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Gouvernement-Patronat-Syndicat: Une nouvelle tripartite et des «blocages»

par Ghania Oukazi

«J'espère que cette tripartite provoquera une véritable réactivation de l'Economie nationale, nous sortira des sentiers battus, mettra fin au verbiage, au subjectivisme néfaste et à l'opportunisme qui bloque l'investisseur à cause de sautes d'humeur de celui qui est censé l'aider.»

Les propos sont chargés d'insinuations, voire d'accusations implicites. Ils sont du secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd. Il les a voulus forts et tranchants, à la veille d'une tripartite qui devra dresser le bilan de ce qui a été fait, depuis le 5 juin 2016, date de la tenue de la 19ème Tripartite. Les partenaires de la 20ème Tripartite qui se tiendra le 6 mars prochain, à Annaba, décideront, probablement, de la mise en place d'un comité de veille pour l'investissement qui devra être placé, sous l'autorité du Premier ministre.

«S'il arrive à être mis en place, le comité de veille évitera le fléchissement de l'investissement, dans une conjoncture qui est favorable à sa promotion,» nous dit Sidi Saïd. Le SG de la Centrale syndicale estime que «l'investissement doit être lié à des valeurs productives et bénéficier de facilitations les plus larges possibles.» Mais, affirme-t-il «ce n'est pas le cas.» Ses exemples d'investisseurs qui sont obligés de suivre le parcours «éreintant» du combattant, sont nombreux. Il appelle le gouvernement à «sortir l'investissement des blocages pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la réalité, de lever le dictat de certains responsables sur le foncier.» Il note que l'Etat régulateur doit exiger de l'investisseur le respect d'un triptyque clair.

Cérémonie de remise en marche du haut fourneau d'El Hadjar

«Il s'agira, pour tout investisseur, de créer de l'emploi, de payer ses impôts et de s'acquitter de ses cotisations sociales, ce n'est pas sorcier, pourquoi alors laisser courir des investisseurs pour pouvoir décrocher un pré-agrément (l'exemple d'une usine de montage de véhicules de marque japonaise, prévue à Saïda, dans une région qui a tellement besoin de l'emploi !), ou une autorisation d'approvisionnement dont le demandeur doit passer par le ministère de l'Industrie, le ministère de l'Agriculture, l'OAIC, le ministère des Finances... ?!?, pourquoi tant d'intervenants, pourquoi ces lourdeurs bureaucratiques persistent-elles alors qu'on parle d'un nouveau modèle économique de croissance ?» s'interroge-t-il.

L'une des propositions que l'UGTA soumet à la prochaine tripartite est, d'ailleurs, «la promotion de l'investissement en facilitant et en améliorant son environnement, celui de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprise.» Ce qui devra permettre, selon son SG de «moderniser et d'alléger le dispositif national de promotion de l'investissement.» Il appelle à la simplification de la création d'entreprise, de la relation des entreprises avec l'administration publique et avec les banques.

Les travaux de la Tripartite, prévue pour le 6 mars prochain, à Annaba se tiendront à l'hôtel ?Sheraton' de la ville. Dans l'après-midi, les partenaires économiques et sociaux se dirigeront vers le Complexe d'El Hadjar pour procéder à la remise en marche (l'allumage) du haut fourneau dont la longue période d'arrêt a provoqué de grandes spéculations.

El Hadjar a réussi à garder son statut de complexe grâce à la vigilance de son syndicat d'entreprise et ce, malgré une décision du CPE (Conseil des participations de l'Etat) qui voulait en faire une simple unité rattachée à une simple entreprise du secteur, située à Oued Smar.

Sidi Saïd veut une nouvelle architecture pour le secteur public marchand

Pour mettre fin aux dysfonctionnements qui minent, selon Sidi Saïd, le secteur industriel public, l'UGTA réclame la révision de la structure des groupes de gestion des entreprises du secteur public qui ont remplacé les SGP (Sociétés des participations de l'Etat) et qui sont sous la tutelle du ministère de l'Industrie et des Mines. C'est la proposition-phare, parmi les 26, qu'elle remettra aux acteurs de la Tripartite, le 6 mars prochain, à Annaba et qui devront se décliner selon elle, à travers 109 actions «en vue de promouvoir et protéger l'Economie nationale.» L'Organisation syndicale demande ainsi, de «mettre en place des groupes industriels publics sur la base d'une nouvelle architecture du secteur public marchand industriel.» Elle estime que cette nouvelle organisation permettra de «réglementer l'organisation, le fonctionnement et les missions des nouveaux groupes ayant remplacé les SGP. Le mode opératoire devra prévoir «la dissolution des SGP résiduelles dont le portefeuille (une grande partie ayant été transférée, à d'autres secteurs ou privatisée) ne présente pas un potentiel capable de croissance, à l'exception des SGP régionales qui seront maintenues dans une période transitoire, constituer sur la base des portefeuilles, relevant du ministère de l'Industrie, des groupes industriels possédant la taille critique, des synergies et des complémentarités ainsi qu'un potentiel de déploiement sur les marchés nationaux et internationaux.» L'UGTA redemande la dépénalisation de l'acte de gestion parce que, dit son SG, «les amendements proposés de l'article 119 bis, du Code pénal, ne constituent qu'une étape destinée à mettre fin à des situations incompatibles avec l'exercice de responsabilités de gestion d'entreprises.» Elle réclame «la révision du dispositif légal et réglementaire régissant la normalisation, l'évaluation de conformité, l'accréditation ainsi que le système national de métrologie.» Elle veut, en parallèle, qu'il soit permis à l'INPED «de jouer, pleinement, son rôle de formateur dans les métiers de l'Industrie et ce, en modifiant le décret de sa création pour viser, notamment, la reconsidération de la stratégie de son intervention, en matière de mise à niveau et de développement des entreprises du secteur industriel, en particulier.»

La feuille de route de Belaïb

Le Commerce extérieur figure, aussi, parmi les préoccupations de l'UGTA, au profit duquel elle réclame la simplification et la modernisation des procédures. Au passage, Sidi Saïd encourage la limitation des importations «le plus possible» pour protéger la production nationale. L'on rappelle que le président de la République avait, en Conseil des ministres, exigé du gouvernement de reprendre les propositions de l'UGTA, concernant la promotion de la production nationale. Les restrictions d'importation d'un grand nombre de produits y compris les dernières décisions de Teboune, concernant l'arrêt des importations de certains fruits sont contenues dans une feuille de route qui a été préparée et ficelée par le défunt ministre du Commerce, Bakhti Belaïb appuyée dans sa tâche par le SG de la Centrale syndicale. «Très fatigué qu'il était, Bakhti voulait, absolument finaliser cette feuille de route fixant les nouvelles règles de l'importation, il a réussi à le faire, avant qu'il nous quitte,» nous disait, hier, Sidi Saïd. L'on souligne que la feuille de route de Belaib a été approuvée par le président de la République et remise à Teboune pour être exécutée aux fins de «protéger la production nationale et promouvoir et encourager la consommation du produit national.» Les services des Douanes ont, dans un bulletin récent, souligné une forte baisse des importations de 2015 à 2016. Comme autre proposition, l'UGTA demande au gouvernement «d'accompagner, efficacement, les entreprises à haut potentiel de croissance et d'exportation, de consolider le dispositif de régulation et de concertation, développer l'offre exportable et soutenir le potentiel national d'exportation.»

«C'est que les blocages sont tenaces»

La Centrale syndicale appelle, en outre, le gouvernement à «encadrer le dispositif d'octroi du foncier destiné à l'investissement, à lutter contre la spéculation foncière, à consolider les structures locales de régulation foncière et en simplifier les procédures.» Les parcs industriels doivent, selon elle, être «organisés, développés et modernisés.»

Les petites et moyennes entreprises (PME) doivent, aussi, bénéficier de dispositifs d'appui. La valorisation et le développement de l'offre nationale de formation d'excellence, le développement de la formation dédiée à l'Industrie et entrepreneuriat, et le développement de la ressource humaine,» figurent, aussi, sur le tableau des propositions de l'Organisation.

«Il reste deux ans, au gouvernement, pour la mise en œuvre du programme quinquennal du président, il nous faut accélérer les réformes,» estime Sidi Saïd. Des propositions redondantes ? Du déjà vu et entendu ? «Certes !» répond-il. «Mais si nous les reformulons, encore, aujourd'hui, c'est que les blocages sont tenaces, l'économie n'avance pas comme il se doit et l'investisseur est obligé d'emprunter des circuits sans fin, il faut que ça change !,» dit-il. Le patron de la Centrale syndicale évoque «la mauvaise conjoncture financière que vit le pays, les pesanteurs de la bureaucratie, des relations de copinage qui minent les entreprises, le mauvais choix des gestionnaires, dans certains domaines, le favoritisme dans la gestion des dossiers économiques?». Il en conclut «c'est la dernière chance que nous avons, si on passe à côté, c'en est fini de notre économie.» Notons que le gouvernement n'a pas encore validé son «nouveau modèle économique de croissance» dont a fait part le Premier ministre, il y a quelques mois. «Il est, toujours, en maturation,» nous dit-on du côté du Palais du gouvernement.