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Industrie: Le développent de la filière automobile en débat

par M. Aziza

  L'affaire Tahkout liée à son usine TMC (Tahkout Manufacturing Company) spécialisée dans «le montage» des véhicules de marque Hyundai, à Tiaret, ayant défrayé la chronique, ces derniers jours, a suscité un débat sur le développement de la filière automobile en Algérie. Et ce, pour ne pas dire une remise en cause de certains aspects de la politique visant le développement de cette filière.

Intervenant hier, à l'ouverture des travaux du Forum de l'industrie algérienne, à l'hôtel Sheraton, Mokhtar Chahoub, ancien PDG de la SNVI et expert industriel, a mis l'accent sur le rôle que doivent jouer les pouvoirs publics en matière de contrôle, par rapport au respect du cahier des charges régissant l'activité du montage et l'assemblage des véhicules localement.

Sans citer la filiale de TahKout, l'ex-PDG de la SNVI a rappelé que le gouvernement était très clair sur cette question. Il a précisé que le gouvernement a élaboré un cahier des charges fixant les conditions et modalités pour l'activité de production et de montage de véhicules. Le cahier des charges en question exige un taux d'intégration de 15 % au minimum à la troisième année d'exercice, pour atteindre au moins 40% au bout de la cinquième année du démarrage de l'activité. L'ex-PDG de la SNVI a précisé que l'industrie automobile a déjà existé en Algérie, et ce, depuis 1959, dans la banlieue d'Alger à El Harrach, avec un taux d'intégration appréciable. Et une autre usine à Rouïba en 1958, de l'ex-constructeur Berliet, achetée par Sonacom en 1966, et qui produit des camions et des bus avec un taux d'intégration qui avoisinait les 75 %. Actuellement, Sonacom est à 55 % de taux d'intégration. Ceci dit, exiger un taux d'intégration à 40% au bout de cinq années d'exercice, c'est vraiment le minimum.

L'économiste Abderrahmane Mebtoul est allé plus loin lors de son intervention, en remettant en cause certains aspects de la politique de développement de la filière automobile, en matière d'objectifs et de rentabilité. Selon ce dernier, «pour avoir une rentabilité financière, il faut, au minimum, produire actuellement entre 100 000 à 150 000 véhicules par an, sinon, précise Abderrahmane Mebtoul, «ce n'est pas rentable». Sachant, affirme-t-il, que la loi de finances 2017 prévoit des exonérations pour les véhicules assemblés ou montés localement, «ce sont en fait, des subventions que supporte le trésor public».

Or, selon Mebtoul, la production globale prévisionnelle décidée par le gouvernement avoisinerait seulement les 400 000 unités/an à l'horizon 2020, ce qui est peu selon l'expert, et qui n'est pas du tout rentable, «la production globale doit dépasser un million de véhicules par an, avec des visées exportatrices», explique-t-il.

Car, soutient-il, produire pour le marché local est fortement lié au pouvoir d'achat qui connait une détérioration continue. Et ce même pouvoir d'achat est déterminé par le cours des hydrocarbures, «si on reste à 50 ou 60 dollars, on ne doit pas s'attendre à une amélioration du pouvoir d'achat des Algériens, car l'économie hors hydrocarbures ne peut se développer qu'après 4 ou 5 ans de la mise en place des réformes». Et d'insister «Si on commence les réformes maintenant !»

Abderrahmane Mebtoul, a insisté par ailleurs sur la primauté de la sous-traitance pour l'assemblage de véhicules. Selon sa conception des choses, il aurait fallu commencer par les unités de sous-traitance dans l'industrie automobile pour aller choisir deux ou trois constructeurs seulement. Et ce au lieu d'aller carrément «dans l'octroi d'agréments tous azimuts».

Le conférencier parle dans ce cas de craintes en affirmant qu'il est vrai qu'aujourd'hui, la facture de l'importation des véhicules a baissé, mais dit-il «si on ne produit à l'horizon 2018 -2020 que 400 000 véhicules par an, la facture d'importation en devises va être de 4 à 5 milliards de dollars en 2018 / 2019». C'est-à-dire, ce qu'on aura baissé d'un côté on le perdra de l'autre côté. En termes de balance de paiement, «on n'aura rien résolu». Donc, précise Mebtoul, «on aura juste permis des enrichissements sans efforts à certains». Et de préciser «que moi personnellement, je n'en veux pas aux opérateurs privés, mais j'en veux à l'Etat régulateur qui doit contrôler, car l'économie de marché ne veut aucun cas dire l'anarchie»

Il précise que «Général Motors a son compte en devises, mais ces privés qui font dans le montage, vont puiser des réserves de changes, dans le trésor public, alimentés par les hydrocarbures qui sont en fait la propriété de tout le peuple algérien». Pire, poursuit-t-il, «lorsqu'on demande à l'Etat algérien de bénéficier d'une distorsion du taux de change entre le taux officiel et le taux du marché parallèle, moi je ne peux m'imaginer qu'il y a une surfacturation», lance-t-il en précisant qu'il faut donc encourager exclusivement le secteur privé qui crée de la richesse intérieur.

Des questions ont été évoquées par les deux experts sur le modèle de véhicules que veut produire l'Algérie, notamment ceux censés être destinés à l'exportation.

Depuis la crise de 2008, le secteur automobile connait une restructuration, une mutation, des dissolutions et des recompositions à l'échelle mondiale, précisent les experts. Ils ont souligné qu'aujourd'hui, le secteur automobile connait des configurations technologiques.

La question qui se pose pour le cas de l'Algérie «est-ce que notre pays a défini son modèle de voitures, est ce que ça sera des voitures hybrides ou des voitures qui fonctionnent au GPLC, Gasoil, Electricité ou autres, si demain on veut exporter ?