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France : le président Macron a tous les pouvoirs

par Pierre Morville

Pour mener à bien son programme, Emmanuel Macron disposera tout au long de son quinquennat, d'une très large majorité parlementaire : 351 sièges alors que la majorité absolue en réclame 289.

Emmanuel Macron a donc largement remporté son pari. Le jeune président français (39ans) a donc fait de sa toute neuve formation politique, la « République en marche », « ni droite, ni gauche » de très loin le premier parti de France. C'est au second tour des législatives, la meilleure performance électorale depuis la fondation de la Vème République française fondée en 1958.

Sur les 351 sièges de la majorité présidentielle, le Modem de François Bayrou, ministre de la Justice et le principal allié d'Emmanuel Macron, en obtient 41 et pourra donc constituer un groupe parlementaire indépendant.

Le nouveau gouvernement aura donc les coudées franches pour appliquer le programme présidentiel (bien plus à droite qu'à gauche). Le Premier ministre Edouard Philippe devait par tradition remettre la démission du gouvernement pour en constituer un nouveau très rapidement.

Pour les autres formations, les résultats obtenus sont minces : la droite traditionnelle représentée principalement par la formation Les Républicains (LR) et l'UDI obtiennent 131 sièges dont 113 LR : ce résultat est cependant meilleur que ce que les sondages donnaient entre les deux tours mais la droite traditionnelle a hier connu une scission majeure entre les pro et les anti-Macron ; le Parti socialiste en pleine déroute ne réussit à sauver que 29 sièges, un résultat très éloigné des 284 sièges socialistes de la mandature précédente.

La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon fait une percée en obtenant 17 députés. Toujours à gauche de l'hémicycle, PCF en obtient 10. Reste à savoir si les deux formations opteront pour un groupe parlementaire unique. Jean-Luc Mélenchon est quant à lui, élu à Marseille ; Résultat plus mitigé pour le Front national qui ne conquiert que 8 sièges à l'Assemblée nationale même si sa dirigeante, Marine Le Pen, est élue dans le Nord.

Emmanuel Macron a donc raflé la mise et il a les mains libres pour les cinq ans de son quinquennat. Les partis traditionnels qui dominent la vie politique française depuis un demi-siècle, que ce soit à droite, Les Républicains, sérieusement ébranlés, ou à gauche, le Parti socialiste quasi-moribond. Dans ces deux formations politiques existent une profonde fracture qui va les diviser tout au log du quinquennat : faut-il collaborer avec Macron ou le combattre ? Marine Le Pen, seconde à l'élection présidentielle, n'a pas réussi à faire du Front national un parti qui existe au sein de l'Assemblée nationale. La « France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon est devenue le principal parti de gauche mais il n'a que 17 députés sur les 577 que compte la principale instance parlementaire

Macron a donc largement remporté son pari en bouleversant profondément le paysage politique français et en gagnant le contrôle de tous les rouages de la vie politique dans l'exécutif et dans le législatif. Macron : boum-boum, badaboum ! Mais Patatras ! Au lendemain de ces législatives, on a aussi assisté au départ de quatre ministres du gouvernement Macron pour cause « d'affaires ». Ironie de l'histoire, François Bayrou, le ministre de la justice qui travaillait sur un projet de loi visant à la « moralisation de la vie politique » fait partie de ces démissionnaires.

26 millions d'abstentionnistes

Ces ?affaires » qui montrent les multiples connexions du monde politique avec la haute finance ou le peu de respect des élus pour les lois et règlements qu'ils ont pourtant fait adopter, lassent profondément les Français et les éloignent du débat citoyen. Cette élection législative restera marquée par un record historique d'abstentions : 57% des inscrits ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote (avec déjà 51,3% au 1er tour). Au résultat concret, sur les quelques 47 millions de Français inscrits sur les listes électorales (et c'est sans compter ceux qui ne se sont pas inscrits), on compte 26 millions d'abstentionnistes ! Et parmi les citoyens qui se sont rendus aux urnes, il ne faut pas oublier que deux millions ont voté blanc ou nul. Pour les reste des suffrages exprimés, on compte 8,8 millions de votant pour la République En Marche et son allié, le Modem ; 4,9 millions pour Les Républicains, l'UDI et les divers droite ; 1,6 millions de voix pour le FN ; 1,35 pour le PS, le Parti radical de gauche et les divers gauche ; 1,1 millions de voix pour la France insoumise et le PCF.

Cette vague abstentionniste est tout à fait nouvelle dans un pays qui traditionnellement chérissait le débat politique. Jusqu'il y a peu, en effet, dans les bistrots ou les repas familiaux, on adorait discuter à l'infini, si possible en s'enguellant, sur les qualités ou défauts supposés des partis politiques, de leurs candidats et de leurs programmes, et ce dans leurs moindres détails.

Aujourd'hui, les Français semblent s'en contrefoutent. Mais cette apparente indifférence cachent mal d'autres réactions beaucoup plus vives : agacement, désillusion, colère, révolte, et souvent rejet des partis politiques et de leurs « élites » qui dirigent l'Etat français?

Deux autres raisons majeures expliquent cette colère rentrée. Depuis trois décennies, les différents gouvernements qui se sont succédés, qu'ils soient de gauche ou de droite, n'ont pas su réduire le chômage qui frappe officiellement 10% de la population active mais dont les chiffres réels sont certainement bien supérieurs. De même, les solutions libérales proposées, l'austérité constamment prônée réduisent les revenus des salariés et des retraités ou les rendent très incertains. Et le programme économique et social d'Emmanuel Macron va dans le même sens.

Second motif de l'agacement de nombreux citoyens français, la surreprésentation des partis majoritaires. Les mécanismes institutionnels font qu'avec moins de 20% des votes des inscrits, Macron a remporté 75% des sièges de députés. Pour corriger cette déviance, la solution est simple : la représentation proportionnelle. La proportionnelle ? Tous les candidats la promettent mais tous les présidents une fois élus, oublient aussi vite leur engagement.