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Il revient

par El Yazid Dib

Est-il un homme d'Etat, un homme politique ou un simple haut fonctionnaire ? On le dit impopulaire, il acquiesce. On le dit une machine, tout le confirme.

Il est de retour cet enfant austère. Il ne l'est pas dans la parole, ni dans l'aubaine providentielle. S'il était prodigue il ne le serait donc que dans ce débit oblatif qui présidait à tous ses conclaves. Comme l'énigme, le mystère a besoin d'argumenter ses définitions. Ce sont les innombrables questionnements qui peuvent sans toujours réussir tenter seulement de repérer leurs secrets indéchiffrables. Ce retour est-il une estampille cachetée à l'adresse de la personne dans son personnage intrinsèque ou serait-il un signe franc envers tous ses rivaux politiques ? Vient-il comme un sauveur sachant son sens aigu pour les mauvaises annonces populaires ?

Tribun invétéré ; sa langue n'était pas dans sa poche mais son volume se trouvait depuis en position mute. Sa résurrection dans les cimes de la hiérarchie va lui faire redécouvrir tout son atticisme. En termes de papotage, chiffres et loquacité rien ne l'égalerait dans sa posture de premier ministre. Comme il sait user de substrats métaphoriques qu'il condense dans une tournure d'hilarité lénifiante, pour endosser le rôle d'explicateur politique. N'était-ce son sourire facétieux et son minois futé, toute sa communication pâtirait dans l'incrédulité de ses auditeurs. Car son argumentation intégralement consensuelle excite l'incroyance de son assistance. Ses suggestions réveillent les démons assoupis. L'homme restera tout de même un bon gestionnaire s'il arrive à rendre moins opaque l'alphabet de dictée qu'il tente parfois présomptueusement de transcrire. Guettant comme un loup-cervier une proie événementielle, il en fait de l'actualité un menu conforme à ses besoins ou à ceux qu'il tend de défendre. Enfant légitime et avoué du système ; il semble même être à l'origine de sa renaissance répétitive lorsque celui-ci se trouve en phase finale de pénitence. La dualité se posant en termes conflictuels au faîte de l'Etat, allait en faire un enjeu dans la résolution d'un équilibre ayant entamé un peu son parallélisme. Le président recouvrant dans son entièreté le quart qui lui manquait dans l'algèbre présidentiel serait tenté de le réconforter et finit par admettre l'embryon de son futur légataire. Mis à maintes fois en porte-à-faux avec le président, il a toujours su maintenir la case successorale à son avantage. Incarne-t-il à la longue une conclusion systémique en cas de besoin ? Ouyahia serait donc selon certains internautes le résultat compositionnel d'un accommodement tactique. Ouyahia n'est qu'une ambition organisée, mais loin d'être démesurée contrairement bien d'autres personnages qui cultivent l'outrecuidance à merveille et lorgnent des places qu'ils ne peuvent aisément remplir.

Le pays vit une spécificité impuissante à lever les douteux agiotages qui définissent mal un lendemain embrouillé. L'économie souffre à pouvoir se frayer une issue de secours. L'opposition n'arrive plus à voir dans quel registre se cantonner. L'emploi, les jeunes, l'importation, l'enrichissement sans causes, les inégalités sociales, l'effondrement du capital confiance font que le pays est dans l'urgent besoin d'un travail de fond. Un plan de sauvetage qui n'aurait pas tenir compte de l'humeur des uns ou de l'envie des autres.

Sans coup férir il sait encaisser le sort d'une responsabilité à laquelle il ne s'en dérobe pas. Le manque d'hygiène politique n'a pas été sans faire des torts à certains personnels, hier en charges des affaires publiques. Ceux qui n'ont pu, délicatement accepter leur condition, se découvrent aux rebords d'un trouble non identifié ou à la merci d'un incident cardiaque. Le pouvoir en fait, faisant des miracles ne fait pas tout le temps dans la création de gens heureux mais agit aussi dans la production de la tourmente et de la frénésie. Ce pouvoir quelles que soient les mains dans lesquelles il s'anime est capable des pires pathologies lorsqu'il se fait dans le règlement de compte de bas étages. Il y a de ces gens qui se laissent dévorer par leur ego allant jusqu'à sacrifier la sacralité de certains principes qu'ils prenaient pour vertus. Le poste les aveugle, les tourmente jusqu'à refaçonner entièrement leur profonde matrice pourtant initialement généreuse et authentique. Ouyahia dans tout ça a ce savoir de pouvoir différencier entre amitiés et collaboration, mission et devoir, Etat et parti, égalité et anarchie. L'actualité est profondément bouleversée par l'absence d'une grande frange dépendant de la classe politique. Le pouvoir aussi précaire que la saute d'humeur de ses dirigeants ne vacillant plus sur du surplace est arrivé à forger une image de vainqueur précoce et semble être en quête de l homme providentiel.

L'arrivée d'Ouyahia n'est pas un acte simple d'une simple nomination. La présidence, semble-t-il aurait ressenti le besoin d'un superviseur de tous les fragments alliés et aussi d'un fédérateur coriace et concluant. En-est-il apte à relever le défi avec ou sans l'apport de ses détracteurs ? Sa rétribution, voire sa réincarnation ne se projette pas dans l'immédiateté du fait générateur. Il n'est pas venu remplacer Teboune ; il vient suppléer à un gouvernement presque en bout de souffle. C'est là, où toute la complexité de la phase actuelle, portant en soi une transition interne aura à faire éclore le mérite ou le forfait du récipiendaire. Une certitude s'élève à ce niveau, c'est que l'homme va assurément encore amadouer son destin pour en faire un moyen. Apprivoiser la fatalité c'est ne rien laisser au hasard.

L'ancien patron du RND est revenu à ses premières amours. L'action à l'ombre lui sied à merveille et propulse son apprêt à se répandre sine-die à la clarté des grands jours. Fort de ses expériences exécutives Ouyahia est à scruter comme une claudique cardinale, une espèce de boite à pandore du système. Quand l'événement ne l'arrange pas, il sait le rendre positif. Quand la vicissitude brouille ses horizons, il dessine un océan et descend le ciel pour en faire son horizon. Ses dernières déclarations sur la gestion du pays étaient apparemment produites pour dévier le débat sur l'embarras récolté par les urnes lors des dernières législatives. Stoïque sur les angles, l'homme est toujours resté une corrélation fondamentale dans la géométrie du pouvoir.

L'homme s'est de tout temps sanglé dans un costume de démocrate public qu'abrite un burnous innommé et convenablement porté. Il croit parfois qu'il est un centre attractatif alors qu'il s'attriste pour le moindre assaut d?un organe qu'il prend pour tout un pays. Sous quelle étiquette se lance-t-il dans le débat politique ; véritable motif génésiaque à sa réapparition ? La loi de finances 2018, les élections locales, le système des subventions, la reconfiguration économique sont autant de dossiers brulant qu'il s attèlera mettre sous sellette d'un staff obligé à le revoir. En tant que ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la république, il etait en face d'énormes obligations de réserve et il le savait en toute conviction, lui la charpente d'une administration tant décriée et toujours convoyée au front. Il n'etait pas en cette qualité un atome libre dans un cosmos politique infini en manque de frontières. En représentant d'un candidat, il avait une direction de campagne. En militant, il avait les rangs pondérés de son parti. En citoyen il a juste une voix et une carte d'électeur. Mais en intelligence tacticienne avérée il a la puissance x de tout faire en une et unique symbiose. Un mouvement phénoménal indescriptible. L'essentiel chez Ouyahia est une pédagogie, sinon une savante attente. L'offense n'est pas son plat du jour car l'offensive est son menu. Parfois c'est par un mot anecdotique paraissant sans effet que l'on peut fulminer l'autre, voire froisser innocemment toute une ancestralité. Dire un mot irréfléchi, croyant à une distraction de petit copinage et voilà que l'on renforce davantage l'altération de son image et l'on privilégie candidement le mode blagueur à l'orthodoxie gestionnelle. La république n'est pas un espace ludique et la haute fonction publique n'est pas un amusement rigolo. Lui par contre il amadoue ses mots, les humanise s'essayant à ses dépens d'éluder d'égratigner quiconque. Il fait dans la collégialité panégyrique. S'il félicite la personne, il attaque l'anonymat.

De la vue obsessionnelle du pouvoir politique inversement des pouvoirs publics, le pays est encore dans le besoin d'une stabilité. Ce qui fait dire à n'importe quel commentateur pourquoi alors ces pouvoirs publics sont-ils légalement astreints à rendre compte, alors que le pouvoir politique s'entreprend indéfiniment sans égard à l'obligation du compte rendu ? Ouyahia va-t-il moraliser un tant soit peu la parodie qui s'exerce le plus souvent au nom de cette stabilité ? Peut-on par ailleurs réussir un changement potentiel dans une continuité substantielle ? Le changement à prescrire ne s'assimile pas à procéder au remplacement pour un micro son hardware, de ses accessoires externes d'entre claviers, souris, écrans mais l'on doit agir dans son software, l'unité centrale, ses logiciels et ses cartes graphiques. Un travail profond attend le Webmaster. Il ne sera plus question d'énigme, de hasard ou de mystère. Juste un professionnalisme, une conviction.

Teboune malgré un début cafouilleux n'est arrivé qu'à satisfaire une opinion publique en manque de sensation de rupture. On le croyait fort, assuré et rassuré. Il s'est vite consommé tout en consommant avec lui pas mal d'énergie. Il passait pour être un anti oligarque, un baroudeur de sérail mais sans se soucier de la fibre politicienne qui sied à de telles situations. Il est pathétiquement malaisé pour un haut fonctionnaire de croire pouvoir accéder a un statut politique du seul exercice d'un emploi supérieur.