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Entre liberté et destin, le libre-arbitre conscient et inconscient de l'homme: Une guerre nucléaire entre les USA et la Corée du Nord ? (1ère partie)

par Medjdoub Hamed*

Comment peut-on concevoir notre existence ? Comment peut-on comprendre le sens de notre vie, sans pour autant être philosophe, psychologue, ou adepte du zen ? Quel est cet être en nous qui nous donne ce soi en nous et ce soi du monde qui nous est extérieur ? Certes la philosophie, les religions, les méditations bouddhistes, hindouistes sont à maints égards utiles pour la perception de notre être.

Elles viennent conforter ce que nous savons de nous-mêmes, de notre vécu, de l'itinéraire de notre existence en termes de réussites, d'échecs, d'espoirs. Et tout être humain qui a vécu ces situations, surtout si elles l'ont marqué, ne comprenant pas souvent ce qu'il lui arrive surtout en mal, cherche à se libérer pour regagner la quiétude de son être. Certains diront la quiétude de son âme. Ce faisant, il comprendra mieux son existence, son quotidien.

Pour cet être pensant, il lui arrive de se poser la question: qui est-il ? Il se sait éphémère, il existe, et un jour, il disparaît comme s'il n'a jamais existé. Et tous les hommes sont appelés à subir ce sort. Sortis du néant, nous retournons au néant. Pourquoi ce nous-sommes ? Qu'en est-il de nous ? Qu'est-il ce Je qui pense ? D'autant plus que parfois, nous sommes confrontés à l'absurdité de la vie. Quand nous voyons tant de souffrances qui frappent les humains, des crises économiques, des guerres meurtrières, ou simplement le chômage, la pauvreté, la misère, et au-delà de ce qui ressort de ces situations, nous nous demandons pourquoi cette existence. Ou encore, nous pensons parfois mal cette existence. Comme si elle n'a pas de sens.

Nous ne sommes pas toujours objectifs, pris par nos égoïsmes, souvent nous sommes confrontés à cette pensée qui pense qu'au fond l'égoïste ne se sent pas égoïste, c'est sa nature qui prend le dessus. Ou encore celui qui fait du mal ne se sent pas faire du mal. Aussi, comment nous connaître ? Comment prendre prise de notre existant ? Comprendre nos joies, nos angoisses et apprendre à les maîtriser ? Et c'est important pour notre sérénité intérieure, pour lutter contre les projections des autres, de nos propres problèmes refoulés de l'existence qui remontent à la surface et prennent le pas sur nous. Combien même on est serein, ou paraissons l'être, intérieurement on ne l'est pas et on ne le montre pas. Comment faire pour comprendre ce mal-pensé ? Qui, au fond, quoique l'on dise, est naturel puisqu'il prend en nous, et nous ne pouvions le plus souvent lutter contre. Nous sommes simplement ce que nous sommes, et le monde est ainsi fait.

Pour avoir une première idée de ce Je pensant ou, plus généralement, ce Nous pensant, l'homme est lié intimement à son prochain. Tout individu qu'il est, son existence relève de l'autre, d'autrui, de la société dont il fait partie. Et, en joies ou en déception, au sein de cette société, il s'assume et construit son existant.

L'approche de l'auteur bouddhiste zen belge, Robert Linssen, sur le «Destin et la Liberté»

«Le destin est souvent défini comme l'expression d'une volonté divine réglant les événements futurs d'une façon fatale ou irrésistible. Nous ne perdrons pas notre temps à nous intéresser aux querelles ayant trait au libre arbitre et au déterminisme. Nous préférons examiner directement les aspects pratiques et théoriques de ce que l'on appelle communément «notre destinée» et «notre liberté», écrit Robert Linssen. (1)

«De nombreux penseurs d'Orient nous disent que l'homme peut être maître de «son destin». Diverses écoles de yoga et de nombreux groupements d'entraînement psychologique enseignent des méthodes de méditation de plus en plus variées. Certaines enseignent la concentration, d'autres le développement de la volonté, de l'instinct de puissance, d'autres encore proposent des techniques apportant un certain apaisement du mental et du système nerveux par la répétition de syllabes, sons, mantras.

Quel est le point de vue des Maîtres de l'Eveil concernant ces problèmes ? Ce point de vue peut être résumé de la façon suivante. Il y aurait pour l'être humain deux possibilités de «destin» ou, si nous n'aimons pas ce terme, disons qu'il y aurait deux possibilités de comportement dans la vie.

1. La première possibilité est celle vécue par l'immense majorité du genre humain. Elle consiste en une obéissance totale aux suggestions émanant du «Vieil homme», c'est-à-dire de cet immense réseau de mémoires formant le «moi». Cela se traduit en acte par diverses attitudes très connues: recherche du pouvoir, instinct de domination, recherche de sensation, avidités constantes, conjugaison du verbe «avoir et avoir plus», grandir. A ce niveau, l'homme se croit libre. Pour lui, être libre consiste à faire ce qu'il lui plaît, quand cela lui plaît et ou cela lui plaît. En fait, du point de vue des Maîtres de l'Eveil, cet homme est prisonnier des fantaisies que lui suggère son conscient et surtout son inconscient. Ce conscient et cet inconscient ne sont que mémoire. [...]

Du point de vue des Maîtres de l'Eveil, l'homme n'est que mémoire, physiquement, biologiquement et psychologiquement. Il n'y a donc pas de véritable liberté. Pourquoi ? Parce que toute liberté véritable implique un dépassement de la mécanicité de notre existence. Là où il n'y a qu'habitude, répétition, emprise totale des automatismes de la mémoire, il n'y a pas de liberté. Tout le comportement de l'être humain subit entièrement la pesanteur de la mémoire. Il n'y a pas de création mais expression d'une routine suggérée par le réseau des mémoires formant l'être humain, physiquement et psychologiquement.

En dépit de ce qui vient d'être dit, certains diront qu'ils sont libres parce qu'ils décident eux-mêmes de forger «leur destin» selon des directives qu'ils choisissent et s'imposent de propos délibéré. [...]

Pour ces diverses raisons, répétons-le, les Maîtres de l'Eveil considèrent que le comportement de l'homme dit «normal» ne comporte ni n'exprime aucune liberté réelle.

2. La seconde possibilité de comportement dans la vie, envisagée par les Maîtres de l'Eveil, est très différente. Elle a pour début une prise de conscience approfondie du caractère mécanique de nos opérations mentales et, en général, de la mécanicité de notre comportement. Cette prise de conscience révèle l'ampleur de l'action des mémoires du passé sur le présent. Elle révèle également le caractère illusoire et artificiel de la conscience égoïste qui nous est familière.

En fait, dans la seconde possibilité, le «moi» est dissous. Cette attitude est définie par diverses expressions suivant les auteurs. Pour Krishnamurti, par exemple, ce sera «la passivité créatrice», ou encore «la lucidité sans choix». Les anciens taoïstes conseillaient de «laisser l'Empire du Réel être Sa propre loi en nous». Tout le mysticisme chinois du taoïsme ou du Ch'an se résume dans la notion du «Wei Wu Wei». La traduction française pourrait être faite de la façon suivante: «agir sans faire». Mais attention ici ! Cet «agir» n'est plus le résultat des suggestions du «moi», il n'émane plus de la constellation énorme de mémoire. Cet «agir» est le mouvement pur de la Réalité Suprême. A ce niveau, les mots sont des pièges car ils tendent à nous suggérer des images qui sont précisément empruntées au réseau de mémoires dont il est nécessaire de nous affranchir. [...]

L'histoire de l'Univers serait celle d'une énorme symphonie formée de milliards de notes. Le déroulement de cette symphonie ne résulterait pas d'un calcul ni d'un projet. Ce sont là des concepts inadéquats et des projections anthropomorphiques. Il s'agirait plutôt d'un jeu, sorte de Jeu Cosmique évoqué par le terme sanscrit «Lila». Nous trouvons ici un climat de liberté, de gratuité, de création, de non-mécanicité, de non temporalité. Chacun de nous possède un son unique, spécifique au cœur de l'immense symphonie. [...]

Il existe deux façons de faire résonner le caractère unique de la note que chacun de nous occupe dans la Grande Symphonie. Une mauvaise façon et une bonne. La mauvaise est celle que vit l'immense majorité du genre humain. Elle consiste en une identification complète aux mémoires accumulées. Cette identification conduit à des conflits, de la violence, de l'avidité. Chacun l'exprime à sa façon d'une manière particulière. Mais il s'agit de toute évidence d'une situation conflictuelle.

La bonne façon de faire résonner le son unique de la note que nous sommes consiste à laisser œuvrer en nous librement la Réalité Suprême. Donnons-lui le nom que nous voulons. Nommons-la l'énergie pure, ou la substance, ou le Vide. Elle est au-delà de tous les noms et de toutes les catégories. C'est alors que se révèle à nous un aspect inconnu de l'Amour.

Mais ce terme doit être dégagé des automatismes qu'il nous suggère. Il s'agit plus exactement de «l'Amour état d'Etre». A ce niveau certains malentendus peuvent se présenter. Ils constituent à certains égards un danger pour ceux qui se seraient engagés uniquement dans ce que l'on appelle en Inde le Bhakti Yoga, le Yoga de la dévotion et de l'amour. [...]

Nous nous trouvons ici devant une situation qui dépend de ce que les Orientaux appellent le «Karma». Le problème de la liberté et du destin ne peut être traité sans envisager sommairement le fameux processus du karma. Celui-ci est différent pour chaque être humain mais il se trouve intimement lié à un karma collectif dont les origines sont très anciennes.

La loi de karma est celle de la cause et de l'effet. Elle est régie par un processus mécanique de causalité mais elle a pris naissance dès la formation d'un univers, dès les premières interactions entre les constituants ultimes de la matière. Nous en sommes tous l'aboutissement et la concrétisation.

Nous savons actuellement que tout a été retenu, que rien n'a été oublié dans l'immense réseau de milliards de mémoires qui s'est tissé depuis l'origine de l'univers jusqu'à l'homme.

Mais chaque être humain possède un caractère unique. Cette singularité résulte d'événements, d'actes qui ont illustré sa vie propre ou ses vies antérieures (pour ceux qui croient à la réincarnation). Mais cette unicité et cette singularité sont englobées dans l'immense réseau de mémoires et de causes à effets illustrant l'histoire d'un univers. Telles sont les raisons pour lesquelles les Eveillés qui sont libérés psychologiquement de l'identification à leur «moi» n'ont pas tous les mêmes incidents, le même karma.

La seule façon de résoudre adéquatement le problème du karma collectif dans ses rapports avec le karma personnel consiste à pratiquer un yoga véritablement intégral. Celui-ci implique sur le plan spirituel ou psychologique une disponibilité parfaite mais sur le plan physique un exercice intensif du corps. [...]

Mais n'oublions cependant pas qu'aussi longtemps qu'un corps physique existe, ce corps comporte des lois, des automatismes qu'il faut respecter tout en ne laissant pas ces automatismes s'étendre sur le plan spirituel profond. C'est en cela que réside la difficulté expérimentale. Ainsi que l'exprimait Carlo Suarès dans sa «Comédie psychologique» «sur les ruines de l'entité qui s'écroule, une autre entité est toujours prête à se reconstruire».

Les principales instances psychiques qui conduisent l'homme dans son existence

Comment comprendre l'approche du Dr Robert Linssen sur le problème de la liberté et du destin ? Il énonce deux possibilités de comportement, celle de l'immense majorité du genre humain qui doit une obéissance totale aux suggestions du «Vieil homme», celui-ci défini comme un immense réseau de mémoires formant le moi de chaque être humain. On peut comprendre que l'homme non seulement n'a pas de liberté réelle, de liberté propre qui émane de lui, mais qu'il ne s'est pas choisi pour être, qu'il est simplement, qu'il existe dans le monde.

Cependant, l'homme s'affirme en tant qu'existant dans la vie. Parce qu'il se sait un être libre, faire ce qui lui plaît, accomplir ses désirs sans obstacle ni contrainte. Et cette liberté se confond avec son libre-arbitre qu'il a en pleine conscience. Mais s'il est libre dans ses choix, il demeure que ses choix sont aussi conditionnés par le choix de ses semblables. Le libre-arbitre ou liberté personnelle (le je, l'ego) passe alors à la liberté avec les autres (lui, il n'y a plus de je libre), où le je se dissout dans la liberté collective. L'homme n'est plus seul, le libre arbitre de chaque homme entre en contact avec celui des autres. C'est pour cela que l'on énonce libre-arbitre et liberté de l'homme. La liberté de l'un se termine là où commence celle des autres. Mais il demeure que la liberté relève toujours du libre-arbitre qui, s'il n'est pas canalisé, qu'il empiète sur le libre-arbitre de l'autre, peut déboucher sur un conflit.

Mais cette croyance à son libre-arbitre, à son ego, l'homme la doit à sa pensée, et cette pensée, dont il ne sait rien sinon qu'il pense, lui est donnée aussi. Aussi peut-on s'interroger et cela est primordial pour la compréhension du sens de la liberté de l'homme. L'homme pense-t-il sa pensée puisque celle-ci lui est donnée ? Où est-ce que la pensée pense en lui ? Ce qui est une possibilité. Pour être rationnel, il faut poser les deux cas possibles. Il est évident que dans la vie réelle, l'homme ne se sent pas être pensé par sa pensée, mais il se sent penser cette pensée. Et heureusement pour l'homme et son existence, car s'il avait pensé ou plutôt s'était pensé que sa pensée pensait en lui, c'est toute son existence qui serait bouleversée. Il pourrait n'avoir pas prise sur la réalité, devenant un simple instrument, un objet de sa pensée. D'où le doute permanent de son être. Précisément, il pense sans qu'il ait besoin de savoir qu'une pensée pense en lui, et que cette pensée qui est à lui, sa propre pensée, lui permet de prendre connaissance du monde, d'exister dans son existant.

Dès lors, cette croyance qu'il pense sa pensée est essentielle dans la prise de son être sur l'existence, qui lui est aussi donnée pour qu'il puisse croire qu'il pense, et par conséquent, use de son libre-arbitre dont il est conscient. Parce qu'il a conscience de son libre choix sur les choses, comme sur sa libre faculté de juger de tout ce qui a trait à son existence, aux événements qui lui arrivent dans sa vie, ou encore sa faculté de vouloir, et tant d'autres choses qu'on ne peut étaler mais aussi ce qu'il subit en retour, comme amour, désamour (refus de lui ou de l'autre qui entraîne espoir ou désespoir), sens de la vie, peur, angoisse de la vie, pauvreté psychique ou physique, richesse, santé, ambition, réussite, aspiration à un mieux vivre, sa place dans l'échelle sociale, le destin qu'il n'a pas choisi, etc. Il est donc tout par ce qui lui arrive un être pensant et agissant. Et tout est insufflé en et par sa conscience. Ce qui veut dire que la conscience est le réceptacle de toutes ces facultés, s'érigeant presque en instance humaine suprême qui lui fait connaître sa propre réalité et aussi la réalité du monde.

Un homme qui perd conscience, i.e. s'évanouit, perd aussitôt connaissance de lui-même et du monde. Sa conscience apparaît une instance suprême dans ce sentir vivre, se sentir exister, se sentir les choses. Elle lui donne ce sentiment d'exister, cette sensation d'être, ce sentiment de vouloir ou de ne pas vouloir, de n'être pas là pour simplement être là. Que la vie lui est donnée pour prendre de cette vie, réussir ce pourquoi il est, et peu importe ce qu'il pourrait entreprendre puisqu'il doit entreprendre. Et à cette conscience se superpose l'inconscient qui n'est pas conscient. Là encore, depuis que la psychologie des profondeurs a fait ressortir l'inconscient, l'homme par intuition peut penser qu'en fait, il puise tout de cet inconscient dont il ne peut limiter le pouvoir ni l'étendue. Il le fait par intuition, une faculté qui ressort aussi de sa conscience, qui lui est donnée.

Une connaissance qui fait irruption dans la conscience sans qu'il ne sache comment.

A Suivre...

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective.

Notes :

1. «Robert Linssen : Destin et Liberté» le 25 Juillet 2008

http://www.revue3emillenaire.com/blog/destin-et-libert-par-robert-linssen/