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Fertiliser la recherche-développement et promouvoir l'innovation innovante ou le souci de l'école intelligente (1ère partie)

par Chaïb Aïssa-Khaled *

Alors que le monde d'aujourd'hui vit une explosion de savoirs porteurs de fantastiques avancées scientifiques, en Algérie, tout laisse à croire qu'on lui tourne le dos. Effectivement, plutôt qu'agir, la confrérie préfère discourir. Elle persiste à croire que la richesse est exclusivement dans la manne pétrolière. Produire des technologies innovantes et permettre à l'Algérie de jouer dans la cour des grands semble être le benjamin de ses soucis. Pourtant, jouer dans la cour des grands et embrayer sur le processus de son épanouissement social et économique est la condition sine qua non pour ne pas disparaître.

Devenir un partenaire avec lequel il faut compter dans le concert ders nations n'est pas une mince affaire de politique mais celle d'une ECOLE INTELLIGENTE, force motrice du développement durable, de cette école qui jouera un rôle crucial dans la mise en valeur des potentialités de la ressource humaine nationale pour qu'elle soit capable de prendre part au cursus honorum, participer activement mais efficacement au développement des savoirs et des savoir-faire (now how), et s'investir dans la recherche-développement génératrice d'innovations innovantes.

La triade Education-Instruction-Développement durable, nord magnétique de l'Ecole intelligente

Les concepts «éducation», «instruction» et «formation» sont inévitablement associés au concept «développement» qui, lui, supplante les concepts «progrès» et «civilisation», parce qu'il est la finalité qui inspire toutes les activités de la société humaine.

Etant la combinaison de deux processus irréductibles, «la croissance économique» et «l'évolution culturelle», étant aussi la représentation concrète du processus évolutif des mutations sociales dues aux avancées scientifiques, techniques, économiques et culturelles et l'aboutissement de chaque étape de cette combinaison, le développement durable est cet ordre naturel des évènements civilisationnels qui s'impose tel un destin. Il s'inscrit alors comme la finalité qui anime toutes les activités de la société humaine postindustrielle. Son accomplissement nécessite donc la mobilisation de toutes les potentialités dont elle dispose autour d'un projet éducatif et culturel apte à donner un sens positif au processus de la croissance civilisationnelle.

Le mot d'ordre «la formation, ce rapport éducation/instruction, au service du développement durable» ne peut que souligner l'importance et la légitimité de la «Révolution civilisationnelle mondiale», cette explosion du savoir pour agir, pour triompher dans la compétition et pour se maintenir sur la voie du progrès et qui devra inspirer les hommes à entretenir entre eux des rapports fondés sur la coopération et non sur la rivalité.

L'interdépendance et la complémentarité de l'éducation, de l'instruction et du développement durable étant affichées en ce troisième millénaire plus qu'hier, comme un inéluctable pour le mieux-être de la société humaine postindustrielle, l'école intelligente préparera le citoyen algérien à se ressourcer de mieux en mieux, dans une recherche-développement qu'il érigera en amorce d'innovations innovantes.

La triade Education-Instruction-Développement durable, fondant de plus en plus le fonctionnement d'une société humaine soucieuse de l'amélioration continue de son relief civilisationnel, elle doit en être son pôle d'excellence si celle-ci veut ajuster le dispositif autour duquel s'articule son complexe civilisationnel aux impératifs nouveaux qui s'annoncent de jour en jour.

A propos de recherche-développement

Elle est une entreprise de remise en cause de la perspicacité du complexe civilisationnel atteint pour l'améliorer, (en affinant les résultats des recherches fondamentale et appliquée), ou, à la limite, une tentative d'ajustement de ce complexe à des impératifs nouveaux. Les défis concrets (immédiatement perceptibles) qu'elle est appelée à relever ne peuvent qu'être conformes aux objectifs tant immédiats que lointains qui inspirent le développement durable.

La recherche-développement ne peut donc se limiter à une planification conjoncturelle de la promotion de l'innovation ou ne se soucier que de la seule résolution de situations-problèmes occasionnelles. Elle devra s'élargir à une planification stratégique de celle-ci pour en faire une innovation innovante. Débanalisant le débat, elle définira des modèles de référence de mieux en mieux aptes à baliser les voies au mieux-être social escompté. Cela suppose des réajustements dans le choix des objectifs-développements.

A propos d'innovation innovante

L'innovation innovante résultant des efforts intellectuels visant à modifier fondamentalement un process de développement, un savoir-faire, en vue d'élaborer sa qualité, elle est une de chaque étape de la chaîne recherche-développement, cette conjonction qui matérialise la volonté de pénétrer les secrets de la nature pour les dompter et la volonté de les domestiquer pour créer à des fins utiles. Etant ce moment où l'effort intellectuel évolue de la réflexion vers la création, elle contribue directement et manifestement à l'évolution civilisationnelle* de l'humanité. Elle offre donc à l'avenir commun aux hommes des possibilités de s'épanouir. Animant la stratégie qui régit chaque accomplissement escompté du processus de développement des nations, elle a pour mission d'optimiser l'efficacité de l'action recherche-développement.

*Evolution civilisationnelle : croissance culturelle, économique et sociale.

Fertilisant la recherche-développement, l'école intelligente promouvra l'innovation innovante

Une constante espérance de progrès alliée à la volonté de dompter et de domestiquer les contraintes qui s'opposent à l'aboutissement du développement durable, motivent l'aspiration des hommes pour une qualité de civilisation meilleure. La recherche-développement étant cet instrument qui leur permet de réaliser leurs desseins civilisationnels, elle puisera son inspiration dans ce qui pourra susciter leurs intérêts et mobiliser leurs imaginations, dans ce qui pourra les aider à vectorialiser le pouvoir qu'ils devront avoir sur l'univers pour l'assujettir à leurs nobles idéaux. Elle les incitera ainsi à optimiser la souplesse de leurs compétences générales et la fonctionnalité de leurs qualifications spécialisées afin qu'elles leur permettent de créer des coefficients de confort dont ils auront besoin pour s'assurer une meilleure adaptation aux circonstances.

En s'associant dans leurs fonctions de théoriser le processus par lequel la recherche-fondamentale s'accomplit dans la recherche appliquée, la recherche-développement et l'innovation se solidarisent pour dynamiser et vitaliser la croissance civilisationnelle humaine. Il appartiendra alors à l'école intelligente de fertiliser l'une en faisant de l'autre la matrice où seront fécondées les valeurs qui iront grossir le patrimoine culturel national en matière de savoir de nécessité* et dans lequel les hommes puiseront pour satisfaire aux impératifs de leur modernisation.

*Savoir de «nécessité : c'est une culture de nécessité, un capital de savoir créatif de savoir-faire et savoir-être.

Fertiliser la recherche-développement pour promouvoir l'innovation, ce sera donc embrayer sur une recherche scientifique innovante qui assurera une amélioration de mieux en mieux éprouvée de la qualité de la vie. Ce sera aussi remettre en cause la pertinence des compétences générales acquises et celle des qualifications spécialisées disponibles et animer des inquiétudes pour que la société algérienne ne se réserve plus à consommer des solutions toutes faites et ne se complaise dans une situation d'assistée.

Ce sera également traditionnaliser la nécessité de réagir aux évènements. Cependant et bien que la nécessité de réagir aux évènements soit le signe d'une certaine perspicacité de l'esprit à les gérer, celui-ci ne pourra être nanti d'une perspicacité certaine que s'il sera entraîné à développer des solutions adaptées à ses préoccupations.

Il est communément admis que dans la promotion de la recherche-développement et par implication dans celle de l'innovation innovante, tout est affaire de volonté et de prédisposition de l'environnement socioculturel et politico-administratif algérien à emboîter le pas aux nations qui évoluent dans «la cour des grands».

Cela dit, l'Algérie doit donc être en mesure de gérer les contraintes que lui fait subir la croissance civilisationnelle mondiale et de réaliser son intégration au dispositif des valeurs qui font la renaissance, pour pouvoir amorcer le troisième millénaire d'un pas ferme mais avec circonspection, avec une méthode adaptée. A cet effet, elle s'inspirera de ce qui se réalise ailleurs comme progrès mais elle se gardera d'en dépendre parce qu'elle cessera d'exister. Elle n'en fera pas un «prêt à être consommé» parce qu'elle se limitera à consommer la civilisation de «l'autre» et s'enlisera inévitablement dans l'assistanat, cette perversion qui ne lui laissera même pas l'occasion de s'horrifier de la douleur de l'oppression. Elle s'en inspirera juste pour améliorer son complexe de recherche-développement et pour le mettre en phase avec ses préoccupations. Autrement dit et bien que le transfert de l'innovation soit nécessaire à son évolution civilisationnelle, elle n'en fera qu'un modèle global auquel elle se référera pour sélectionner les repères susceptibles d'animer et de baliser sa démarche évolutionnelle, en ne perdant pas de vue ses contraintes, ses ressources et ses priorités.

Cependant, il ne faut pas se leurrer. Le développement durable qui doit être à la fois autonome et dépendant de l'innovation transférée parce que l'autonomie a ses limites et ne saurait être absolue et la dépendance de l'innovation transférée qu'elle soit sous forme de conseils, d'informations ou d'incitation d'un type ou d'un autre, elle reste une intervention qui, même si elle se borne à répondre scrupuleusement aux besoins exprimés ou se réserve à de simples directives, elle ne permet pas l'appropriation d'une part de l'effort consenti à sa mise en valeur parce que garrottée par des susceptibilités (leadership), et des égoïsmes politiques.

Il est, par conséquent, tout à fait clair que dans la promotion du développement durable, le compter sur soi reste la meilleure solution et l'unique condition pour qu'une nation se fasse et accomplisse son idéal, se mêler au monde sans gêne et sans complexe et gérer le tumulte de la modernité, sans erreur et sans illusions.

De toutes les façons, l'Algérie doit s'amarrer au conformisme qu'impose de facto le troisième millénaire, en embrayant sur le processus du développement durable qui ne sera pas uniquement économique mais où s'entremêleront l'économique, le culturel et le social. Cela ne pourra se réaliser qu'au moyen de cette école intelligente dont la finalité adhère pleinement à la nécessité de «déscléroser» l'enseignement afin qu'il ne se marginalise et ne devienne cet espèce de «ghetto» du révolu et afin qu'il structure dans l'esprit des attitudes novatrices, notamment l'instinct de rechercher pour découvrir et le besoin d'innover. Il lui importe donc, si elle refuse de demeurer à la remorque de «l'autre», de déclasser la mythologie des solutions recommandées et de rechercher ses propres solutions aux contraintes qui l'assiègent.

Mettant à l'index l'artificialité par laquelle se distingue, de nos jours et chez-nous, la recherche-développement, l'école intelligente se propose de définir, par l'entremise de l'Institut national de recherche en éducation, une stratégie concurrentielle et promotrice de l'innovation pédagogique en quête de progrès de mieux en mieux accomplis dans la gestion de la mission éducative et dans celle de l'acte pédagogique. Dans cette perspective, elle ne se contentera pas de renforcer les changements anciens parce qu'ils sont en contradiction avec les préoccupations de la société et non conformes aux repères, sans cesse actualisés, définis par le nouvel ordre civilisationnel mondial articulé sur la logique de l'épanouissement social qui, lui, se conjugue dans la nécessité d'innover, dans le culte du savoir.

A suivre...

*Directeur de l'Education - Professeur-Chercheur INRE - Ecrivain. (Auteur de 12 ouvrages. (Histoire immédiate d'Algérie et Pédagogie)