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Elections législatives: Le jour le plus long

par Zahir Mehdaoui

Les élections législatives, tant attendues par certains et tant appréhendées par d'autres, auront lieu aujourd'hui jeudi.

Depuis le début de la campagne électorale et peut-être même avant, des milliards de centimes sont déboursés par les candidats et les partis pour arracher un siège dans l'Assemblée populaire nationale (APN).

Globalement, la campagne électorale s'est déroulée sans accrocs et sans incidents notables. Terne, fade, insipide, cette campagne électorale, en dépit de tout ce qui peut être dit du côté des officiels, n'a pas suscité d'engouement populaire. Affirmer le contraire, c'est faire preuve de cécité et d'aveuglement.

Les Algériens sont complètement désintéressés par ce rendez-vous électoral et ce n'est pas les quelques milliers de personnes payées par des candidats et des partis politiques pour assister à leur meeting qui va changer quelque chose à ce «désintéressement populaire».

Ce désintérêt pour la chose politique, des jeunes en particulier, a au moins deux raisons. D'abord le fait que l'Assemblée populaire nationale est perçue comme un appendice du pouvoir exécutif, en dépit des quelques voix discordantes qui claironnent de temps à autre à l'intérieur de l'hémicycle.

Combien de projets de lois ont été rejetés à l'APN depuis l'indépendance de l'Algérie ? La chambre basse, contrôlée par les partis du système, depuis la nuit des temps, n'a jamais reflété la volonté populaire.

Le pouvoir exécutif a toujours pensé, comme du temps de Leonid Ilitch Brejnev, l'ancien dirigeant de l'ex-URSS, que le peuple algérien doit être dirigé comme un enfant qui n'arrive pas à grandir.

C'est pour cela qu'on trouve des responsables âgés de 80 ans qui parlent de modernité, de technologie mais qui ne savent pas utiliser un smartphone, une tablette ou simplement se connecter sur Internet.

Le fossé entre les nouvelles générations et certains dirigeants du pays est tellement grand qu'il existe une sorte de dialogue de sourds que personne ne comprend, ce qui crée des tensions et un climat de méfiance sans précédent.

C'est ainsi que l'APN censée défendre les petites gens et les intérêts des démunis et des «sans voix» s'est transformée au fil des années en une chambre d'enregistrement de tout ce qui vient du pouvoir exécutif, même si cela va à l'encontre des citoyens et parfois, sans le savoir, à l'encontre du pays.

En fait, il y a une sorte de raisonnement délirant au plus haut niveau du système et qui consiste à croire que seul le pouvoir exécutif, avec ses ramifications, détient la vérité. L'hypothèse du remplacement d'une génération politique par une autre, au lieu de se rapprocher, s'éloigne de plus en plus, à cause de ce délire.

La deuxième raison de ce désintérêt généralisé pour la chose politique et des élections législatives en particulier, c'est la personnalité du député. En effet, à quelques exceptions près, les députés, depuis au moins trois législatures, sont considérés par la population comme des ignares, des incultes, des affairistes dont l'un des objectifs principaux est de se rapprocher des centres de décision pour faire fructifier davantage des affaires scabreuses.

A cet effet, il y a lieu de s'interroger combien de députés traînent des affaires de justice et ne sont jamais inquiétés du fait de l'immunité que leur procure leur mandat à l'APN ?

Combien de dossiers sont traités par les services de sécurité et les magistrats concernant certains «représentants du peuple» et ne sont jamais déférés devant une juridiction, à cause de cette «immunité» ?

Combien de personnes devenues, par la grâce de l'argent, des députés sont condamnées par les tribunaux pour des affaires graves et les verdicts jamais appliqués grâce à leur immunité parlementaire ?

L'enjeu d'un siège au Parlement n'est pas le salaire exorbitant du député, comme semblent le penser naïvement certains, mais bien ce statut «d'intouchable» qui confère au parlementaire une force extraordinaire.

C'est pour cela, qu'à chaque confection d'une liste électorale, on assiste à des scènes de violence entraînant parfois la mort d'homme, comme c'est le cas à l'occasion de cette élection.

La dégénérescence est telle que le Parlement est perçu par la population, non pas comme la voix de la plèbe et un appareil de contrôle de l'Etat, mais comme un château imprenable où coexistent capitalistes, socialistes, islamistes et surtout beaucoup d'opportunistes.