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La nature, dit-on, a horreur du vide

par Ali Djaaboub*

Pendant que les héros qui ont fait trembler les ennemis de notre pays, à travers tous les temps, en défendant l'honneur de leur peuple et l'intégrité de leur territoire, portant haut la voix de la liberté et de la justice au prix d'innombrables sacrifices continuent d'être mal connus, pour ne pas dire méconnus, de leur descendance en général et de notre jeunesse, en particulier, à cause de l'insuffisance d'intérêt qui semble leur être accordée, aussi bien par les autorités compétentes, les intellectuels que les médias, dans leur globalité, en les laissant dans l'oubli.

Au moment où l'histoire de notre pays, à travers les siècles, continue d'être négligée, dans le cursus scolaire de notre progéniture ou insuffisamment vulgarisée, voire occultée par ceux censés la faire connaitre, exposant la majorité de notre peuple et principalement sa catégorie jeune aux manipulations néfastes dont les conséquences sont souvent désastreuses et qui sont orchestrées par des ennemis toujours à l'affût.

Alors que d'innombrables rues et édifices ainsi que des citées entières continuent de porter, encore de nos jours, plus de 50 ans après le recouvrement de l'indépendance, de simples numéros ou des appellations étrangères, sans aucun lien avec nos valeurs ancestrales, laissant des milliers de martyrs dans les oubliettes de l'histoire, inconnus de leur descendance, au lieu d'être fièrement honorés et brandit, au su et au vu de l'ennemi avant l'ami et alors que les prouesses de la majorité d'entre eux et leur bravoure mémorable restent enfouies avec eux, empêchant leurs descendants d'en être fiers et les générations de les prendre en exemple à cause d'un manque flagrant d'intérêt porté à l'écriture de l'Histoire et à la transmission de leur épopée aux générations, continuent de sévir.

Et pendant que nos responsables, cons-ciemment ou inconsciemment, persistent à laisser s'installer la culture du vide, quant à l'Histoire et au passé proche et lointain de notre peuple, ignorant les risques que cela engendre sur l'unité de notre pays et sa stabilité ainsi que sur la cohérence et l'harmonie de son peuple.

La France officielle et bien d'autres pays continuent de détenir, que dis-je de séquestrer, nos archives nationales privant le peuple algérien d'un pan de son Histoire; alors que l'envahisseur d'hier persiste à refuser de reconnaitre la négation de sa colonisation, durant l'occupation des territoires d'autrui, au cours des siècles passés, ce qui a constitué un frein à toute émancipation humaine, tout au long de cette nuit obscure qu'il a passée, en notre pays et en d'autres ; et que ses dirigeants successifs ont fait et font preuve d'un déni de justice, par leur manque de volonté pour assumer leur histoire coloniale, comme ils persistent à réfuter toute responsabilité dans les crimes commis envers les populations colonisées ; plus encore, les représentants de leurs peuples votent, toute honte bue, des lois positivant le fait colonial, en Afrique du Nord et plus particulièrement, en Algérie

Pire, cette France dite « pays de la dé-mocratie et des libertés » s'enorgueillit, sans pudeur aucune, de ses exploits macabres en exposant les crânes de victimes qu'elle et ses vassaux, ont décapité lors de ses différentes expéditions, chez nous et ailleurs, dans le Muséum de Paris. A ce propos, Michel Habart, rapporte dans son livre « Histoire d'un Parjure » qu'en 42 ans (entre 1830 et 1872) le nombre d'Algériens tués par les troupes de l'envahisseur et les félons qui lui ont prêté allégeance s'élevait à 10 millions d'individus. Il ne restait sur l'ensemble du territoire algérien, affirme-t-il, que quelque 2 millions d'autochtones. Ces chiffres dénotent, de manière incontestable, d'un véritable génocide comparable, uniquement à l'anéantissement dont furent l'objet les Indiens d'Amérique, sinon pire. Il est aisé, dès lors, de constater que l'ennemi visait à exterminer les habitants du pays pour les remplacer par les colons qu'il ameutait de tous les pays d'Europe, ses alliés. Une fois les résistants tués, les criminels les étêtaient pour s'emparer de leurs crânes. Ces crânes, exposés dans la capitale française, sont aujourd'hui, exhibés comme des trophées de guerre, dans un pays qui veut, pourtant, paraître comme le plus humaniste au monde, sans que le « monde civilisé » s'émeuve. Ces faits, à eux seuls, devraient exposer leurs auteurs à être passibles d'une condamnation du Tribunal international pour crimes contre l'Humanité.

Il serait judicieux de rappeler que, tout au long de la pacification de l'Algérie, le colonisateur français s'est ingénié à dépouiller nos compatriotes de toutes leurs valeurs et les a soumis à des lois indignes les considérant comme des sous-hommes. Au cours de la Révolution armée de 1954, cette puissance a continué à faire preuve d'une barbarie sans précédent, décimant des villages entiers, torturant, déplaçant des gens qu'elle capturait notamment dans les zones déclarées interdites qu'elle parquait dans les camps de misère, séparant des êtres chers, occasionnant, par la même, un dysfonctionnement dans la structure familiale dont l'harmonie a été balayée

Aujourd'hui, profitant de la moindre brèche et de la passivité des nôtres, les descendants des traîtres, soumis à l'ennemi, tentent de dorer le blason de leurs aïeux et de blanchir leur image de marque en les présentant aux nouvelles générations, non imprégnées de leur Histoire et au monde, de surcroît par le biais d'une chaîne d'information nationale, ce qui nous pousse à nous poser bien des questions, comme étant des rois et des nobles ayant contribué à l'essor humain alors qu'ils ne sont que la plus vile des espèces que la terre ait jamais portée. Ces traîtres qui par leur soumission à l'envahisseur, leur collaboration avec lui, leur trahison à la cause de leur Patrie et la cruauté dont ils ont fait preuve envers les leurs ainsi que leurs innombrables crimes qui leur ont prévalu les qualificatifs de coupeurs de têtes, d'oreilles, de massacreurs de vieillards, de femmes et d'enfants que sont les Bengana et autres harkis de tout acabit ont fait plus de mal que l'occupant lui-même. L'occupation de cet envahisseur n'aurait jamais réussie ou duré aussi longtemps, sans eux et leurs semblables.

La haine que nous portent encore les nostalgiques et leur progéniture, les harkis et leurs rejetons, les Ultras et les leurs, ainsi que beaucoup de descendants de nos anciens colonisateurs reste, encore, très vivace. La fausse amitié dont certains font semblant d'avoir, envers notre pays et notre peuple, disparaît pour faire place à l'animosité et la rancœur, dès que quelqu'un ose décrire ce qu'ils ont fait aux peuples colonisés par les termes idoines. C'est ainsi qu'il suffit de la moindre déclaration, définissant la colonisation de crime contre l'Humanité pour que les criminels terrés, ça et là, se mobilisent et fassent entendre leur voix pleine de venin. Il a juste fallu qu'un candidat à la présidence française dise, lors de sa visite en Algérie, que la colonisation est un crime contre l'Humanité et que la France se devait de présenter des excuses au peuple algérien pour que l'on assiste à un véritable branle-bas de combat des faux dévots et que les hypocrites de ce pays montrent leur véritable visage.

Depuis la tenue des ces propos par lesquels ce candidat a osé contredire ou plutôt confondre les adeptes de la colonisation positive prônée par les représentants de ses concitoyens, il n'y a guère longtemps, ayant abouti à la scélérate loi du 23 février 2005, beaucoup de salive et d'encre ont été dépensé, en France et continuent de l'être. Ce faisant, il a, semble-t-il, par la même, déçu les nombreux ultras et leurs enfants, les harkis traîtres à leur Patrie et leur descendance comme il a mis à nu tous ceux qui se cachaient sous la méprisable cape de l'hypocrisie en se prétendant amis de notre peuple. Nonobstant les propos de cette personnalité, ne sommes-nous pas en droit de questionner les détracteurs de ses déclarations, en leur disant comment ils définiraient l'usurpation des territoires, l'asservissement des peuples, les déportations, les viols, les bombardements de villages entiers et leur destruction complète, les enfumades des populations civiles, dans les grottes où elles se refugiaient et la destruction des récoltes pour affamer les gens, la promulgation des lois racistes, à l'exemple du fameux code de l'indigénat qui a été appliqué à notre peuple faisant de lui un peuple de seconde zone ?

Mais que devons-nous attendre de ce genre de démocrates, de ces « civilisateurs » ou dirais-je de ces esclavagistes et obscurantistes qui ont opprimé les peuples et qui, de nos jours encore, appuient la colonisation au Sahara Occidental et en Palestine ou encore ont participé à la destruction de la Libye, de la Syrie ou de l'Irak et qui rêvent encore de ce passé hideux et de leur œuvre néfaste mais à leurs yeux, ô combien glorieux ! Et qui, dans l'ombre, intriguent pour anéantir notre pays et notre peuple ? Certainement pas qu'ils reconnaissent leurs méfaits. Dans tous les cas, il nous appartient d'armer notre peuple et nos enfants en leur inculquant leur Histoire, à travers les siècles car c'est le seul moyen de les immuniser contre les dangers qui guettent et qui sont représentés par les falsificateurs de tout bord qui, sachant que la nature a horreur du vide, ne manqueront pas de le combler par leur fausse vérité.

*Fils de Chahid - Ancien détenu du camp de concentration d'El Ancer - Wilaya de Jijel