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Commémoration du 2-Août 1936 / 2 août 2017: Discours de Messali Hadj

par Ali Agouni*

«Cette terre n'est pas à vendre ni à hypothéquer, elle a ses héritiers»

Ca fait quatre-vingt-et-un an que le Congrès musulman a tenu son congrès au stade municipal d'Alger, actuellement El Anasser. Messali Hadj qui s'est opposé énergiquement et férocement au projet élaboré par le gouvernement colonial du Front Populaire dirigé par Violette/Blum qui voulait le rattachement de l'Algérie à la France.

Messali Hadj, qui était en France, a été contacté par Mestoul et la direction du Parti d'Alger pour venir y assister au congrès et déjouer le projet colonial du Front Populaire. Messali Hadj prit le bateau à Marseille, arrive à Alger où l'attendaient Mestoul Mohamed et d'autres militants.

Messali Hadj arrivera au stade El Anasser où se tenait le Congrès musulman. Il fut reçu par le respectueux et grand homme Cheikh Abdelhamid Ben Badis. Messali Hadj prit la parole et s'adressa à une foule de plus de 25.000 Algériens venus de divers régions d'Algérie. Après avoir salué le président Abdelhamid Ben Badis et le peuple algérien, il s'adressa à la foule présent. Il s'écria de toutes ses forces et dénonça le jeu et le projet du gouvernement français et réclama haut et fort l'indépendance totale de l'Algérie puis se baissa et ramassa une poignée de terre et la montra à la face des Algériens en criant: «Cette terre n'est pas à vendre ni à hypothéquer ; elle a ses héritiers qui la défendront et l'Etoile nord-africaine est là présente pour la défendre et la libérer du joug colonial».

Nous sommes pour la création d'un Etat algérien et un parlement algérien élu au suffrage universel sans distinction de race, ni de religion et pour l'indépendance totale de l'Algérie. Les paroles de Messali Hadj soulevèrent un enthousiasme délirant et des applaudissement. Il fut pris sur les épaules des Algériens qui ont défilé tout le long du stade.

Par cette position face au colonialisme, Messali Hadj vient de sauver l'honneur du peuple algérien et, comme l'avais déclaré le président Boudiaf en 1992 à une journaliste algérienne qui lui demandait: est-ce que cette grande révolution du 1er-Novembre 1954 vous l'avez copiée sur la révolution russe de 1917 ou bien sur la révolution française de 1789, le président Boudiaf leva ses deux bras en l'air et répondit que la révolution algérienne du 1er-Novembre n'a pas été copiée, ni importée, la révolution algérienne est née le 2 août 1936 au stade municipal d'Alger, actuellement El Anasser, autour de Messali Hadj.

Le gouvernement colonial a réagi par la dissolution de l'ENA (Etoile nord-africaine). C'est au milieu de nombreux difficultés que Messali Hadj a décidé de créer le 11 mars 1937, le PPA -Parti du Peuple Algérien- pour continuer à organiser le peuple et le mener au combat pour arracher l'indépendance de l'Algérie. C'est là le prologue d'un combat rude et difficile du PPA et Messali pour conduire le peuple algérien à la Révolution. Au cours de cette lutte, Messali Hadj a formé plusieurs générations de militants révolutionnaires à qui il a inculqué l'abnégation, l'esprit de sacrifice et le courage pour le combat et l'espoir.

Le 14 juillet 1937 une grande manifestation organisée par le PPA a eu lieu à Alger avec le drapeau algérien cousu par Mme Messali Hadj, derrière lequel sont massés plus de 30.000 Algériens avec Messali Hadj, Moussaoui Rabah, qui scandaient : Vive l'indépendance totale de l'Algérie ! et chantaient l'hymne national «Fidaou El Djazair» composé par le grand poète Moufdi Zakaria.

En 1937, Messali Hadj est arrêté avec Lahouel Hocine et mis en prison à Barberousse. Ils sont rejoints par Moufdi Zakaria, Mestoul Mohamed, Cherfa Brahim, Khelifa Ben Amar, Gueneneche Mohamed. Tout de suite le parti envoya de France, Filali Abdallah et Kehal Arezki pour diriger le PPA et continuer la lutte pour l'indépendance.

Le 17 avril 1945, la population de Ksar Chellala s'est soulevée contre le colonialisme en organisant des manifestations avec le drapeau algérien en tête en réclamant l'indépendance de l'Algérie et la libération de Messali Hadj.

Après les massacres et les crimes commis contre le peuple algérien le 8 mai 1945 où plus de 45.000 Algériens furent abattus, Messali Hadj et la direction du PPA ont décidé d'organiser un congrès extraordinaire à Zeddine où a été décidée la création de l'OS (Organisation paramilitaire pour préparer la révolution armée et de briser le mur dressé par le colonialisme pour empêcher l'internationalisation du problème algérien).

Le 1er-Novembre 1954 n'est pas arrivé par hasard, il faut le dire et l'histoire est là pour le confirmer. C'est le PPA qui a créé en 1947 l'OS (organisation spéciale qui a été à l'origine du déclenchement de la révolution.

En effet, c'est l'existence du PPA et son organisation armée l'OS qu'il a créé 7 ans avant le 1er-Novembre 1954 qui a permis le déclenchement de la révolution pour l'indépendance, objectif revendiqué depuis 1926 par Messali Hadj autour de l'ENA puis par le PPA en 1937 et par le MTLD à partir de 1947.

Dans les années 1948, Mustapha Ben Mohamed, dit Negro, premier président de l'Assemblée nationale pluraliste, après la constitution de 1989, qui était responsable militaire de l'OS, bras armé du PPA, avant d'être arrêté dans la région d'Alger.

En 1952, suite à la crise au sein du Comité central, il prend position pour Messali Hadj et déclara : «Sans l'offensive de Messali Hadj et la constitution du Comité de Salut public dirigé par Filali Abdallah, Mezrena Ahmed et Moulay Merbah, il n'y aurait pas eu de révolution du 1er-Novembre 1954.

Rappelons que Kehal Arezki est l'un des premiers martyrs du PPA. Il est mort à la prison de Barberousse en avril 1939 et est enterré à Ghenzet (Petite Kabylie).

En 1930, Messali Hadj adressa un mémoire à la Société des Nations dans lequel il dénonce la célébration du centenaire (1830/1930) de l'occupation de l'Algérie et c'est dans la même année qu'il créa le journal (El Oumma) qui fut la voix de l'Etoile Nord-Africaine et du peuple algérien et véhicula la propagande et diffusa le programme de l'ENA en France, en Belgique et en Afrique du Nord. On ne peut pas tromper le peuple algérien qui se souvient des grandes tournées de Messali Hadj qui réclamait l'indépendance totale de l'Algérie avec le drapeau algérien en tête soit en (Kabylie, Boghni, Michelet, Constantinois, Orleansville, Aïn Sefra et ailleurs).

En 1935, Messali Hadj avec Imache Amar et Bedek Mohamed ont participé à Genève (Suisse) à une grande manifestation de l'Ethiopie occupée par l'Italie. Il plaida la cause africaine devant l'assemblée générale de la Société des Nations. En 1946, après les massacres du 8-Mai 1945, il fut envoyé en exil à Bouzaréah. A son retour, le PPA «Parti du Peuple Algérien» tint son premier congrès en 1947 au cours duquel furent créés le MTLD «Mouvement du triomphe des libertés démocratiques», l'OS, l'AFMA et jetés les jalons d'un syndicalisme libre.

Seize mois avant le 1er-Novembre 1954, le 14 juillet 1953, des militants nationalistes du PPA - MTLD participent à une manifestation avec des portraits du père du nationalisme algérien, Messali Hadj (assigné à résidence comme il fut une grande partie de sa vie) avec drapeau algérien qui réclamaient l'indépendance de l'Algérie. La police et les paras tirent sur eux. Six militants martyrs du PPA/MTLD furent abattus et un militant du PCF. Voila comment est arrivée la révolution algérienne !

Melzi Allal, ancien condamné à mort dont le frère, Melzi Chafik, a été exécuté en 1957 à Barberousse, était responsable d'un maquis ALN/MNA dans le Djurdjura.

Il nous a relaté la bataille qu'ils ont livrée aux troupes coloniales dans la région de Ait Oul Hadj (Ben Bouadou) en 1956 où il y a eu plusieurs martyrs tombés au champ d'honneur, et où les troupes coloniales ont eu beaucoup de pertes. Rappelons que ces martyrs n'ont été reconnus et honorés officiellement qu'en 2010, 48 ans après l'indépendance, c'est une injustice !

Arezki Basta ancien responsable du PPA/OS et du mouvement national à la Casbah a déclaré que depuis 1945 à septembre 1955, tout le combat contre le colonialisme a été mené par les jeunes militants du PPA/MTLD. Daho Derbal rappelle les souffrances des militants MNA. «C'est des militants au sens véritable du terme, malgré les machinations qu'ils ont subies, ils sont toujours debout pour la vérité historique».

En ce moment difficile que traverse l'Algérie et le monde arabe, nous rendons un grand hommage à tous les martyrs depuis 1830 à 1962. Le PPA et son président Messali Hadj ont formé, organisé les générations qui ont fait la révolution.

Aujourd'hui, le devoir de mémoire nous interpelle d'écrire la véritable histoire de la révolution algérienne. Il faut une réconciliation nationale entre tous les Algériens et une unité nationale pour faire l'unité de tous.

A ce grand événement national du 2-Août 1936, nous rendons un grand hommage à la mémoire des grands hommes qui ont dit et écrit des vérités historiques sur Messali Hadj et du mouvement national et qui nous ont quittés récemment. Que Dieu leur réserve une place dans son Paradis !

Docteur Rabah Belaid, Lahoual Abdelatif, Boukhrissa, Mahsas Ali, Filali Brahim. Nous appelons à la sagesse, à la clairvoyance et à l'intelligence de nos dirigeants pour œuvrer à la réconciliation de tous les Algériens. Nous appelons à l'unité nationale, à la fraternité entre tous les Algériens et à une justice égale pour tous.

Vive l'Algérie,

Vive la Liberté d'expression,

Vive le 2-Août 1936 et Messali Hadj !

*Ancien Compagnon de Messali Hadj