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Le FMI veut que l’Allemagne devienne (un peu) cigale

par Akram Belkaïd, Paris

C’est devenu un fait récurrent. Dans son rapport régulier sur l’état de l’économie allemande (Chapitre IV), le Fonds monétaire international (FMI) vient, une nouvelle fois, de demander à l’Allemagne de dépenser plus. En d’autres termes, le grand argentier, connu dans le monde pour les cures d’austérité qu’il impose à certains pays confrontés à des difficultés financières, suggère au gouvernement de Madame Merkel d’être plus cigale que fourmi et cela pour rendre service aux économies européennes.

Doper la demande

De fait, le FMI estime que les excédents allemands sont trop élevés. Pour mémoire, l’Allemagne a enregistré un solde budgétaire positif de 24 milliards d’euros en 2016. Un record à comparer avec les déficits affichés par d’autres pays européens dont la France. De même, l’excédent des comptes courants (qui est le solde des échanges commerciaux et financiers) représente 8,3% du PIB alors que le Fonds pense qu’un niveau compris entre 2,5% et 5% du PIB serait largement suffisant.

L’institution financière multilatérale souhaite donc que l’Allemagne stimule la demande en diminuant les impôts et en augmentant ses investissements d’infrastructures. Il est aussi demandé à Berlin de contribuer à ce que les salaires augmentent. L’objectif est que la consommation et l’investissement des ménages progressent et que, du coup, les importations s’apprécient pour le plus grand bonheur des partenaires économiques de l’Allemagne dont la France mais aussi l’Italie ou les Etats-Unis.

Ouvrons ici une parenthèse à propos de cette incitation. Notons d’abord qu’elle n’est pas du tout prescriptrice. Les rapports du FMI sont rédigés par des économistes qui n’ont pas toujours la même manière de voir que les administrateurs et décideurs du Fonds. L’Allemagne n’est pas dans la situation de la Grèce et n’est en rien obligée de suivre ces recommandations. Ensuite, on pourrait réfléchir à l’absence de ce genre d’encouragement dès lors que cela concerne les ménages ou les particuliers. Cela peut paraître couler de source mais relevons simplement qu’il est rare que les plus riches soient incités à dépenser plus quand l’économie va mal.

Bien au contraire, ces derniers bénéficient de l’indulgence d’institutions comme le FMI qui trouvent normal, ou logique, qu’ils se prémunissent, qu’ils transfèrent leurs avoirs à l’étranger ou qu’ils se retiennent d’investir. Or la mécanique est la même. L’argent qui dort et qui s’amasse est un non-sens dans une économie ouverte. Il arrive parfois que les gouvernements tentent d’inciter les riches à dépenser une partie de leurs avoirs en relevant, par exemple, la fiscalité sur certains placements. Mais ces mesures sont rarement assumées en tant qu’outils de pression.

Moins d’épargne pour moins de retraite

Mais il arrive aussi que le FMI avance des propositions surprenantes. Dans le cas de l’Allemagne, il suggère ainsi que l’âge du départ à la retraite soit repoussé. Pour améliorer la productivité ? Pour assainir les caisses de retraite ? Absolument pas. L’idée, en la matière, est que les Allemands doivent travailler plus longtemps, ce qui fera que leur vie de retraité sera moins longue. Conclusion : inutile pour eux d’épargner autant qu’ils le font actuellement. On en arrive ainsi à ce raisonnement tendancieux où l’augmentation de l’espérance de vie justifie les argumentations selon lesquelles il faut que les gens travaillent plus. Comme si jouir longtemps de sa retraite était immérité.