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La laque : une passion nationale à HôchiMinh (ex-Saïgon) (1ère partie)

par Reda Brixi

En se promenant dans les grands boulevards, les magasins d'antiquités regorgent d'objets anciens, mais attention à l'arnaque. Le paradoxe administratif qui n'autorise pas que ces objets ne franchisse pas les bureaux de la douane, même si ce sont des objets de séries.

Par contre la laque est autorisée à l'exportation. Les objets laqués sont omniprésents dans les magasins du nord au sud du pays. Ils ont toutes les formes, du galet de plage à l'armoire familiale, du tableau traditionnel incrusté de motifs en nacre jusqu'au cendrier. C'est bien simple : au Vietnam, la laque est une passion nationale remontant au XIV° siècle.

La laque est une substance d'origine végétale, sorte de résine extraite par incision d'un arbuste, le cay son ou laquier, qui pousse en abondance dans le nord. Dans un récipient rempli de liquide crémeux et blanchâtre, on recueille la couche supérieure, pure et légère. Puis on la malaxe pendant une quarantaine d'heure en la mélangeant avec de la colophane. La laque noircit et prend son éclat.

Un microcosme occidental

Je rejoins mes quartiers. Dans le quartier Pham Ngu Lao, 1er arrondissement ou « quartier routard » surnommé ainsi en raison du nombre important de voyageur à petit et moyen budget. Dan ce secteur en ébullition, les routards viennent chercher des hébergements bon marchés : petits hôtels simples et propres, pensions sans prétentions, chambres chez l'habitant, modestes mais cordiales. Les terrasses de cafés et de restos constituent les meilleurs points d'observations. Avec son voisin de table, on lie conversation et amitié. On y échange tuyaux et conseils, impressions et opinions, sur des choses à voir, à faire ou ne pas faire. Un microcosme occidental où il est bon de prendre la température du pays et de recueillir les dernières nouvelles pratiques et concrètes (visions des voyageurs revenant du Cambodge ou du Laos). La rue Pham Ngu Lao comme celle Tomburi à Kao Sans à Bangkok est une étape quasi obligée au cours de votre séjour de voyageur à Saigon. De la rue Tham, une petite rue perpendiculaire accuse une concentration impressionnante de cafés et de restos au mètre carré. Plus loin, en sortant des dédales de la vieille ville on tombe sur l'avenue Nguyen Hué : les « Champs Elysées » de Saigon ! Cette avenue, longue de 750 m, et large de 70 mètres, relie l'hôtel de ville à la rivière. Des tours modernes, symbole éclatant de la fièvre économique. C'est l'avenue la plus convoitée par les investisseurs étrangers. Une rue parallèle et je tombe sur le musée d'histoire du Vietnam. J'y fonce les yeux fermés. Je m'attendais à une cuite d'émerveillement, ce fut une douche de délectation historique.

J'ai droit à toute une série de très beaux Bouddhas en provenance de toute l'Asie. Une momie vietnamienne vieille de 130 ans complète les premiers vestiges humains, de la simple durée de plus de 300.000 ans. La seconde partie rassemble les œuvres les plus belles : culture de Oc EO, art ancien du delta du Mekong, art du champa, arts et artisanat des minorités ethniques des hauts plateaux.

Musée : Vice ou culture ?

Après la visite du musée, on peut assister à un spectacle de marionnettes sur l'eau, durée : 20 minutes. Une authentique tradition vietnamienne où les marionnettes en bois peint jaillissent d'un bassin au milieu duquel se trouve un petit pavillon cachant les marionnettistes. Parmi les nombreuses scènes jouées, se remarque celles de la danse du dragon et de la pèche des poissons. Le guide, voyant mon intérêt pour l'histoire du Vietnam, me conseilla le musée des crimes de guerre d'agression au Vietnam, situé un peu plus loin. Il ajouta : « il vous fera détester la guerre. Merci, j'en ai soupé des guerres : guerre d'Algérie, guerre des sables, guerre civile, pour une note plus gaie, je préfère rallier mon camarade algérien rencontré la vieille. Le café est sobre, un peu chargé de vieilleries d'ameublement dont un juke-box qui distile une musique asiatique. Mon copain me fait signe et m'invite à déguster un café proche du goût algérien. Plus loin, une autre table assemble deux autres clients à l'air probablement algériens ou maghrébins du fait de leurs gesticulations un peu nerveuses.

« Alors comment trouvez-vous Saigon ? Qu'est-ce que vous avez vu ?, me relance mon ami algérien.

- La vieille ville où je loge, le musée du père Ho Chi Minh, celui de l'histoire, l'avenue avec la poste, le palais de la laque et celui de la jade et bien sûr quelques terrasses.

- Tout ça à pieds ?

- Oui bien sûr en train onze, on apprécie mieux et on dort à mort. Je trouve que Saigon est une ville qui a de la classe, une ville bien aérée et surtout des habitants charmants, besogneux et respectueux.

- Ce qui nous manque éper dument

- Il n'y a pas de comparaison, on n'est pas sur les mêmes latitudes ni géographique ni historique. Nous descendons des Numides et nous avons subi les Almoravides et les Almohades en passant par les Fatimides, les Zirides, etc. Le topo génétique est différent. Nous sommes jeunes sans ancrage harmonieux. On passe notre vie à voter et à élire des incapables qui causent plus de pénuries et d'embouteillage dans la gestion, mais pour soigner leur patrimoine familial, ils sont champions du monde.

- Et comment tu voyages ? Est-ce que vous êtes en mission ? affaires ?

- Non j'aime les voyages, je crois que je suis doté d'atomes crochus pour, ma génétique est ainsi orientée ? J'ai fait deux fois le tour du monde, et j'aime voir les gens pour apprendre et écrire

- Chapeau, mon gars.

- Un chapeau conique ! ou une chéchia ?

- Parfait, on va rejoindre les autres amis qui nous invitent à dïner.

A l'étranger les Algériens sont les plus agréables du monde. Solidaires, généreux, serviables, bons vivants, contrairement que dans un stade des loups en cage.

Le lendemain, décrété dernier jour pour aller voir le temple d'Ankgor au Cambodge, j'entreprends mon dernier tour à Saigon. J'ai opté pour le sacré aujourd'hui, je vais commencer par un temple, une pagode et assister à une fête traditionnelle.

Traditions et croyances

Les pagodes ne sont pas aussi abondantes et ne crèvent pas le ciel de leurs flèches pointues et dorées. On ne visite pas la splendeur des pagodes mais plutôt leur caractère authentique et le ferveur religieuse qui y règne. Rappelons que les pagodes venèrent Boudha, tandis que les temples sont consacrés aux dieux traditionnels. Un chemin de terre mène à cette la pagode de GiacLam, j'ai loué une moto pour parcourir les sept kilomètres. Je traverse un cimetière dont les tombes très variées sculptées, ciselées en mosaïques et ondulantes de porcelaine bleue et blanche. La pagode au bout est des plus vieilles, construites en 1744, composée de plusieurs parties accolées. A l'intérieur, des autels gardés par des bonzes, vétus de tuniques couleur safran. D'autres moines avec d'étranges robes à damier noir et blanc encadrant un Bouddha au centre de la pagode. Un sapin rouge composé de 49 lampes et 49 statuettes, symbole de la perfection et de la plénitude. Les offrandes (fruits en corbeille, plats de riz, boissons de toutes sortes, sont bien alignés) exposés sur des petits autels, vous donnent envie d'y goûter. Un livre en français détaillé sur la pagode est vendu par un vieux maigre à grosse moustache. Il recomande les principes du bouddhisme qui rappellent quelques préceptes quotidien : ne pas tuer d'hommes ni d'animaux, ne pas boire d'alcool, ne pas posséder d'argent, manger à des heures fixes et uniquement végétarien, pas de sexe, pas de mensonges, le dépouillement d'âme et du corps, proche de notre soufisme. Les moines fabriquent des médicaments traditionnels. En saison des pluies, ils cultivent des légumes, et pratiquent encore le Kung fu, art martial chinois d'origine monastique.

Les Vietnamiens vivent depuis des siècles dans un univers moral et religieux façonné par des croyances et des valeurs issues du culte des ancêtres, du bouddhisme, du confucianisme, du taoïsme, sans oublier le christinanisme (catholicisme et protestantisme) ainsi que l'islam (très minoritaire). Le culte des ancêtres leur a inculqué l'obligation de bien se comporter et de rester fidèles aux valeurs transmises par leurs ascendants.

Le bouddhisme leur a donné les vertus essentielles : patience, détachement, tolérance, non violence, concentration, jugement et pensée ?juste', compassion. Du confucianisme, ils ont hérité de l'idéal de l'homme bon qui se perfectionne sans cesse dans le respect del'ordre social dans lequel il vit. Leur vision du cosmos, du bien, du mal relève plutôt du taoïsme et de sa doctrine du Yin et du Yang ; quant au christianisme, il suscita un choix culturel et théologique sans précédent en prônant l'égalité entre hommes et l'amour du prochain pour le salut de l'homme?

Cette rencontre inattendue de religions distinctes et souvent complémentaires ne pouvait rester là : des mélanges insolites (les sectes Hoa Hoa, le caodaïsme) naquirent de cette confrontation entre spiritualisme occidental et extrême-oriental.

A suivre