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Les Incas : le sommet de l'opulence (1ère partie)

par Reda Brixi

Le tintement de l'or et le parfum de cannelle ont fait accomplir aux Espagnols des prodiges d'exploration et de découverte aux pays des Andes.

Une population nantie d'or et d'argent en quantité apparemment inépuisable et des mines qui promettent encore, aussi bien dans la société du XVIe siècle que lors de la conquête espagnole. Un sommet de l'opulence se traduit par l'expression «Vale un Pérou», cela vaut un Pérou (en référence à l'or). Pays qui garde encore ses mystères. De nombreuses légendes parlent de villes disparues. On prétend qu'il se cache dans les Andes une «cité des Césars» dont les édifices sont des murs faits d'or et d'argent. En 1911, l'Américain H. Bingham, explorateur et historien, a découvert la grandiose et fantomatique cité des Incas, sur la crête d'une montagne connue sous le nom de Machu Picchu. En parcourant le chemin des Incas (40 km), faisant face à un mal d'altitude (Le Sorroche), le correspondant du Quotidien a pu revoir à travers les ruines du sentier et de la région montagneuse, tout un imaginaire de vie des antécédentes peuplades telles que: les Chavins, les Paracas, les Mochicas, les Chimus, les Huaris et les Incas.

Les civilisations pré-Incas

Les premiers habitants des Andes chassaient le gibier et pratiquaient la cueillette des plantes sauvages, la pêche et l'agriculture. Les troupeaux de lamas et d'alpagas fournissaient viande et laine, en outre ils utilisaient les lamas comme bêtes de somme.

Vers 2500 avant J.C., les ancêtres des Péruviens et des Mexicains découvrent la culture du maïs qui deviendra la base de l'alimentation de tous les peuples dits Précolombiens. C'est encore au Mexique, il y a moins de 3000 ans, que les Olmèques, lointains devanciers des Mayas et des Aztèques, fondent la première grande civilisation du continent américain. D'autres civilisations se sont épanouies au pied des Andes. Au Pérou, s'installent les Chavins qui étaient d'habiles artisans, les Paracas étaient des tisserands experts et les Mochicas, d'étonnants potiers et dessinateurs, dont les œuvres ont gardé une mystérieuse séduction. Les Chimus vénéraient la déesse Lune. Ces excellents orfèvres bâtiront, vers le XIVe siècle, une capitale : Chan Chan, bien plus étendue que Paris ne l'était à la même époque. Les ruines se dressent de nos jours près de la côte péruvienne mais la plus fascinante de toutes les civilisations précolombiennes demeure celle des Incas, les fondateurs de Cuzco. Hélas, ces grands conquérants eurent à peine un siècle pour faire prospérer leur splendeur avant que l'empire ne soit dévasté par un conquistador sanguinaire : l'Espagnol Pizarro.

Peuple des Andes

Les cimes enneigées et les glaciers enserrent l'horizon au-dessus des hauts plateaux. Les nuages habitent les parages et se livrent à des ballets incessants tout autour de cette chaîne de 7600 km qui va de la Colombie au sud du Chili. Dans cette cordillère des Andes, les humains se sont établis vers 11.000 ans avant J.C. Les ancêtres sont arrivés d'Asie par le Détroit de Behring 40.000 ans avant J.C. Peu à peu ils ont cultivé les haricots et les piments. Le guanaco, la vigogne et le cerf deviennent connu dans les Andes (-7500).

La cordillère

Pourquoi cette appellation ?

Epine dorsale de l'Amérique du Sud, les Andes longent la côte du Pacifique sur plus de 8000 km. Elles sont constituées de chaînes montagneuses étroites : des cordons appelés cordillères en espagnol.

Le grand empire

Qui étaient les Incas et d'où venaient-ils ?

Le grand chef Manco Capac avait été envoyé sur terre par son père Inti, le Soleil, sa femme Mama Occlo, également fille du Soleil et de la Lune. Les Incas se croyaient supérieurs à tous les autres peuples. En réalité ils étaient le dernier maillon d'une longue chaîne de civilisations. Aux débuts du XIIe siècle, les Incas n'étaient qu'une petite tribu, habitant les Andes péruviennes. Au XVe, ils créèrent un grand empire. Plus que 40.000 ils régnèrent sur une population d'environ 12 millions de personnes. Sur les 20 langues pratiquées, la plus importante était le quechua.

Royaume des Incas

L'empire : un monde qui comptait pas moins de 900.000 km carrés de superficie et qui courait de l'Equateur jusqu'au sud du Chili actuel, sur une distance de plus de 4000 km. Une administration entièrement contrôlée par les Incas, une langue officielle, un même style artistique, plus de 12.000 km de route, maintient l'unité de cette mosaïque de peuples et de cultures.

Cuzco fut la capitale du royaume. Ses fondateurs furent Manco Capac et Mama Occlo. La légende dit qu'ils sont partis munis d'un bâton d'or du lac Titicaca. Selon la tradition, à l'endroit où le bâton s'enfoncerait dans le sol, Manco Capac devrait bâtir une nouvelle ville. Ce qui fut fait? L'empire fut créé plus tard vers 1470 par Pachacutec. Dans la région centrale des Andes s'étendent de vastes plateaux à plus de 3000 mètres connus sous le nom de l'Altiplano.

De chaque côté du lac Titicaca vivent les Quechuas dont la plupart sont au Pérou et les Aymaras la Bolivie. Les barques qu'utilisent les Quechuas et les Aymaras s'appellent les « petits chevaux », elles sont faites en tortora, c'est-à-dire de roseaux qui poussent dans le lac. Elles ont de très jolies formes, on dirait un croissant de lune flottant sur l'eau.

L'Indien quechua sait bien, que la montagne est plus forte que lui et qu'elle lui fournira une bonne récolte que si son esprit est satisfait. C'est pourquoi il lui fait régulièrement des offrandes et en particulier des feuilles de coca. Le coca pousse sur le versant amazonien de la cordillère. Les Indiens mâchent les feuilles de coca qui leur donnent de l'énergie, un peu comme le qât au Yémen ou la chemma en Algérie. On offre aussi des dons aux esprits des montagnes qui sont les cimes enneigées. Le troupeau conduit paître sur la puna, cette vaste steppe sans arbres s'étendant sur les hautes montagnes. Là les lamas et l'alpaga paissent l'icha, une herbe en touffes longues.

L'Inca était maître absolu. Ses sujets ne possédaient rien en propriété privée. Mais les familles organisées sous forme de « ayllus » avaient des terres en propriété collective. Elles étaient dirigées par un « caca » qui distribuait les terres suivant les besoins de chacune des familles. (En Algérie, lors de l'autogestion le « caca » était au préambule). Les terres étaient divisées en trois parts. L'une appartenait au Dieu Soleil, et sa récolte était remise chaque année aux prêtres chargés du culte à Cuzco. L'autre était celle de l'Inca, sa production servait à entretenir la noblesse et à en entreposer une partie dans les magasins de l'Etat appelés « tambos » pour subvenir au besoin des armées et des paysans quand les récoltes étaient mauvaises. Enfin la troisième part revenait aux familles productrices.

Les Incas n'utilisaient pas de monnaie. Les paysans payaient un tribut à l'Etat sous forme de travail (construction de canaux, de routes ou de temples) sur les terres de l'Inca et du Dieu Soleil. Ils ne connaissaient pas la roue : ils n'avaient pas de véhicule ni de cheval. En revanche ils disposaient d'un moyen de communication rapide et sûr. Dans chaque «tambos» ou magasin d'Etat, il y avait des jeunes soldats (les Chasquis) qui étaient prêts jour et nuit à porter de toute vitesse de leurs jambes des nouvelles jusqu'au « tambos » suivant, ou attendaient un autre chasqui. Les Incas n'avaient pas non plus d'écriture. Par des recensements ils connaissaient le nombre d'habitants pour chaque région de son empire, les quantités des récoltes et l'importance des troupeaux. Faute d'écriture ils disposaient d'un moyen unique au monde : le quipu. Un ensemble de cordelettes de différentes couleurs liées entre elles et portant des nœuds que l'on peut compter, un peu comme le bouclier chinois. Les couleurs indiquent ce qui était compté, comme les personnes et les animaux, les récoltes ou les batailles, tandis que l'emplacement des nœuds sur la cordelette, ainsi que leur nombre représentaient la quantité pour chacune des catégories.

Les Incas construisaient de longues routes pavées tout au long de la cordillère pour que les armées puissent se rendre à tous les coins, pour que les récoltes soient acheminées vers la capitale et le système de communication soit fluide. Sur les rivières encaissées, ils lancent des ponts suspendus en fibre végétale. Une partie (quarante km) de cette route, appelée « chemin des Incas » existe toujours et permet aux touristes de la parcourir et de s'émerveiller. L'auteur en a bavé, vu son insuffisance cardiaque et autre.

Cuzco : une ville calendrier

La grande place appelée Huaycapata, c'est-à-dire « terrasse de lamentations » est un véritable temple. Toutes les fêtes importantes, coïncidant avec le calendrier religieux et agricole, sont célébrées avec faste. En rejoignant Huaycapata, les quatre grandes routes divisent la cité en quatre secteurs. Chacun correspond à une partie de l'Empire. Chaque secteur de Cuzco est divisé en trois quartiers possédant trois rues principales. Une rue étant associée à une semaine de dix jours, les trente six rues de la cité représentent donc les cinquante deux semaines. Cuzco est une ville calendrier ! La disposition de ses rues, de son palais et de ses temples permet de comprendre en miniature toute l'organisation de l'Empire. Les initiés savent lire dans ce code secret les activités du cycle agricole, les hiérarchies de pouvoirs, rapports sociaux et à l'histoire des Incas.

Des pierres qui pleurent?

Les pierres abandonnées en chemins (glissées sur des rondins de bois), il en reste une encore qui pèse plus de 1 000 tonnes. Les Incas racontent qu'après avoir écrasé des centaines d'hommes, pleurent des larmes de sang. Les colossales constructions des temples ont demandé plus de cinquante années de travail et d'effort.

Les maisons des femmes choisies :

La Coya est la première des femmes. Sœur de l'Inca épouse légitime de l'Empereur qui peut avoir en revanche un nombre illimité de concubines. La Coya joue parfois un rôle important dans la vie du pays. La condition de la femme est dure ; considérées comme de simples choses, elles travaillent sans cesse. Régulièrement des fonctionnaires visitent les villages et classent les filles âgées de 8 à 12 ans en laides et belles. Les premières appelées « filles délaissées » deviennent des épouses et des mères des gens du peuple. Quant aux belles « les acllacumas », elles sont élevées pendant quatre ans dans « la maison des femmes choisies ». Elles apprennent à tisser, à maintenir le feu sacré et préparer la « chicha » (bière locale). Elles deviennent par la suite les concubines de l'Inca, les épouses des nobles ou sont dédiées au Soleil.

Une société très rigide

Au sommet de la société, l'Inca et son épouse « la Coya » règnent sur douze millions de sujets, vient la noblesse de sang reconnue aux boucles d'or prises dans le lobe. Puis la noblesse territoriale, c'est-à-dire les chefs et les grands fonctionnaires qu'on appelle « les curacas»

A suivre...