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Un baccalauréat 2017 et des critères d'inscription à l'Université 2017 qui nous livrent leurs scandaleux secrets

par Hakem Bachir*

Notre école publique vient de vivre sa plus scandaleuse et pénible année non pas par les grèves des enseignants ou par le seuil des programmes mais par des examens de fin d'année et particulièrement son baccalauréat touché, de plein fouet, dans son intégrité.

Et oui, pendant cette année 2017, au moment où les cours se sont déroulés le plus normalement du monde, alors que les candidats ont passé leurs épreuves en plein Ramadhan et où le ministère a pris toutes ses précautions pour éviter, au maximum, toutes tricheries, notamment la sanction de tous les retardataires dés la distribution des sujets, ce qui fut une décision logique et applaudie par les connaisseurs et appliquée dans tous les pays du monde et en Algérie, depuis 1962, car il n'y a pas d'état d'âme, concernant la discipline et surtout la ponctualité dans le secteur de l'Education, surtout pendant les épreuves d'un examen comme le baccalauréat.

Comme d'habitude, les «victimes» de la sanction se sont plaintes aux hautes sphères de l'Etat pour soulever une injustice qui n'était pas fondée et comme d'habitude elles obtiennentt gain de cause. La décision est tombée pour répondre aux doléances des puissants parents d'élèves et des élèves pour organiser une session spéciale du baccalauréat 2017 pour certains candidats :

Les retardataires

Tous ceux qui ne se sont jamais présentés aux épreuves ou en abandon pour diverses raisons ; parmi les plus connus ces candidats sont des universitaires qui avaient des examens pendant cette période ou bien des universitaires qui ont décidé de poursuivre leurs études supérieures car ils sont déjà détenteurs d'un baccalauréat ou bien car ces candidats et ils se comptent sur le bout des doigts, devaient passer leur baccalauréat français dont le premier jour coïncidait avec le dernier jour de notre examen.

La vraie injustice dans cette décision concernera :

- Les candidats qui auront échoué à cet examen et qui n'auront pas une seconde chance comme les premiers nommés.

- Les candidats qui auront réussi leur baccalauréat mais avec des moyennes ne leur permettant pas de s'inscrire à l'Université suivant leur souhait

Donc le nombre de candidats concernés par cette session spéciale était d'environ 104.000 sur plus de 361.000, ce qui est scandaleux pour différentes raisons. Nous citerons quelques-unes :

-- Vouloir organiser les épreuves avant les résultats de la session officielle et donner les résultats sans différencier les bacheliers, entre eux, car les épreuves ne furent pas d'égale difficulté, que ce soit pour le niveau des épreuves ou les conditions dans lesquelles se sont déroulés les examens pour unifier les résultats et pour empêcher les recalés et les bacheliers, à la première session, de réclamer justice.

-- Parmi les 104.000 candidats à la session spéciale nous savions que plus de 90% n'étaient concernés ni par la première session ni par la seconde, ce qui s'est avéré, par la suite, juste puisque plus de 90.000 candidats n'ont pas pris part à la session spéciale.

-- Donc seuls 10 000 candidats ont pu prendre part correctement à la session spéciale, parmi eux, plus de 50% avaient abandonné à la première session non pas pour retard mais uniquement parce qu'ils avaient calé à l'une des épreuves et 0,2% ont abandonné le baccalauréat algérien pour prendre part au baccalauréat français.

Cette analyse nous pousse à se poser la question : quelles sont les vraies raisons de cette session spéciale et si elle n'a pas été déjà programmée avant le début des épreuves pour permettre à cette vingtaine de candidats privilégiés de pouvoir participer aux deux baccalauréats algérien et français, car tout a été prêt en un temps record même la confection des sujets était prête alors qu'elle demandait plusieurs mois. Une enquête devrait être ouverte pour destituer ces candidats de leur baccalauréat algérien car leur absence était volontaire et pour que le scénario ne se répète plus, les prochaines années, pour satisfaire ces privilégiés et toucher à la crédibilité de notre baccalauréat, ainsi que celle de notre Ecole publique.

- Le second scandale est celui des conditions d'inscription en Médecine pour les bacheliers aux deux sessions.

Il est incompréhensible, à première vue, de fixer la barre d'inscription pour un bachelier Option «Mathématiques», à 16,07/20 et à 15,88/20 pour un bachelier Option «Sciences expérimentales».

Au moment où tout le monde s'accorde à dire qu'il faut favoriser la branche Mathématique, pour pousser les élèves à faire leur choix pour cette branche, en voie de disparition, voilà qu'on assiste à un scénario controversé. Mais cela peut s'expliquer par le fait que la majorité des enfants des notables algériens sont inscrits en Sciences expérimentales et que le nombre d'étudiants avec une moyenne variant entre 15,87/20 et 16,07/20, pour la branche Mathématiques est très grand et comme le nombre de places, en Médecine, à l'Université est limité; nos stratèges ont décidé d'éliminer tous les candidats de la branche Mathématiques ayant obtenu des moyennes comprises entre 15,87/20 et 16,07 pour favoriser leurs enfants.

Et de là porter atteinte à l'Ecole publique et à l'orientation vers la branche Mathématique laquelle n'ouvrira plus, à partir de cette année, les mêmes débouchés universitaires que ceux de la branche Sciences expérimentales. Aujourd'hui, en tant que professeur de Mathématique, je comprends l'appréhension de certaines lumières en Mathématiques qui préfèrent rater leur test en cette matière pour ne pas y être orientées.

Mon pauvre pays, qu'a-t-on fait de ton Ecole publique, après que celle-ci ait été l'un des symboles fort de l'Algérie indépendante des années et où le pauvre comme le riche pouvait s'asseoir à la même table et avoir les mêmes chances de réussite.

Nous assistons aujourd'hui, pendant toute la scolarité de l'enfant, dans tous les établissements, à travers tout le territoire national, à l'existence de classes pour les pauvres et d'autres pour les riches, à des orientations pour les riches et d'autres pour les pauvres, à des professeurs pour les riches et d'autres pour les pauvres, le tout avec la bénédiction des responsables. Nous sommes, aujourd'hui, arrivés à confectionner même un baccalauréat pour les riches et un autre pour les pauvres.

Qui aurait cru qu'un jour, notre Ecole publique et notre baccalauréat bâtis par le sang des chouhada et le sacrifice des moudjahidine, seront sacrifiés pour les intérêts personnels de ceux qui ne respectent ni loi ni foi, ni les Martyrs de ce pays.

Ils ont détruit l'Ecole publique algérienne, fruit du combat des Martyrs, des moudjahidine et de tous ceux qui se sont battus pour les enfants de l'Algérie indépendante. Ils ont oublié le fameux discours de feu Houari Boumediene répondant aux «détracteurs» de la qualité du pétrole algérien qui affirmait : «Oui le pétrole algérien est de couleur rouge et ce, par le sang des chouhada ». Pour nous l'Ecole publique algérienne est une ligne rouge à ne pas atteindre. Ce qui s'est passé cette année est d'une gravité jamais atteinte et des questions restent posées. La vérité sur ce qui s'est passé, concernant le baccalauréat 2017, se saura un jour et les responsables et leurs enfants seront connus.

*Professeur de Mathématiques, - au lycée «Colonel Lotfi» d'Oran