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Louh appelle à un débat sur l'immunité parlementaire

par Zahir Mehdaoui

Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh a mis en exergue, jeudi dernier, la «nécessité d'engager un débat permettant d'aboutir à un équilibre législatif à même de garantir l'immunité parlementaire au député sans limitation des prérogatives de la justice pour l'examen des éventuels dépassements dans ce domaine».

S'exprimant à l'occasion d'une conférence de presse consacrée au «déroulement des élections législatives du point de vue juridique », le ministre de la Justice a tenu à souligner toute la nécessité de parvenir à un « équilibre législatif», à la faveur d'un débat ouvert, à même de garantir l'immunité parlementaire au député sans limitation des prérogatives de la justice dans ce domaine.

«L'immunité parlementaire consiste en principe à permettre au député de remplir sa mission loin de toute pression ou influence», a rappelé le ministre, relevant cependant que l'existence de cas de dépassements enregistrés et le fait que la loi n'interdit pas à la personne poursuivie en justice de briguer un mandat parlementaire et partant de jouir de l'immunité en cas de victoire sont autant de facteurs exigeant un débat à l'image de certains pays qui ont trouvé dans leurs législations une solution à ce genre de problématiques.

En appelant à un débat serein sur la question de l'immunité du parlementaire, Tayeb Louh sera ainsi l'un des rares responsables algériens à évoquer un sujet presque tabou. Combien de parlementaires trainent en effet des affaires de justice et même des condamnations par des juridictions compétentes et ne sont jamais inquiétés du fait de l'immunité que leur procure leur mandat à la chambre basse ?

En sa qualité de ministre de la Justice, Tayeb Louh doit sûrement avoir des chiffres et des informations sur le nombre d'affaires dans lesquelles sont impliqués des députés, censés pourtant défendre le droit, la justice et surtout lutter inlassablement contre l'impunité qu'ils reprochent aux membres de l'exécutif.

En Algérie, et ce n'est un secret pour personne, de nombreux parlementaires ne sont pas en prison grâce à leur mandat à l'Assemblée populaire nationale (APN). Certains sont réélus miraculeusement à l'occasion de chaque législature.

Ces députés sont-ils au dessus de la loi parce qu'ils siègent à l'APN ? En lançant le débat sur la question de l'immunité du parlementaire, Tayeb Louh fait preuve d'un grand courage car il risque de fâcher certains cercles autour desquels gravitent certains députés liés à des affaires scabreuses.

Des démarches «lentes et complexes»

Le ministre, dans son plaidoyer, a indiqué que la levée de l'immunité parlementaire pour les représentants du peuple est stipulée dans la loi mais néanmoins les démarches y afférentes demeurent «lentes et complexes». Pour ce qui est des cas de repris de justice candidats aux législatives, M.Louh a indiqué que cet aspect relève des conditions de validation des candidatures et en cas d'omission de la part de l'administration, le règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel habilite ce dernier à contrôler le respect des conditions juridiques par les candidats y compris les nouveaux élus.

Là aussi, le ministre de la Justice vient de jeter un véritable pavé dans la mare. Connaissant le fonctionnement bureaucratique de l'administration, comment en effet cette dernière a-t-elle pu valider des candidats condamnés par la justice ? Et surtout comment des candidats ont fait pour présenter des casiers judicaires vierges devant les commissions de validation des candidatures alors que des peines pèsent sur leurs épaules ?

Des zones d'ombre demeurent. En l'absence de réponses, c'est le Parlement dans sa globalité qui perd ce qui lui reste de crédibilité devant une opinion publique déjà très méfiante.

Le ministre de la Justice a fait savoir par ailleurs que les tribunaux administratifs ont été destinataires, avant le lancement de la campagne électorale, de 363 recours au sujet des dossiers de candidature, dont 70 ont été acceptés induisant l'annulation de la décision de l'administration et la validation de la candidature, ajoutant que 239 recours ont été rejetés car ne remplissant pas les conditions exigées par la loi.

Concernant les saisines adressées aux procureurs généraux par la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), au nombre de 38, suite auxquelles des «enquêtes ont été ouvertes», M. Louh a évoqué les extraits vidéos diffusés sur les réseaux sociaux et les chaînes télévisées faisant état de dépassements, notamment dans des bureaux de vote à Chlef et à Bouira. «Le parquet compétent a entamé les investigations et les concernés ont été convoqués dans la transparence totale », a précisé le ministre. Tayeb Louh a tenu à souligner que les dépassements enregistrés restaient des «cas isolés, d'aucune gravité et ne portent pas atteinte à la crédibilité des élections ».

Les plaintes introduites auprès du parquet général feront l'objet d'examen et au cas où le caractère pénal serait confirmé, la « loi prendra son cours nonobstant du droit des candidats à l'exercice de leur droit au recours et à la doléance devant le Conseil constitutionnel », a encore précisé le ministre. Enfin, concernant la question relative à la déclaration du président de la HIISE, Abdelouahab Derbal, au sujet de la prétendue passivité des procureurs généraux en dépit des notifications qui leur ont été adressées par la HISSE, M. Louh a soutenu que «la justice s'est acquittée de sa mission pleinement et nous n'avons rien à ajouter dans ce sens».

En tout les cas, la justice doit frapper d'une main de fer les personnes ou les parties que les Algériens et le monde entier ont vu sur des vidéos montrant clairement des cas de fraude avérés lors des législatives du 4 mai 2017. C'est la notion même de l'Etat qui est en jeu.