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Les supputations vont bon train: La «politique des quotas», le FLN, le RND et les autres

par Ghania Oukazi

  La campagne électorale a pris fin comme elle a commencé, sur fond de supputations et de pronostics, autour d'une politique de quotas qui composera la prochaine assemblée pour la projeter sur 2019, année de l'élection présidentielle.

Si la nouvelle constitution doit, en principe, permettre de consacrer une nouvelle carte politique, elle doit, surtout, provoquer la disparition des partis qui n'auront pas atteint les 4% de voix. La logique voudrait que les tendances fortes qui caractérisent les scènes politiques des grandes démocraties s'affirment, en Algérie, à travers de grands partis de la droite (libéraux), de la gauche (nationalistes), du centre (socio-démocrates) et de leurs extrêmes. La politique des quotas, longtemps adoptée par le pouvoir pour s'assurer les équilibres nécessaires, semble avoir été, aussi, reconduite cette fois-ci. Le secrétaire général du FLN ne s'en est pas caché, en annonçant, dès le début de la campagne électorale, que le parti va rafler la majorité absolue. Selon des sources proches des milieux décisionnels, l'on avance, d'ores et déjà, une assemblée où le FLN régnera en maître avec entre 200 et 235 sièges sur les 462 qui la composent. C'est-à-dire une majorité qui permettra au pouvoir de maintenir l'APN en main. Le RND n'évoluera pas puisqu'il lui sera, dit-on, accordé à peine une soixantaine de sièges. Les partis islamistes coalisés auront, toujours selon nos sources, entre 70 et 80 sièges, le PT gardera son positionnement actuel, tout autant que le FFS et le RCD «pour les utilités de la démocratie.» Entre ces tendances «utiles», on retrouvera des partis comme Taj, le MPA, le FNA, celui de Belaïd ou de Benbaïbèche, dont le pouvoir aura besoin pour ne jamais perdre les équilibres de sa survie.

Ould Abbès en contradicteur d'Ouyahia

Nombreux sont les observateurs qui ont jugé «de bas niveau» la campagne menée par le SG du FLN. Nos sources sont cependant formelles, «Ould Abbès n'a dit que ce qu'on lui a demandé de dire, pour cela, il n'y a pas plus discipliné que lui.» Ceux qui ont pris la peine de remettre en cause sa «légitimité» historique, ne doivent pas bien connaître le personnage qui se moque de ce qui peut se dire sur ou contre lui. L'essentiel est qu'il tient, parfaitement, son rôle de «missionnaire» du pouvoir. Il a défendu, avec une grande ferveur le président de la République, son programme et ses engagements. Il a été un parfait contradicteur à Ouyahia qui lui, a choisi de placer le RND, sur une nouvelle trajectoire qui n'est ni celle du pouvoir ni celle de l'opposition. A équidistance des deux. Ouyahia a défendu un programme dont la consistance dépasse celle de la simple députation. «C'est de bonne guerre,» disent les observateurs à propos «d'un candidat qui se projette sur la présidentielle.» Le clan présidentiel n'a, même, plus besoin de décoder ce qu'Ouyahia dit ou pense. Il lui a déjà retenu qu'il s'est débarrassé de tous les membres du RND proches du président de la République. «A commencer par Abdelkader Bensalah, qu'il a écarté de toutes les instances,» rappellent ses détracteurs. L'on note, au passage, que «l'appel introduit par ses dissidents pour lui faire annuler le congrès extraordinaire qui l'a consacré SG du RND, est en suspens mais toujours valide.» Le plus grand reproche qui est fait à Ouyahia est celui d'avoir confectionné, seul, les listes des candidats pour les législatives.

Ouyahia embrigade le RND

Créé pour soutenir les choix des décideurs et les appuyer en cas de crise institutionnelle, le RND semble se détacher des arcanes du pouvoir et se métamorphoser, progressivement, pour certainement devenir un parti faiseur de président comme l'est le FLN, depuis longtemps. Les sorties marathon du Premier ministre, sur le terrain, en plein campagne électorale sont la première riposte du clan présidentiel contre les agissements du SG du RND qui commence à lui devenir encombrant. Abdelmalek Sellal est pour l'heure l'homme qui continue de faire preuve de fidélité absolue au président de la République, en mettant en avant ses engagements, tout au long de ses quinze dernières années et son programme quinquennal 2004-2019. Il le défend, tellement qu'on dit de lui qu'il est le seul Premier ministre à pouvoir continuer cette mission jusqu'en 2019. Sellal paraît rassuré, en attendant d'être assuré. Ce qui est sûr, c'est qu'il est le seul haut responsable à capter l'attention des populations. En bien ou en mal, cela importe peu, pourvu qu'il passe le message présidentiel, par le mot fort, la plaisanterie ou même les phrases écorchées avec lesquelles il fait le ?buzz' à chacune de ses sorties. «Il a fait éviter au pays de nombreux mouvements de contestation, c'est l'essentiel,» nous disent nos sources.

«C'est loin d'être le cas d'Ouyahia,» souligne-t-on. Il y a, à peine quelques mois, le clan présidentiel voyait en lui le seul homme politique d'envergure sur toute la scène nationale. Franc-parler, cohérence et pertinence, à la fois, dans chacune de ses prises de parole. «Mais au fur et à mesure qu'il embrigade le RND, la présidence de la République a commencé à cumuler les preuves qu'il travaille pour assurer ses propres intérêts,» est-il affirmé. Ses dissidents s'élèvent contre cette main mise sur le parti et font savoir, à qui veut les entendre qu'«Ouyahia a placé comme tête de ses 48 listes, des affairistes notoires, pire encore, dans chacune des listes il a mis au moins 4 détenteurs de ?chkara', il sait que la présidentielle se fait à coup de grosses fortunes, on n'a même plus besoin de le démontrer.»

Les frasques de Saïdani ou le temps des revanches

L'on pensait que l'assemblée du mandat finissant était la dernière à être constituée avec des quotas dûment déterminés par le pouvoir et par des députés pas forcément crédibles. Mais les attitudes et les listes, des uns et des autres chefs des partis, notamment du pouvoir, démontrent le contraire. Il est craint que l'Algérie se dirige vers une assemblée qui risque d'aller au-delà des frasques de Amar Saïdani. L'on se demande si le clan présidentiel, détenteur du pouvoir, est si mal-voyant et si mal-entendant pour laisser pourrir des situations à ce point. «A moins qu'il pense que c'est la seule manière de débusquer les malintentionnés du sérail,» estiment des observateurs. La présidence de la République doit certainement, s'interroger sur ce qui rassure Ouyahia, «s'il a un plan bien ficelé pour retourner la situation en sa faveur, s'il a des appuis forts, tapis dans l'ombre, ou s'il joue à quitte ou double?» Il est évident que le quatuor Gaïd Salah-El Hamel-Sellal-Ouyahia est tenu à l'œil d'ici, à 2019. «Si ce n'est pas le président, c'est moi !» avait dit l'un d'entre eux, en 2015. La prudence et la vigilance sont de mise, en haut lieu. L'éventuel rapprochement Bouteflika-Toufik auquel on veut faire croire ne pourrait être qu'une tactique ou manœuvre du clan présidentiel pour neutraliser les ambitions débordantes. Tant qu'un 5ème mandat pour Bouteflika n'est pas exclu, tous les coups sont permis et les tablettes ouvertes pour choisir les personnels politiques capables de le faire admettre. Pour l'instant, la présidence de la République semble garder toute sa puissance. Elle doit, cependant, croiser les doigts pour ne pas subir d'imprévu. Elle sait que les vieux démons restent à l'écoute du moindre bruissement dont l'effet pourrait les sortir de leur tanière pour (re)prendre leur revanche.