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Pourquoi Abdelmadjid Tebboune est aussi serein

par Abed Charef

Le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune s'est engagé dans le rituel institutionnel imposé par la formation d'un nouveau gouvernement.

L'Algérie recevra un joli cadeau de l'Aïd cette année. Ce sera le « plan d'action » du gouver nement de M. Abdelmadid Tebboune, dont l'adoption devrait coïncider avec les fêtes. Dans la foulée, quand il célèbrera le 5 juillet, fête de l'indépendance et de la jeunesse, le pays sera déjà sur un air de vacances.

En fait, le pays est en mode économie d'énergie depuis plusieurs semaines. Depuis deux mois plus exactement, avec le début de la campagne des législatives, lorsque des ministères ont été confiés à des intérimaires. C'était, d'une certaine manière, l'aveu que le pays pouvait se passer de ministres.

Depuis, la situation n'a guère changé, si ce n'est pour apporter plus de dilettantisme. A l'effet Ramadhan, s'est ajoutée cette atmosphère de léthargie propre à la période de pré-vacances, léthargie favorisée par l'absence d'un gouvernement en fonction, ce qui donne une impression que le pays fonctionne en roue libre. Dans de telles conditions, les citoyens n'ont guère à se préoccuper de politique ou d'argent. Ramadhan et Aïd ont un effet rouleau compresseur sur le budget familial. La préparation du hadj, des vacances, puis la rentée scolaire, font le reste. Pour les Algériens, il n'y a guère d'arbitrage en matière de budget familial.        

C'est le calendrier qui fixe le rythme et l'ampleur des dépenses.

Rituels

Pour le gouvernement aussi, une sorte de mécanique formelle s'est mise en place, l'obligeant à faire semblant, alors que tout était tracé d'avance. Le rituel allant des législatives à la formation du nouveau gouvernement, jusqu'au débat au parlement, est incontournable. Il prend près de deux mois.

Dans ce climat, M. Tebboune a tout le temps de former son gouvernement, de rédiger un « plan d'action », de le faire adopter par l'APN et par le Sénat. Personne ne s'y opposera. Qu'il prévoit plus ou moins d'austérité, qu'il envisage d'introduire plus de licences d'importation ou d'assouplir cette formule, qu'il s'accroche à des méthodes désuètes ou que la fameuse « task force » lui rappelle l'absurdité de sa démarche, personne, absolument personne, ne doute que son programme sera validé par le parlement.

Les discours que prononce M. Tebboune devant les deux chambres du parlement, les réponses qu'il va apporter aux députés et aux sénateurs constituent, aux yeux d'une opinion disjonctée, de simples rituels par lesquels il faut passer.

Anecdotes et boutades

Seule curiosité, les Algériens se demanderont si M. Tebboune va nommer un nouveau ministre du tourisme, quand il le fera, et qui sera le nouvel élu. Ils se demanderont si tous les ministres vont remercier les amis, vrais ou supposés, de leurs prédécesseurs, comme le fait le nouveau ministre de l'industrie, et si les révélations continueront à pleuvoir concernant les faveurs accordées par MM. Sellal et Bouchouareb à leurs amis. Dans les moments d'oisiveté, les Algériens évoqueront l'indigence de la gestion Sellal et tenteront de savoir si le cafouillage qui entaché la formation du nouveau Tebboune n'annonce pas les mêmes désagréments. Autant dire qu'on reste au plan de l'anecdote et de la boutade.    

Du Sellal sans Abdelmalek Sellal. Quant au débat politique de fond, il n'aura pas lieu. La question n'intéresse pas le gouvernement. Pour lui, un débat est une menace, car les vraies questions risquent d'être posées. Et tout est fait précisément pour les éviter.

M. Tebboune tient donc un discours rassurant. Le pays connait des difficultés, mais la situation est maitrisée, dit-il. Les ressources financières ont chuté, mais on maintient l'essentiel de l'effort d'investissement et on préserve le volet social. Ce que disait Sellal. Seule la forme change, avec un premier ministre qui se veut plus martial, plus résolu, et qui veut tout contrôler.

Impunité

Comment expliquer cette attitude du premier ministre, qui affiche une sérénité à toute épreuve, alors que tous les clignotants sont au rouge? En fait, la réponse est simple. M. Tebboune n'a pas été nommé pour trouver une solution à la crise, mais pour gérer un moment.

Il n'est pas tenu d'obtenir des résultats bons pour l'Algérie, pour les Algériens, pour l'économie et les institutions algériennes.

M. Tebboune obéit à un autre agenda. Il n'a pas de comptes à rendre aux Algériens, ni à leurs élus. Les députés ne peuvent pas le destituer, et les citoyens ne disposent pas de moyens institutionnels pour le contester. L'expérience de M. Sellal est toute fraîche. L'ancien premier ministre est rentré tranquillement chez lui, sans rendre compte de sa gestion. Il était aux affaires quand l'argent coulait à flots, et il a ouvert les vannes, dans une attitude qui frise l'irresponsabilité. Il était là au moment où la conjoncture s'est retournée, mais il a continué à tenir un discours inqualifiable. Il a fait rater au pays des opportunités rares. Mais il est dans l'impunité.

M. Tebboune est dans la même trajectoire. Il peut parler ou s'habiller différemment que M. Sellal, se montrer plus solennel, moins loufoque, il peut même montrer un vrai souci de lutter contre la gabegie. Mais sur le fond, il est dans le même engrenage que M. Sellal.

Pour oublier Sellal, les Algériens adopteront M. Tebboune. C'est comme après le jeûne, et tout ce qu'on endure pendant le Ramadhan. On se contente de peu.

Alors, Aïdekoum mabrouk.