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Pas de pain, ni lait pendant l'Aïd: Les «départs au bled» paralysent les commerces

par Yazid Alilat

Encore une fois, les commerces ont fermé boutique durant ces deux jours de l'Aïd El-Adha 2017. En dépit des sempiternelles assurances des responsables du ministère du Commerce et des directions de wilaya, c'est le même problème qui revient durant les jours fériés : pas de pain, pas d'eau minérale, pas de légumes, ni de fruits, pas de lait. C'est toute l'Algérie, à quelques exceptions près, qui part en vacances durant ces jours de fête. Cet Aïd El-Adha n'a pas fait exception, puisque comme d'habitude, beaucoup de commerces sont restés fermés dont, en premier lieu, les boulangers, provoquant la colère des consommateurs. A Alger, hormis les quartiers populaires comme Bab El Oued où tous les magasins et boulangers, ainsi que les cafés étaient ouverts, les autres places commerciales étaient fermées, les boulangeries ouvertes très rares. Au premier comme au second jour de l'Aïd, il était très difficile de se procurer du pain, du lait et de l'eau minérale, dans le Grand Alger, et en particulier à Alger-centre, dans l'axe place des Martyrs-rue Didouche Mourad. La raison est très simple : la plupart des commerces de quartier étaient fermés, les employés comme les boulangers étant partis au «bled».

Et pourtant, les directions du Commerce de l'ensemble des wilayas d'Alger avaient affirmé à la veille de la célébration de cette fête religieuse, que des milliers de commerçants étaient mobilisés pour assurer la permanence durant les deux jours de l'Aïd El-Adha. «Plus des deux tiers des commerçants d'Alger, soit 3.519 commerçants sur 10.660 activant dans plusieurs domaines notamment la boulangerie, l'alimentation générale et les laiteries, sont mobilisés pour assurer la permanence durant les deux jours de l'Aïd El-Adha», avait assuré le directeur du Commerce de la wilaya d'Alger. La réalité, hélas, a été que nombreux sont les commerçants engagés pour assurer la permanence de l'Aïd El-Adha qui ont failli à leur engagement. Ce qui a provoqué parfois des situations burlesques où la quête de la baguette de pain et un sachet de lait a été le souci principal des habitants de la capitale. La même situation, cependant, a été vécue dans les grandes villes du pays, où les commerces de proximité dont les boulangeries ont baissé rideau, plongeant les habitants dans un profond désarroi. A Blida, une ville de plus de 100.00 habitants, rares étaient les boulangeries et les commerces de proximité qui étaient ouverts durant les deux jours de l'Aïd. A l'exception des commerces de quartier, Blida était devenue du jour au lendemain une ville fantôme. A Ouled Yaïch, une ZHUN tentaculaire de plus de 400.000 habitants, la même situation prévalait, avec l'ouverture de quelques boulangeries et épiceries, mais qui ne pouvaient répondre à une forte demande.

A Oran, c'était également le calvaire pour se débrouiller «une miche» de pain, et il fallait se lever très tôt et parfois jouer des coudes pour espérer se débrouiller quelques baguettes à la Bastille ou à El Hamri. C'est en quelque sorte l'image et la situation déplorables enregistrées durant ces deux jours fériés à travers les grandes villes et villages du pays : un pays paralysé par la fermeture des commerces de proximité. Et pourtant, à la veille de chaque jour férié, de chaque période plus ou moins longue de fête religieuse, le ministère du Commerce intervient pour rassurer sur la disponibilité des produits alimentaires et l'ouverture des commerces avec le système de permanence. Cette fois encore, il n'en fut rien, et les Algériens ont dû prendre leur mal en patience. A en croire donc un communiqué du ministère du Commerce, 34.576 commerçants avaient été mobilisés pour assurer la permanence et l'approvisionnement régulier des citoyens en produits et services durant l'Aïd El-Adha. Il s'agissait notamment de 4.985 boulangers, 20.763 magasins d'alimentation générale, fruits et légumes et 8.436 commerçants d'activités diverses, selon le ministère. Et puis, il y avait également 392 unités industrielles mobilisées, dont 143 laiteries, 211 minoteries et 38 unités de production d'eau minérale. Et pour surveiller l'application de ce dispositif, il devait y avoir sur le terrain 2.093 agents de contrôle. La situation, en réalité, n'évolue guère depuis les années 1980: à chaque Aïd, ce sont les départs en congé au bled, et les magasins dont les boulangeries sont fermés. C'est la triste vérité d'une situation qui dure, sans que le ministère du Commerce ne trouve une solution.

Car même l'éventualité de sanctions financières n'a pas dissuadé les commerçants, dont les plus sollicités comme les boulangers et les épiciers, à fermer boutique à la veille des fêtes religieuses. Les contrevenants au dispositif mis en place pour assurer la disponibilité des denrées alimentaires encourent en effet des amendes allant de 100.000 à 300.000 DA selon la nature de l'activité exercée. L'infraction au programme de permanence peut coûter également à son auteur la fermeture d'un ou deux mois du commerce. En cas de non-paiement de l'amende imposée, le dossier du commerçant contrevenant sera soumis aux juridictions compétentes.

Mais, jusqu'à présent, toute cette batterie de «pénalités» n'a pas eu d'effet. Car à la veille de chaque longue période de fête religieuse, les Algériens prennent leurs dispositions en faisant des «stocks» de pain et de produits alimentaires, très peu faisant confiance au dispositif sans grand effet du ministère du Commerce.