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Sécurité routière: Alger, capitale de l'incivisme

par Z. Mehdaoui

Pourquoi l'Algérien ne respecte-t-il pas la loi ? Pourquoi les automobilistes algériens dans la leur majorité trouvent un malin plaisir à transgresser le code de la route, parfois au mépris de leur vie et de la vie des autres ?

Combien de vies humaines ont été fauchées pour cause d'actes irréfléchis de certains conducteurs à l'origine de véritables hécatombes sur nos routes ?

Pourquoi y'a-t-il autant de fous au volant et autant de morts sur les routes alors que le législateur a durci la loi pour faire face aux contrevenants ?

Autoroute Dar El-Beida, en ce début juillet. La journée est radieuse. Soleil et brise de mer sont au rendez-vous, comme c'est le cas en cette période de l'année, depuis que Dieu a créé cette Terre.

Ce tronçon autoroutier est devenu un plaisir pour les yeux depuis que les autorités ont inauguré La «Promenade des Sablettes», un espace de loisirs et de détente, planté ente la mer et l'autoroute est d'Alger et où une nouvelle grande roue de quarante mètres de hauteur est visible à des kilomètres à la ronde.

C'est un lieu de détente et de villégiature pour les milliers de familles qui habitent l'est de la capitale, peuplé principalement de quartiers populaires.

Avec la construction de la Grande mosquée d'Alger, qui commence à prendre forme, ce tronçon sera probablement l'un des plus emprunté de tout le pays. Mais tout ce paysage, ces images idylliques, sont noircis par la circulation automobile. Les bouchons sont fréquents. On a l'impression que c'est l'heure de pointe toute la journée. La raison, il y'a bien évidemment la hausse du parc automobile. Pour se rendre à Alger Centre, les automobilistes qui habitent l'est de la capitale mais également l'est du pays doivent emprunter cette route.

Mais ce n'est pas la seule raison. L'incivisme et le non respect du code de la route sont en grande partie la cause directe des bouchons qui deviennent un vrai calvaire en particulier les premières heures de la matinée.

Il faut à peine un quart d'heure pour faire Bab Ezzouar et Alger Centre sur 15 km, un vendredi matin (jour férié) et une heure et demie les autres jours de la semaine. Agressifs, toujours sur les dents, le comportement des conducteurs de véhicules devient de plus en plus dangereux sur ce tronçon autoroutier qui devait pourtant constituer une bouffée d'oxygène, du fait du décor, des palmiers, de la pelouse, des fleurs plantées tout au long des glissières de sécurité.

Les queues de poisson, les arrêts intempestifs sur la bande d'arrêt d'urgence, la circulation sur la voie gauche à une vitesse très inférieure à celle limitée par les plaques, manœuvres dangereuses, tentatives de faire marche arrière pour avoir raté une brettelle ou une sortie, sont monnaie courante. Le comportement de certains conducteurs est tel que parfois ils refusent même de céder le passage aux véhicules de police ou, pire encore, aux ambulances gyrophares allumés. Le comportement de certains automobilistes relève de la psychanalyse, voire de la psychiatrie !

Un policier derrière chaque Algérien ?

Il existe à Alger 18.000 policiers pour veiller à la sécurité du citoyen. Chaque daïra dispose de son propre SSP (Service de sécurité publique). L'état-major de la police est implanté à Bab Ezzouar à l'est d'Alger. L'état-major, dispose d'une brigade radar, une brigade de sécurité routière, une brigade sabots, une unité de motards et une autre unité d'intervention rapide chargée des escortes ou des interventions rapides. Tous ces services travaillent de jour comme de nuit, sans répit et souvent en concertation avec le commandement du centre des caméras, implanté quant à lui sur les hauteurs de la capitale.

Le centre de contrôle et de commandement, qui gère les caméras de télésurveillance exploitées par la DGSN, est composé de huit salles. Salle des événements majeurs, salle de prise de décision, salle des caméras déportées, salle de sécurité publique et trafic routier, salle de suivi des événements, dont la signalisation des objets suspects (engins explosifs notamment) et les «regroupements non autorisés». Le centre est un acquis technologique important pour les services de sécurité. Plusieurs affaires liées aux infractions et délits routiers, à la criminalité et même au terrorisme ont été éludées grâce à ce centre dont les yeux ne ferment jamais.

Les études des projets d'installation du même système de télésurveillance à Béjaïa, Bordj Bou-Arréridj, Mascara, Tissemsilt, Tiaret, Annaba, Relizane et Sétif, sont par ailleurs achevées. Il semblerait qu'à terme c'est tout le pays qui sera doté du même système de télésurveillance pour faire face à la nouvelle donne en termes d'infraction ou de criminalité. La DGSN s'est considérablement développée et cela a commencé du temps de feu Ali Tounsi. La même impulsion est maintenue par l'actuel patron de la police, le général-major Abdelghani Hamel. Le siège d'Afripol (Interpol africaine) ne serait jamais concédé à Alger sans ce travail de modernisation de la police algérienne, devenue la première en Afrique et dans le monde arabe, selon des experts de l'Organisation internationale de la police (Interpol).

Pour revenir un peu à la sécurité routière dans la capitale, c'est un travail de titan qu'effectuent quotidiennement les policiers. Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus à l'état-major de Bab-Ezzouar où nous fumes reçus par le lieutenant Ahbab Mehdi, chef de bureau du service communication et relations publiques. Selon lui la police a procédé au retrait de permis de conduire de plus de 17.000 personnes rien que durant les 5 premiers mois de l'année 2017. Pour ce qui est du stationnement gênant dans les rues de la capitale, devenu une véritable plaie, le lieutenant affirme que les brigades de sabots n'arrêtent. D'après le responsable du bureau de communication et des relations publiques, tout véhicule en situation irrégulière est immédiatement immobilisé et verbalisé par les agents de la police. Les véhicules suspects ou qui gênent la circulation automobile sont carrément embarqués par les camions de la police et immobilisés aux fourrières. Une contravention de 6.000 DA est adressée aux propriétaires des véhicules embarquées, soit le triple de la contravention pour stationnement interdit. Notre interlocuteur souligne qu'en plus de la mise en fourrière, les permis de conduire sont systématiquement envoyés à la daïra de résidence des contrevenants pour passer devant une commission qui statuera sur chaque cas. Il faut savoir qu'à Alger, par manque de parkings, des milliers de véhicules sillonnent les quartiers toute la journée pour trouver une place de stationnement, peu importe l'endroit. C'est ainsi qu'on retrouve souvent des véhicules garés devant ou derrière d'autres voitures immobilisées par des sabots. Certains automobilistes, par expérience, savent exactement le temps que fera un véhicule de police pour revenir dans le lieu où sont immobilisés les voitures ce qui leur laissent le temps de se garer, même s'il gênent la circulation. C'est une sorte de jeu de chat et de la souris auquel s'adonnent ces automobilistes avec la police. Nous avons justement accompagné, durant une heure, l'une de ces brigades chargés de mettre des sabots aux contrevenants. A la vue de la camionnette de la police, les automobilistes en stationnement interdit quittent rapidement les lieux. Pour les moins chanceux, comme c'est le cas à la rue Aissat Idir, juste à côté du siège de l'UGTA, les voitures sont systématiquement immobilisées par des sabots car les propriétaires étaient absents. Mais ce qui est extraordinaire, c'est la verve débordante de certains automobilistes lorsqu'ils sont pris en flagrant délit d'infraction. C'est le cas d'un chauffeur de taxi qui a refusé de prendre par le rond-point et a emprunté un chemin interdit à la place du 1er-Mai (ex Champs de manœuvres) puis a tenté de faire croire aux policiers que son véhicule chauffait alors qu'il était neuf. Des excuses parfois abracadabrantes sont fournies par certains automobilistes pour échapper à la contravention ou au retrait de permis.

Des milliers de motos sans carte grise à Alger

Très souvent les policiers ne verbalisent pas et se contentent d'expliquer et de sensibiliser le contrevenant. Car si les services de sécurité appliquaient rigoureusement la loi il n y'aurait pas assez de fourrières pour parquer les véhicules. Nous avons justement visité l'une des fourrières au niveau du 1er -Mai. Paradoxalement cette fourrière n'est pas remplie de voitures mais de motos. Selon le responsable des lieux, 1.100 motos sont mises en fourrière. Dans leur quasi-totalité, les contrevenants ont tous une similitude, ils ne disposent pas de documents de circulation. C'est ainsi que nous apprenons que les concessionnaires vendent ces motos et motocycles sans carte grise ni aucun document officiel sauf, peut-être, le bon de livraison. Ces concessionnaires, pourtant agréés, sont dans l'illégalité la plus totale. Comment en effet, exercer une activité commerciale telle que la vente de motos sans papiers? Comment sont importées ces motos ? Mais cela est une autre histoire. Retour à Bab Ezzouar, en compagnie du lieutenant et de son adjoint. Sur l'autoroute dans le sens de Dar El-Beida, du côté de Hussein Dey, un homme traverse à pied l'autoroute. Il a failli être écrasé par un automobiliste. L'adjoint du lieutenant prend le téléphone pour signaler au central la présence de l'homme en question qui risque de perdre la vie et peut-être aussi d'être la cause d'un tragique accident de la circulation. Les policiers sont souvent obligés d'être sur tous les fronts. Parfois ils sont confrontés à des situations qui ne relèvent pas de leurs prérogatives mais sont obligés d'assumer et d'affronter ces problèmes pour honorer l'uniforme qu'ils portent.