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Rues sales, trottoirs défoncés, façades délabrées? A quoi sert un maire ?

par Ghania Oukazi

  A l'approche des élections locales, la question «à quoi sert un maire ?» est posée encore une fois avec acuité.

Le gouvernement et les partis politiques du pouvoir ont annoncé avec une fierté inconvenante la tenue au 23 novembre prochain des élections locales. Ce sont donc des assemblées communales et de wilayas nouvelles qui vont être élues avec à leur tête des présidents respectifs. Ce n'est pas la première fois que l'on se pose la question dans ces mêmes colonnes : «A quoi sert un maire ou un président d'APC ?». Il faut croire qu'aucune réponse convaincante ne peut être donnée au regard de la déliquescence de l'Etat et de situations diverses qui prévalent dans les différentes localités des wilayas du pays. La capitale reste le point nodal d'un avilissement de l'environnement national sur l'ensemble de ses facettes. Si l'on sait depuis toujours que la banlieue algéroise est sale et dégradée, ces jours-ci, la vedette lui a été probablement ravie par les ruelles et même les grandes avenues du centre de la capitale. Les rues adjacentes à Ben M'Hidi et Didouche Mourad débordent de saleté non seulement à cause des résidus des moutons égorgés mais de toutes les poubelles. Les rats continuent de courir dans tous les sens en plein rue Ben M'Hidi. La crise du manque d'hygiène s'est aggravée avec les coupures intempestives de l'eau depuis plusieurs jours et particulièrement la semaine de l'aïd.

L'APC d'Alger doit voir les choses autrement. Son assemblée semble s'être accommodée avec les rues sales, les trottoirs défoncés et les échafaudages accrochés depuis de longs mois aux façades délabrées des immeubles empêchant ainsi le déplacement des gens dans des conditions normales.

Quand le mensonge devient un mode de gestion

Les coupures d'eau à partir du premier jour de l'Aïd dans plusieurs quartiers relèvent d'un manque de responsabilité flagrant. Le gouvernement ne sait plus gérer les affaires courantes. En raison d'une gestion à pied levée des villes et de l'environnement avec tout ce que cela suppose comme manquement au respect du quotidien des citoyens, les ministres des secteurs clés construisent leurs actions sur des mensonges avérés. Le manque d'eau, la saleté, les moutons à la viande pourrie qui réapparaissent aussi cette année montrent si besoin est la désinvolture des promesses de ministres qui se fichent de l'amère réalité des problèmes qui pourrissent le pays. Les ministres menteurs savent qu'ils ne sont tenus d'aucune obligation de résultats ni de rendre compte à qui que ce soit. Ils le savent depuis toujours. L'impunité a force de loi. L'essentiel pour les gouvernants est qu'ils gardent leur portefeuille.

Les ministres ne sont pas les seuls responsables à ne pas craindre les sanctions. Les assemblées communales et de wilayas et autres élus dans toutes les instances savent eux aussi qu'ils ne seront jamais appelés à rendre compte de leur gestion pendant leurs mandats électifs. Les assemblées locales sortantes ne rendront pas compte de quoi que ce soit devant aucune autorité encore moins devant leur parti politique.

Le pouvoir fait tourner le pays en rond

D'autant qu'en ces temps de crises, le jeu se passe ailleurs et pour autre chose bien plus décisive pour le maintien des pouvoirs et des postes. Les petits gouvernants cherchent à savoir qu'est-ce qui pourrait se passer les mois à venir pour connaître le sens du vent. La descente d'Ahmed Ouyahia de la présidence de la République au palais du gouvernement a surpris pas mal de monde. C'est peut-être une première étape pour que des hommes soi-disant de poigne soient descendus dans l'arène des règlements de comptes. Bien qu'il soit connu que le pouvoir ne juge pas ses hommes, il est aussi prouvé qu'il peut leur faire passer de mauvais quarts d'heure en les jetant en pâture sur la scène nationale.

Ce qui est sûr c'est que le pouvoir recycle toujours ses hommes pour en faire «des responsables de conjoncture». L'on remarque cependant qu'il a consommé un grand nombre d'entre eux pour rétrécir leur cercle à une infime minorité qui semble faire tourner en rond le pays tout entier.

Les plus réfractaires d'entre eux commencent à radoter et font du surplace. L'on s'interroge alors : Que s'est-il passé pour que tous ceux qui se réclament des personnels politiques, commis de l'Etat, cadres de la nation et autres «employés» du pouvoir soient devenus otages du clan présidentiel ? Depuis 1999, aucun contre-pouvoir n'a réussi à émerger pour apporter la contradiction nécessaire au pouvoir en place. Les mauvaises langues répondront tout de suite qu'on ne laisse personne émerger. Mais les libertés «ça s'arrache», elles ne se donnent pas.

Les revanches qui font mal à l'Algérie

Tout le monde est aujourd'hui dans une drôle d'expectative. L'information est devenue bavardages et cancans plus qu'elle n'émane d'une analyse réfléchie et responsable. L'on suppute à longueur de journée, à tous les niveaux. Le cercle présidentiel agit seul, à l'abri de tous les regards. Un chercheur disait hier qu'il y a eu même usurpation de fonction sans que personne n'oblige personne à dire la réalité des choses.

L'annonce faite hier par le 1er ministre d'un Conseil des ministres demain mercredi met tout le monde aux aguets. C'est en évidence l'image que la télévision pourra prendre du président de la République qui occupe d'ores et déjà les esprits. Les questions sur ce qu'il devient continuent d'être le sujet de prédilection des Algériens.

Un 5ème mandat présidentiel pour lui ou ce sera son frère Saïd qui prétendra à la magistrature suprême, un retour «préparé» de Chakib Khelil, ou alors une carte sera jetée au bon moment pour une alternative tout à fait inattendue, nul ne pourra se prononcer sur ce qui risquerait de se passer dans quelques mois. L'Algérie continue en tout cas toujours de vivre au rythme de l'état de santé du chef de l'Etat. Tous les yeux regarderont la télévision mercredi pour savoir ce qu'il devient. Une image qui relancera encore plus les supputations autour d'un pouvoir, un seul, qui aura éliminé ses rivaux de tous bords depuis qu'il a pris les commandes du pays. Mais hermétiquement fermé qu'il est depuis, il aura entraîné le pays dans un cycle de revanches sans précédent. Il les a bien prises sur l'histoire et sur les hommes. L'Algérie n'en est pas sortie indemne.