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La légende du messie sauveur

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Mm. Tebboune et Ouyahia jurent tous deux qu'ils sont «fidèles au président de la république» et à son programme pour le bonheur du peuple et du pays. Pourquoi alors préférer l'un plutôt que l'autre ?

Terrible myopie que de voir dans le limogeage de Mr Abdelmadjid Tebboune sa seule intention à vouloir nettoyer la vie politique du pays en séparant, selon ses propres dires, «la politique de l'argent- sale bien sûr-». Car cela veut dire que le pouvoir, au travers du président Bouteflika, s'y oppose et donc valide le mariage de la politique et de l'argent sale. Terrifiante et grave déduction qui insinue que le pays est gouverné par une maffia sans foi ni loi prête sans le moindre espoir pour le peuple de s'en libérer. Tout est pourri du Sommet de l'Etat jusqu'au au village gérer par un élu local. L'argent, cette «énorme cagnotte» qui a atteint plus de 250 milliards de dollars en réserve de change lorsque le baril de pétrole dépassait les 100 dollars a excité les appétits des plus voraces, dévergondé les administrations et les moindres sphères de pouvoirs dit-on. 250 milliards au plus haut des saisons de l'abondance pour plus de 40 millions de citoyens en attente de biens de besoins et surtout celui d'un travail ou d'un logement d'abord ou des deux à la fois. 250 milliards et le pays tout entier se trouve prisonnier d'une violence sociale et politique qui le pousse à sa perte aujourd'hui que l'ère de l'abondance est passée et que le baril de pétrole est coincé aux alentours de 50 dollars. Ca va être dur pour tout le peuple. Hier en Belgique le gouvernement découvrait plus de 240 milliards d'euros de fraude fiscale d'entreprises placés dans les paradis fiscaux. Pour un pays sans une goutte de pétrole ou de gaz et une population de 11 millions d'habitants, je n'ai pu évité de penser aux 120 milliards de dollars estimés de chez nous aujourd'hui. Comment se fait-il qu'un pays 4 fois moins peuplé que le notre, sans pétrole et sans gaz puisse générer autant de richesse et d'excédant financier soit aussi touché par tant de fraude et de tricherie? Et comment s'alimente l'Etat belge en finances pour assurer la stabilité et le bonheur de ses citoyens? Tient, les citoyens belges ont eux aussi des «réserves de change»: plus de 900 milliards d'euros cumulés, dont plus de 250 milliards en épargne financière privée ! Ces chiffres et données donnent le tournis comparés aux fameux 120 milliards de dollars que contiennent encore les caisses de l'Algérie d'aujourd'hui et qui provoquent tant de convoitise, de déchirement politique, de «guerres des clans» et de colère populaire. C'est donc cela la raison pour laquelle Mr Tebboune est renvoyé et que Mr Ahmed Ouyahia revient de nouveau.

Ce deornier revient aux commandes, si l'on suit la logique et la raison supposée et évoquée du limogeage de Mr Tebboune, pour «réconcilier l'argent et la politique». Terrible et grave déduction encore une fois, d'autant plus que Mr Tebboune a déclaré en recevant sa lettre de licenciement :» Ma fidélité est entière au président Abdelaziz Bouteflika.» Le propos n'est point d'accabler Mr Tebboune, de soupçonner Mr Ouyahia ou d'aduler Mr Bouteflika. La question est de comprendre ce qui se passe dans ce pays en proie à autant de cauchemars politiques, de surprises de castings à tous les niveaux de pouvoirs, de dégradation civique et culturelle, d'insatisfaction permanente du peuple et de perte de repères et de sens.

Un peuple en attente d'un sauveur suprême qui surgira pour mettre un terme à l'anarchie qui pousse le pays à sa perte. Un peuple déresponsabilisé peut-il espérer le bonheur ? Qui le fera à sa place ? Mr Tebboune s'il était resté à son poste ? Le président Bouteflika seul ? Quelle est le montant de l'épargne privé des Algériens? A combien se chiffre la fraude fiscale nationale? Impossible de le savoir quand on constate l'effrayant niveau de l'économie informelle, le chétif taux de bancarisation de l'argent liquide et l'insignifiant taux d'informatisation du secteur financier et bancaire. Le plus sidérant est que l'accusation de la dérive politique porte sur tous les niveaux de pouvoirs: du chef de village, à la Commune et jusqu'au sommet de l'Etat. Seul le peuple que nous sommes sont innocents, victimes éternelles à notre insu. Tout nous est imposé: la corruption, la triche, la fuite de responsabilité et jusque la bigoterie envahissante et le charlatanisme religieux. Tous ces maux, ces perversions sociales, religieuses et politiques nous sont imposées alors que nous n'en voulons pas. C'est pourquoi notre espoir était grand avec Mr Tebboune qui s'était engagé à nous libérer de tout ce mal à commencer par celui du mariage entre «l'argent et la politique». Mr Tebboune est passé en quelques jours et malgré lui du statut de «libérateur» à celui de «victime» du couple politique-argent. Que va -t-il se passer maintenant que l'autre, Mr Ouyahia est de retour? L'homme a une réputation de gestionnaire froid qui ne s'embarrasse pas de l'opinion de ses concitoyens ou de ses adversaires politiques. C'est un «exécuteur» de missions impossibles dit-on! Des jours et mois difficiles nous attendent, comme avant quand il occupait cette même responsabilité croit-on.

Lui aussi va porter tout seul la responsabilité du présent et de l'avenir de 42, 3 millions d'Algériens. On oubli qu'il répète, comme d'ailleurs Mr Tebboune, qu'il «est fidèle au président de la république» et qu'il ne fera qu'appliquer à la lettre et au chiffre la programme du président. Et dans ce programme la lutte contre la corruption et la collusion de l'agent avec la politique figure en priorité et en préambule du dit programme présidentiel. Du coup, les deux premiers ministres, Ouyahia et Tebboune, disent et promettent la même fidélité au président et son programme pour le pays. Pourquoi avoir limoger alors l'un au profit de l'autre? A moins que l'un ou l'autre mente au président de la république et au peuple qui l'a élu. Et cela est toute une autre histoire. Quant au peuple, il continuera d'attendre son messie libérateur jusqu'à éternellement.