Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Guelma: Il y a 61 ans, le massacre de Besbassa...

par Mohammed Menani

C'était dans la nuit du 5 au 6 mars 1956 que le moudjahed Bensalem Abderrahmane avait décidé de déserter sa garnison en stationnement dans un casernement près de Khemissa (Souk Ahras), avec armes et bagages, à la tête d'une trentaine de soldats algériens dont un Européen, qui avaient convenu de rallier les rangs des unités combattantes de l'ALN. Cet officier baroudeur, originaire de la ville de Bouhadjar, située à l'extrême est du pays, avait fait ses premières armes lors de la seconde guerre mondiale, sous la bannière des tirailleurs algériens, bravant héroïquement les hordes hitlériennes de l'Afrika Korps de Rommel. Après la victoire sur le nazisme et le désenchantement provoqué par les sanglants massacres du 8 mai 1945, il prolongea d'instinct sa présence au sein de l'armée coloniale, jusqu'à cette action de rébellion et de désertion méticuleusement préparée, depuis la proclamation du 1er novembre 1954.

Devant la surprenante défection, le responsable de la place militaire de Souk Ahras avait engagé une implacable poursuite contre «ses soldats déserteurs, qui avaient osé vider l'arsenal d'armement «. A la faveur de la nuit et des maquis très denses de la région, la résistance de ces rebelles a été des plus farouche pour faire subir des pertes considérables dans les rangs de leurs poursuivants. A la levée du jour, la soldatesque coloniale reprenait la traque dans une opération de grande envergure, soutenue par l'aviation et des troupes au sol, ratissant les monts et les vallées de la région d'Oued Cheham, sans parvenir à retrouver le «lieutenant arabe « et sa section dissidente, qui s'étaient évanouis dans la nature. La rage meurtrière de l'ordre colonial s'était déversée sur la population civile des mechtas environnantes, regroupant 365 personnes dont des femmes et des enfants, au lieu-dit «Besbassa» dans la commune de Dahouara.

Les innocentes victimes ont été alignées et mitraillées à bout portant, à titre de représailles. L'instinct nazi de l'extermination avait guidé cet assassinat collectif de civils sans défense. Cet acte odieux ne fut qu'un remake de la sombre journée du 12 mai 1945, où le sinistre sous- préfet de Guelma organisa un supplice théâtral et lent contre les civils de l'ex-Villars (Oued Cheham) avec un peloton d'exécution milicien, à qui il avait crié «Vengez-vous ! messieurs les colons!».

Aujourd'hui encore, l'école de l'histoire coloniale ne cesse de nous chanter ses refrains sur les «bienfaits» de la colonisation qui avait duré 132 ans, à distribuer les massacres collectifs, les razzias, les enfumages, les exécutions sommaires, les scènes de torture et autres formes d'exactions déshumanisantes menant jusqu'au génocide identitaire.

Il nous importe peu que l'ancienne puissance coloniale manipule la sémantique controversée en refusant de voir son passé en face, car l'histoire retiendra qu'aucun ersatz ne pourrait décomposer la mémoire qui est immortelle. Nos commémorations seront toujours ponctuelles pour que nul n'oublie. Par devoir de mémoire, l'on doit rendre lisibles toutes les strates de notre histoire, du long combat mené par notre peuple, poussé par une foi inébranlable, afin de se libérer de l'oppression séculaire, brutale et criminelle d'un colonialisme qui avait voulu lui extirper jusqu'à sa mémoire pour lui dénier toute identité. Les pouvoirs publics avaient mobilisé une enveloppe financière pour la réalisation d'un mémorial avec son musée sur une esplanade de près de 5000 m², implanté sur le site de l'événement douloureux.

Cette distinction tend à enrichir nos jalons et nos repères historiques, afin de pérenniser les symboles des sacrifices consentis par les enfants de ce pays, en vue de le débarrasser du joug colonial et lui restituer sa souveraineté et sa dignité. Ceci est assez expressif lors de la cérémonie commémorative du 61ème anniversaire de ce sanglant massacre perpétré froidement contre une population civile sans défense. L'imposant mémorial érigé sur les lieux du crime présente la haute distinction qui tend à enrichir nos jalons et repères historiques, afin de pérenniser les symboles des sacrifices consentis par les enfants de ce pays, dans le but de se délivrer de l'asservissement et d'accéder dans la dignité à une souveraineté méritée. Par devoir de mémoire et dans la vigilance constante, l'on se doit de rendre lisibles toutes les strates de notre histoire, de la longue marche de notre peuple qui avait relevé un grand défi en soutenant à l'unisson son élite combattante jusqu'à la victoire.

C'est ce même peuple qui s'était mobilisé hier pour construire le mur de sauvegarde de la nation, pour se prémunir de l'immonde crime de l'obscurantisme rétrograde. C'est ce même peuple qui se dresse aujourd'hui contre les provocations et les menaces internes et externes répétées, en réitérant son soutien indéfectible à son armée populaire qui protège la citadelle sanctifiée et purifiée par le sans de tous ses martyrs. C'est ce même peuple, dans la diversité de son intelligentsia, qui se prépare à aller aux prochaines joutes électorales pour consolider les fondements de ses institutions républicaines. N'en déplaise aux adeptes du chaos et les apprentis sorciers qui continuent effrontément à porter les œillères qui mènent à l'impudent obscurantisme, les empêchant de voir le deal intergénérationnel qui s'est frayé son chemin dans un mouvement cadencé en s'identifiant plus à ses aînés et ses icônes tels Benboulaïd, Ben M'hidi, Abane, Didouche, Souidani et les autres, plus qu'aux insignifiants derviches hurleurs et autres faux dévots alignés sous la bannière du pervers courant wahhabo-sioniste.