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Quid de l'enseignement de la psychologie dans les universités algériennes ? (1ère partie)

par Mohamed-Nadjib Nini*

D'après le Littré : «Psychologue se dit de celui qui connaît intuitivement et empiriquement les sentiments d'autrui. Se dit plus spécialement du clinicien, du thérapeute spécialiste de la psychologie» (Zannier, 2010).

Cette définition concentre, selon Zannier (2010), l'ambiguïté des définitions qui sont données actuellement de la psychologie clinique, et de l'activité du psychologue clinicien». Pour cet auteur, le psychologue clinicien est considéré par certains «comme un praticien qui étudie le fonctionnement psychique sain ou pathologique, pour en donner une définition en termes de capacités, de caractéristiques cognitives ou affectives, ou encore de diagnostic (dans ce dernier cas, il est assimilé à un psychopathologiste).

Pour d'autres, le psychologue clinicien exerce en plus des précédentes, ou exclusivement, des activités de conseil et de psychothérapie (de soutien ou spécifique)».

Zannier conclut qu'en fait, ces définitions partielles ne font que refléter la diversité des fonctions exercées par ces psychologues, dont beaucoup sont spécialisés dans l'une ou l'autre d'entre elles.

Hormis «une solide formation théorique au cours de laquelle le psychologue clinicien est censé avoir reçu les connaissances et habiletés scientifiques propres à la psychologie, à sa pratique professionnelle et au bien-être des personnes de son environnement (pas uniquement ses patients!), le travail du psychologue clinicien va de la prévention et de l'intervention précoce de problèmes mineurs d'ajustement à l'intervention sur des problèmes pour lesquels l'individu a besoin d'être mis en institution. De ce fait, les psychologues cliniciens sont amenés à travailler directement auprès des individus (qu'ils soient des enfants, des adultes ou des personnes âgées) ou des groupes (familles, patients souffrant de psychopathologies similaires...) en utilisant un vaste éventail de méthodes d'évaluation et d'intervention destinées à promouvoir la santé mentale et à diminuer l'inconfort et les difficultés d'adaptation.    Dans la majorité des pratiques, le psychologue clinicien s'insère dans une équipe pluridisciplinaire, auprès d'autres professionnels de la santé (médecins, orthophonistes, ré-éducateurs...), avec l'objectif de définir la condition psychique de ses patients, de proposer en lien avec les autres disciplines, des méthodes de prévention, de soin, de compensation ou de rééducation. Il peut également être amené à participer à la formation d'autres professionnels (médicaux, para-médicaux, d'assistance...) et à la recherche» (Zannier, ibid.). Le travail du psychologue clinicien est d'abord et avant tout «l'évaluation pour déterminer la nature, les causes et les effets potentiels de la détresse personnelle (cela inclue des dysfonctions personnelles, sociales et professionnelles) et des facteurs psychologiques associés aux troubles physiques, comportementaux, émotionnels, nerveux et mentaux. Les procédures d'évaluation peuvent être, par exemple, des entrevues, des évaluations comportementales, l'administration et l'interprétation de tests d'habiletés intellectuelles, d'aptitudes, de traits personnels et d'autres aspects de l'expérience humaine et des comportements ayant trait au trouble » (http://psychologie. psyblogs.net/2011/12/que-fait-le-psychologue-clinicien.html).

Ce travail d'évaluation peut ensuite donner lieu à une intervention destinée «à prévenir, traiter et corriger des conflits émotionnels, des troubles de la personnalité, des psychopathologies et des déficits d'habiletés sous-jacents à la détresse humaine ou à la dysfonction» (http://psychologie. psyblogs. net/2011/12/que-fait-le-psychologue-clinicien.html). Mais qui dit intervention en psychologie, dit aussi psychothérapie. Or, il se trouve que la formation de base des cliniciens n'est pas suffisante pour exercer une psychothérapie spécifique. «En effet, le constat que l'on peut faire c'est reconnaître qu'en l'état actuel des choses, les formations proposées sont très en deçà des attentes même si les psychologues possèdent les connaissances nécessaires pour pratiquer des activités de counselling ou de soutien psychologique» Zannier (op.cit.). La formation de psychothérapeute se trouve donc en dehors des universités. En effet, hormis les pays d'Amérique du Nord, les formations en psychothérapie se font en dehors de l'enseignement académique universitaire. Ces formations sont souvent prises en charge par des institutions privées.

De ce point de vue malheureusement, en Algérie, c'est le no mans land. Il n'y a pratiquement pas de formations proposées. Je veux saluer dans cet article et sur ce point précis les efforts considérables de l'Association pour l'Aide, la Recherche et le Perfectionnement en Psychologie (SARP), pratiquement la seule association à proposer des formations en psychothérapie. Ceci dit, il y a quand même ça et là des initiatives pour pallier ce vide, mais elles restent insuffisantes tant la demande de formation est grande.

Pour bien comprendre la problématique à laquelle est confrontée la formation des psychologues en Algérie, il faut partir d'un petit historique de la formation universitaire en Algérie et bien sûr de la formation des psychologues cliniciens en particulier. Précisons que le but de l'université à toujours été académique, ce n'est qu'avec l'introduction du LMD que les choses ont un petit peu changé avec l'introduction des masters professionnels. Mais, les masters professionnels n'ont pas vraiment répondu à l'attente des psychologues qui se destinent à la pratique psychologiques pour plusieurs raisons que nous évoquerons plus loin.

La formation en psychologie

Il y a quelques années, la licence en psychologie était préparée en quatre années d'études et sanctionnée par la rédaction d'un mémoire de fin d'étude sous la direction d'un enseignant et soutenu devant un jury composé essentiellement d'enseignants en psychologie.

Ces quatre années sont divisées en deux étapes : deux années pour le tronc commun et deux années pour la spécialisation. Au terme des deux années du tronc commun, l'étudiant en psychologie devra choisir une spécialisation entre quatre possibilités qui lui sont offertes. Soit la psychologie clinique, les sciences de l'éducation, la psychologie industrielle ou enfin l'orthophonie.

Au bout de ces quatre années d'étude et une fois le mémoire de fin d'études soutenu, l'étudiant est enfin détenteur d'un diplôme qui est la licence en psychologie qui lui ouvre automatiquement l'accès à la vie professionnelle et même à la pratique psychologique notamment pour les licenciés en psychologie clinique. Cependant, ce savoir acquis au terme de ces quatre années d'études les prépare-t-il réellement à affronter le monde du travail et plus spécifiquement la prise en charge psychologique pour les licenciés en psychologie clinique? ce savoir, cette formation est-elle suffisante pour la formation d'un psychologue ? en un mot sont-ils psychologues pour autant après ces quatre années d'étude ?

Desfarges (1982, p.272) a écrit à propos de cette formation que «l'étudiant reçoit un savoir très éclectique à base de philosophie, de sociologie, de mathématiques, de sciences naturelles, de biologie, de pédagogie, de linguistique, de psychiatrie et actuellement surtout de psychanalyse. De toute cette encyclopédie du savoir, il ne retient que quelques bribes de théories dont il ignore la pratique. Un tel enseignement ne permet, selon lui, de structurer chez l'étudiant ni une pensée, ni une pensée, ni une pratique».

Pour Desfarges (ibid., p.275), dans cette formation «on se soucie d'avantage de la psychologie que des psychologues». Ceci est d'autant plus vrai que ce savoir inculqué, malgré les remaniements dont il est l'objet, à savoir les multiples refontes des programmes, reste totalement coupé de la réalité pratique. Malgré les stages et les sorties sur terrain, l'étudiant ne découvre en fait la réalité de la pratique qu'une fois sorti de l'université. C'est alors qu'il peut mesurer le fossé qui sépare sa formation de ce qui est concrètement attendu de lui.

Comme nous pouvons le constater, avec le système classique, la formation des psychologues cliniciens était surtout académique et très peu «professionnalisante». L'introduction du LMD nous à permis, jusqu'à un certain point, de palier ce manque, notamment avec la venue des LMD professionnels. En effet, dans le cadre du système LMD, il y a deux master : un master académique et un master professionnel. Le master académique prépare l'étudiant à entrer dans le monde de la recherche universitaire et à cet effet, dans l'offre de formation que nous sommes aujourd'hui contraints d'abandonner, nous avons veillé à permettre à l'étudiant à :

- acquérir les compétences d'un chercheur scientifique, indépendamment de son domaine ou sujet spécifique de recherche. Ces compétences répondent à des exigences d'ordre méthodologique, pratique, organisationnel,

- acquérir une formation qui s'articule entre pratique et recherche, et à problématiser les questions rencontrées dans la clinique de terrain,

- former des chercheurs et enseignants-chercheurs destinés à l'enseignement supérieur ou aux organismes publics ou privés de recherche. Compte tenu du fait que ce master est un master recherche. Les enseignements ont surtout été axés sur la méthodologie de la recherche (Méthodes et technique de collecte des données, méthodologie de la recherche, statistiques appliquées aux sciences humaines, traitement informatique des données), en plus de ces unités d'enseignement techniques, il y a des séminaires thématiques au cours desquels l'étudiant est en principe invité à présenter sa problématique, ses hypothèses et sa méthodologie devant ses paires et face à un jury et ce dès le troisième semestre, avant d'arriver à la rédaction de son mémoire et ce pour lui permettre de bien cerner tous les tenants et les aboutissants de son thème de recherche, ce qui facilitera grandement la rédaction de son mémoire. Outre ces enseignements techniques, certains enseignements sont proposés aux étudiants sur des thématiques plus pointues, plus spécialisées qui n'ont pas été abordées en licence et ce afin de permettre à l'étudiant d'avoir une vision plus exhaustive du savoir psychologique surtout pour ceux qui veulent aller vers un doctorat.

A suivre...

*Pr. - Université Constantine2