affaire éclate, fin mai dernier,
trois ans après la nomination de Charles D. (2014) à la tête de l'unité
d'information de la police aux frontières (PAF) de l'aéroport parisien d'Orly.
La mission de cette petite structure de sept fonctionnaires est de se
renseigner sur l'ambiance sociale de l'aéroport (surveillance des syndicats),
et la lutte contre le terrorisme, en surveillant les éventuelles
radicalisations des employés d'Orly et en faisant le lien entre l'immigration
et les services antiterroristes français. Mais, cette unité d'information de la
PAF française a un autre rôle, plus sensible: elle
rédige des notes lorsque des personnes fichées "S", pour terrorisme
ou autre (espions étrangers, militants, supporteurs ultras), passent la
frontière. Ce sont ces notes sensibles que ce policier transmettait à l'agent
marocain installé comme directeur de la société de sûreté ICTS d'Orly. Ensuite,
cet agent marocain transmettait ces notes, portant sur des ressortissants
marocains, mais également des responsables et de simples Algériens, à l'espion
marocain désigné par Driss A. à la justice française sous les initiales de
Mohamed B. Mieux, c'est cet agent des services d'espionnage marocains, que la
justice française soupçonne d'être le destinataire final des documents obtenus
par Driss A. auprès du policier indélicat. En fait, des informations sensibles
transitent entre les mains du policier français, dont le passage de hautes
personnalités algériennes, et les transmettait aux espions marocains, contre
des voyages tous frais payés, au Maroc (en août 2015 et 2016, et avril 2017).
Pour autant, les enquêteurs français, selon lesquels le commissaire Charles D.
aurait transmis entre 100 et 200 fiches de voyageurs maghrébins, dont des
Marocains fichés ''S'' et de hauts responsables algériens, pensent que les deux
espions marocains ne s'intéressaient pas seulement à contrer les terroristes
marocains, en transit par Orly, mais bien une grande entreprise d'espionnage
des personnalités maghrébines, en particulier les ministres algériens. "
Des éléments laissent pourtant penser que ses interlocuteurs ne s'intéressaient
pas seulement à la lutte contre le terrorisme ", estiment les enquêteurs
de 'Libération', et rapportent qu' " à son domicile, Driss A. conservait
des documents de la PAF sur le passage de frontière d'un ancien haut
responsable algérien, ainsi que deux notes de l'ambassade algérienne, à propos
des passages de deux ministres en exercice, dans le pays voisin et éternel
rival du Maroc." "Ces documents auraient été fournis, là encore, par
Charles D.", ajoute "Libération". " Une négligence, arguera
Driss A., selon qui les documents ont glissé par erreur".
En
fait, les trois ministres "pistés" par les agents marocains sont
Hamid Grine, ex-ministre de la Communication, Tahar Hadjar,
actuel ministre de l'Enseignement supérieur, et l'ex-ministre de l'Intérieur Nouredine Yazid Zerhouni, selon
un des auteurs de l'enquête de "Libération" sur cette affaire
d'espionnage. Les notes de l'ambassade d'Algérie à Paris reprenaient le passage
des deux premiers ministres cités dans la capitale française. Ils y faisaient
une visite officielle, dont celle de Grine pour participer à une rencontre à
l'Institut du monde arabe (Paris). Cette affaire rappelle que l'Algérie et ses
responsables restent activement surveillés par les services secrets marocains,
qui souvent négocient des informations sensibles sur l'Algérie avec d'autres
services d'espionnage étrangers, dont la France et Israël. L'arrestation en
mars dernier, à Alger, d'espions marocains à la solde des services secrets
israéliens, chapeautés par le Mossad, en est la preuve concrète.