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Législatives 2017 : l'honneur de la victoire !

par Brahim Chahed

«Plus aucun citoyen ne croit qu'il puisse aujourd'hui changer concrètement sa vie, sa propre vie, par son bulletin de vote.» F. Bayrou.

Le peuple, comme l'histoire, jugera les hommes non seulement sur les résultats de leurs combats mais aussi et surtout sur la façon avec laquelle ils les ont menés. Aux lendemains de la bataille électorale des législatives qui a fait des heureux mais aussi beaucoup de malheureux, les gens, contrairement aux discours creux, retiennent leurs propres victoires et non celles de leurs partis. Ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler du militantisme, c'est carrément du carriérisme. On se rend alors compte qu'on n'est plus, depuis des années déjà, dans l'ordre politique mais dans le sillage de la prédation et du narcissisme.

Contrairement aux lectures mécaniques qui prédisaient une assemblée acquise au FLN qui aurait à peine besoin d'un RND en constance désobligeante, les élections législatives du 4 mai 2017 ont débouché, sans créer de fissures sérieuses, sur un remodelage du paysage électoral.     Le pouvoir ne veut pas affaiblir une opposition de façadedéjà très affaiblie par une offre politique inconséquente, mais contrôler ses alliées, les dresser les uns contre les autres et les fragiliser pour régner indéfiniment. Rien ne changera pour les autres, le pouvoir y est satisfait des rôles et des dus des uns et des autres y compris des islamistes coalisés.

Reste que le pouvoir ne détient pas la clé de toutes les portes, le plus grand parti d'Algérie est bel et bien celui des abstentionnistes, ce n'est pas un fait nouveau, le fait nouveau, par contre, c'est que la deuxième force politique du pays n'est plus le FLN mais celle des bulletins nuls et blancs. Ainsi, ils étaient 15.026.280à choisir l'abstention sur un électorat de 23.251.503 inscrits et 1.757.043 à glisser un bulletin nul ou blanc pour un suffrage exprimé de 6.468.180.

Les Algériens ont été éberlués par le niveau général de la campagne électorale et de la prestation médiocre, sur tous les plans, particulièrement du FLN censé détenir une expérience inégalée en la matière. Ils ont assisté à des démonstrations d'amateurisme affligeant, conduites par des têtes de listes livrées à elles-mêmes, ne véhiculant aucun message politique ni aucune cohérence partisane. Le FLN use et abuse de son héritage historique, pourtant de valeur inestimable, qu'il dilapide d'élection en élection, faute de renouvellement du message, de pratique et d'offre politiques. Le RND, même s'il a fait une meilleure campagne, s'est, quant à lui, trompé d'élection, ses représentants portaient plutôt un message présidentiel, cela pourrait lui coûter très cher ou, au contraire, lui valoir un statut qu'il devra, de toute façon, revendiquer tôt ou tard.

Quoi qu'il en soit, le FLN et le RND, les frères ennemis tout le temps au pouvoir,totalisent à eux deux, 264 sièges et constituent de fait une majorité, même si les négociations s'annoncent laborieuses. Le FLN caracole toujours en tête avec 164 députés, mais perd tout de même 57 sièges alors que le RND est crédité de 30 sièges de plus qu'en 2012, en passant de 70 à 100 en 2017.Par rapport aux législatives précédentes, les blocs islamistes perdent aussi du terrain puisqu'ils n'ont obtenu que 49 sièges alors qu'ils en avaient 70.Les indépendants deviennent une force politique avec laquelle il faut compter à l'avenir, ils obtiennent 28 sièges alors qu'ils n'en étaient qu'à 19 en 2012.

Que ces résultats soient l'expression des urnes ou l'œuvre machiavélique de forces occultes au service du statuquo et de la continuité, ils demeurent néanmoins, annonciateurs d'un encensement de Monsieur Ouyahia pourtant décrié par son propre camp. Ils rappellent aussi à Messieurs Ould Abbas et Sellal leurs limites et leurs horizons.

Le parti des partis est le plus grand perdant car même s'il reste incontestablement une force politique de premier plan dans notre pays il vient d'essuyer un revers cuisant qui, malheureusement pour lui, annonce sa fin programmée. Le FLN, sous ces conditions, perdra 25% de sa base électorale tous les cinq ans, nous n'avons pas besoin de calculateurs puissants pour lui prédire une hécatombedans la prochaine décade. D'autres partis, jadis entretenus, se sont réveillés abasourdis par une réalité qu'ils tentaient d'occulter ou carrément de nier.

L'essentiel est que nous ayons notre assemblée. Censée légiférer pour meubler la nouvelle constitution, son action se trouvera malheureusement diluée avec plus de 36 partis, et la technicité du travail législative aggravera encore sa situation et réduira l'étendue de son pouvoir. L'exécutif fera ce qu'il faudra et le tandem FLN/RND pourra manœuvrer les mains libres.

Enfin, nous nous devons d'aborder la question essentielle de la légitimité. Avec à peine 27% des inscrits, plus de 15 millions d'abstentionnistes et prés 1.8 millions de vote blanc et nul, qui devient de plus en plus un acte politique, le pouvoir a bien saisi le message du peuple, conscience collective hautement politisée, et comprend bien qu'au-delà des pratiques contestables et des complaisances condamnables, c'est tout un système qui est rejeté aujourd'hui.

Pour ne citer que le calendrier électoral, et puisqu'à l'aune de la nouvelle constitution, il nous est proposé de choisir un chef de l'exécutif, qui demeure du seul ressort du chef de l'Etat faut-il le rappeler, après consultation de la majorité parlementaire du moment, il serait plus normal de programmer des présidentielles, puis des législatives et enfin des locales pour être en cohérence avec cette vision. Cela conduirait légitimement à prédire une législature écourtée à mi-parcours.