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Un père débouté par la justice belge: Dossier Ghorbal Adam : une affaire d'Etat

par Moncef Wafi

Divorcé par sa femme, à travers khol', la justice donnait un droit de visite à Benasser Ghorbal, le père, les vendredis et samedis de chaque semaine pour voir son enfant, Adam.

Et c'est justement le vendredi 28 août 2015, quand il s'est présenté chez son ex-épouse pour récupérer son fils qu'il comprend que sa vie allait basculer. Du mauvais côté. Ce jour-là, il se présente comme chaque week-end à l'adresse de son ex sans toutefois trouver personne. Benasser Ghorbal apprendra plus tard qu'elle avait quitté le pays le 27 août en direction de Paris. Allant de surprise en surprise, il découvrira, dix jours plus tard, grâce à un avis de recherche posté sur les réseaux sociaux, que son ex-femme a emménagé, en compagnie de son enfant, chez un certain B. Lucien, à Visé, dans la province de Liège, en Belgique. Le père contacte alors une avocate qui dépose, le 15 septembre dernier, un dossier en pénal pour non présentation de l'enfant. Le 17 janvier 2016, la section statut personnel du tribunal d'Oran prononçait la déchéance du droit de garde sur l'enfant Adam et octroie ce droit ainsi que la tutelle légale au père. Le 26 janvier de la même année, la section correctionnelle du tribunal d'Oran condamne la mère à un an de prison ferme avec émission d'un mandat d'arrêt pour non présentation de l'enfant conformément à l'article 327 du code pénal. Fort de ces deux jugements, Benasser se rapproche des services du ministère des Affaires étrangères qui le mettent en contact avec le consulat algérien à Bruxelles. Ce dernier, qui a pris en charge son dossier, l'invitera à se déplacer, le 25 mai dernier, dans la capitale belge pour plaider son affaire devant la justice. Alors qu'il pensait réellement avoir gain de cause et rentrer au pays avec son fils, Benasser est abattu par la décision de la juge belge qui lui signifie la nullité des verdicts de la justice algérienne et le rejet par le tribunal de la Famille de liège de la demande d'exequatur de la décision judiciaire rendue par le tribunal d'Oran. A propos de ce rejet, Benasser estime que la juge belge s'est appuyée sur le fait que l'Algérie n'a pas ratifié ni les conventions de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ni la convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. «Or, il existe bien une convention entre l'Algérie et le Royaume belge concernant l'exequatur des jugements en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 12 juin 1970, ordonnance n° 70-60 du 8 octobre 1970», expliquera-t-il. Quant à l'aspect de l'enlèvement évoqué par la magistrate belge, le père s'interroge sur sa pertinence «alors qu'il n'y a aucun étranger qui a enlevé mon fils. Il s'agit de mon ex-épouse, de mon fils et de moi-même qui sommes tous algériens. Il ne s'agit donc pas d'un jugement d'enlèvement mais d'un jugement de garde d'enfant». Il ajoutera que «l'enlèvement est une infraction pénale et en tant que partie civile, je n'ai aucunement le droit de demander l'extradition. Ceci est du ressort du ministère public et du ministère des Affaires étrangères de mon pays». Concernant la garde, Benasser affirme que « la juge ne peut pas parler de l'ordre privé parce que mon ex est algérienne et non belge». «Il s'agit d'un enfant algérien, de père et de mère algériens. Pour ce qui est du Droit International privé, cela ne me concerne guère étant donné que tous les trois sommes algériens. L'avocat du consulat algérien à Bruxelles explique dans une correspondance que malgré que «nous sommes dans une situation d'enlèvement d'enfant, la juridiction liégeoise invoque l'intérêt supérieur de l'enfant pour justifier le maintien de l'enfant en Belgique avec sa mère». «Ma demande est de donner la formule exécutoire pour un jugement qui a statué dans le problème de la garde de mon fils où il n'y a pas de contradiction avec l'Ordre Public, la preuve est que le Procureur du Roi ne s'est pas opposé tout en respectant les dispositions de l'ordonnance 60-70 du 8 octobre 1970. Ghorbal Benasser estime qu'il est doublement victime : de la décision de la justice belge qui a rejeté l'exequatur du jugement algérien et de cette omission algérienne qui le pénalise lui et tous les Algériens qui pourraient vivre les mêmes mésaventures et qui seraient des centaines dans son cas. «Je suis le papa de Adam. Mon fils a besoin de moi et on ne peut pas priver un enfant de son père. Qu'adviendra-t-il lorsqu'il saura qu'il a été arraché à son père, à ses racines, à son pays ?» Il en appelle aux autorités algériennes pour lui venir en aide. «Je n'ai aucun problème avec le gouvernement belge, il y a ce qu'on appelle une erreur judiciaire de Madame la juge, avec tous mes respects pour la justice belge. Je vais faire appel et je demande l'intervention du gouvernement parce que les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n° 70-60 du 8 octobre 1970 m'imposent une attestation du ministre de la Justice, Garde des sceaux. J'ai besoin de cette attestation sinon ma demande d'appel va être rejetée dans la forme».