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Pourquoi le programme économique de Donald Trump remontera le prix du pétrole à 100 dollars et dopera l'économie mondiale ? (5ème partie)

par Medjdoub Hamed*

Il sera remplacé par le Mécanisme Européen de Stabilisation, en 2012. Le 22 janvier 2015, un nouveau QE sous une appellation européenne (qui ne change rien au principe de l'assouplissement monétaire non conventionnel) est lancé par la Banque centrale européenne (BCE). Il prend effet en mars 2015 et court jusqu'à septembre 2016. Le rachat d'actifs par mois est fixé à 60 milliards d'euros par mois. Le 8 décembre 2016, le programme d'achat d'obligations souveraines a été prolongé jusqu'en mars 2017, le montant porté à 80 milliards de dollars par mois, avant d'être ramené à 60 milliards par mois entre avril et décembre 2017. La BCE a déjà consacré à ce programme d'assouplissement quantitatif (QE) 1.400 milliards d'euros depuis son lancement en mars 2015. (6) Le Royaume-Uni a procédé à plusieurs QE. De même pour le Japon, des QE dits abenomics (du nom du Premier ministre, Shinzo Abe) ont été lancés.

Que peut-on dire de ces liquidités de monnaies internationales injectées par les quatre grandes Banques centrales du monde ?

On peut dire indéniablement qu'elles ont joué un rôle déterminant dans la reprise économique occidentale et, par ricochet, sur la croissance mondiale ? On peut même énoncer que c'est le reste du monde qui en a bénéficié le plus, et ce en regard des réserves de change qu'il a accumulées après 2009. En effet, avec des prix du pétrole qui sont restés très hauts, hormis la courte période entre fin 2008 et mi-2009, à 40 dollars, le prix du baril est rapidement remonté, se situant à plus de 70 dollars fin 2009. A 90 dollars en 2010, 110 dollars en 2011. Il fluctuera ensuite entre 110 et 130 dollars jusqu'à l'été 2014, date à laquelle il a commencé à baisser. En décembre 2014, le prix du pétrole a fortement baissé, autour de 60 dollars.

La situation qui se pose est que si les pays occidentaux ont, entre 2008 et 2014, utilisé massivement des Quantitative easing pour relancer leurs économies, il demeure que les pays hors-Occident, principalement émergents et exportateurs de pétrole, ont de nouveau accumulé, durant ces années, des formidables excédents commerciaux, se traduisant par une forte augmentation de réserves de change. C'est ainsi que les réserves de la Chine sont passées de 1.966,20 milliards de dollars en 2008, à 3.952,130 milliards de dollars. (7) Bien que le taux de croissance de la Chine ait chuté, passant à 7,2% en 2012, la Chine a continué d'enregistrer des excédents commerciaux imposants surtout avec les États-Unis. Les réserves de change de la Russie passent de 427 milliards de dollars en 2008, à 537,618 milliards de dollars en 2012. Elles n'ont baissé qu'à partir du deuxième semestre de 2014 suite à des attaques spéculatives et à la baisse des prix du pétrole et du gaz. Les réserves de change des pays exportateurs de pétrole s'établissent comme suit : l'Arabie Saoudite, premier producteur et premier exportateur des pays de l'OPEP, 743 milliards de dollars en 2014 ; les autres pétromonarchies arabes, 750 milliards de dollars ; Algérie, ses réserves passent de 143,102 milliards de dollars en 2008, à 193,269 milliards de dollars en juin 2014. La dette extérieure, pratiquement remboursée, s'établit à 3,719 milliards de dollars. (8)

Ces réserves de change font bien état d'un enrichissement du reste du monde face à un Occident qui s'appauvrit. Oui, il y a, bien sûr, l'Allemagne, le moteur principal de la zone euro, qui, elle, est un cas particulier.

Que peut-on énoncer de ce déséquilibre entre l'Occident et le reste du monde sinon que c'est un processus naturel auquel les grandes puissances financières occidentales ne peuvent rien, sinon qu'elles sont astreintes d'augmenter les liquidités pour sauver leurs économies. Et ce sauvetage a inféré sur les économies du reste du monde. La guerre lancée contre l'Irak, la forte consommation américaine, et les déficits courants que les États-Unis ont enregistrés sont les principales causes de ce déséquilibre financier dans le monde. Les déficits américains, pour rappel, sont passés de 474 milliards dollars en 2002, à 530 milliards en 2003, à 666 milliards en 2004, à 804,9 milliards de dollars en 2005, à 856,7 milliards de dollars en 2006, 6,5 % du PIB, 711,6 milliards de dollars, 5,3 % du PIB, en 2007. Il faut encore indiquer le déficit budgétaire américain pour l'exercice 2008 / 2009. Clos fin septembre, il a marqué un record, à 1.409 milliards de dollars, soit 9,9% du PIB américain.

D'autre part, on ne doit pas perdre de vue que ces déficits financés par les Etats-Unis, conjugués aux recettes pétrolières des pays exportateurs de pétrole, ont dopé les économies du reste du monde, dont la formidable croissance économique de la Chine. Il en va de même pour les Quantitative easing américains, européens, anglais et japonais, auxquels sont venus s'adosser les prix du pétrole et l'or dont les hausses ont joué comme contreparties physiques dans le but d'éviter une inflation généralisée des prix des biens et services dans le monde, comme dans les années 1970.

Parallèlement à la forte hausse du prix du pétrole, entre 110 et 130 dollars le baril, le prix de l'once d'or est passé de 1000 dollars en 2008 à 1200 dollars en 2009, 1400 dollars en 2010 et 1900 dollars en 2011. Le record de l'once d'or a été atteint le 6 septembre 2011 à 1921,17 dollars. Cette hausse du prix du pétrole-or métal nous rappelle le grenier du roi. Sans la hausse du prix du pétrole et de l'or, les Quantitative easing opérés par les Banques centrales occidentales auraient été impossibles. Sauf si ces Banques auraient opté pour une inflation généralisée, qui serait pire que l'inflation des années 1970. Ce serait insensé pour l'économie mondiale. Tout le monde y perd, et ce serait la fin de la suprématie du dollar sur le monde.

2008 - 2017 : la face cachée des Quantitative easing. Déflation mondiale programmée et désendettement extérieur de l'Occident

Donc, tout a bien marché pour les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole, et moins bien pour les pays occidentaux, en particulier l'Europe, au point que s'est opéré le Brexit le 23 juin 2016, entérinant la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nombre d'économistes, de politiques, sont d'avis contradictoires sur le bien-fondé de l'apport financier des programmes de d'assouplissement monétaire quantitatif non conventionnel. Pour les uns, l'apport des QE était la seule voie possible pour sortir le système bancaire de la crise (sauvetage) et procéder à la relance de l'économie occidentale. Pour d'autres, les États-Unis utilisent les QE à un rythme effréné, fabricant de l'argent presque gratuitement, sans réel impact sur l'industrie. D'autre part, nombre d'analystes pour la zone euro pensent que la Banque centrale européenne ne fait pas de strict QE. Ils reconnaissent cependant que la BCE donne de l'argent gratuit aux banques qui ne le réinjectent pas dans l'économie réelle. Ils trouvent la justification dans le fait que l'Allemagne, ayant peur de l'inflation, l'Europe ne peut faire de QE stricto sensu.

Si on suppose que c'est le cas, une question s'impose : quel est l'intérêt des banques européennes à garder des liquidités créées presque gratuitement, échangées contre des bons de Trésor ou de titres privés ? Et c'est ce qui se passe d'ailleurs aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon ? Il est évident qu'il y a forcément un but dans ce stockage d'argent presque gratuit dans les banques occidentales, qui n'est pas réinjecté dans la sphère de l'économie réelle. Ce qui ne fait que pénaliser les entreprises américaines, européennes et japonaises, et maintenir une situation de marasme économique. Comme on le voit en Europe, au Japon. Aux États-Unis, malgré un taux de chômage à 4,9%, la Fed américaine n'est toujours pas satisfaite et maintient le taux d'intérêt toujours très bas.

On doit donc déduire que le système financier occidental doit trouver certainement plus rémunérateur de stocker ces liquidités que de les injecter dans l'économie réelle. Surtout que les rachats de dettes souveraines et de titres privés augmentent le bilan des Banques centrales. Les Banques centrales ne trouvent rien à redire et, à longueur de discours, haranguent les marchés que ces liquidités servent à relancer les économies occidentales.

Mais alors où se trouvent la réponse, l'énigme de ce processus qui explique pourquoi les banques occidentales préfèrent garder ces liquidités au lieu de les réinjecter ? Pourquoi les banques thésaurisent ? Pourquoi elles détiennent une fraction importante des QE oisives ? Alors que le rôle des banques est de fructifier l'argent, d'accorder des crédits pour soutenir la croissance.

Revenons au modèle royal médiéval. Supposons que le roi et les princes ont émis des liquidités importantes pour leurs dépenses royales et princières. Les artisans et paysans, compte tenu de leur faible consommation, ont beaucoup épargné. Cette création monétaire pose un problème pour le roi et les princes. S'ils continuent à émettre de l'argent, malgré la levée d'impôts, ce sera toujours leurs sujets qui bénéficieront de ces liquidités. Supposons que le roi et les princes s'entendent et trouvent une issue à ce problème. Pour pondérer la frappe de monnaie, qu'elle ne soit pas excessive, ils décident d'émettre des titres royaux et princiers contre intérêt (comparables aux bons de Trésor américains, européens, japonais actuels). Les paysans et artisans achètent ces titres royaux et princiers contre de la monnaie. Par ces titres, le roi et les princes se trouvent endettés auprès de leurs sujets.

Supposons que le roi et les princes s'entendent une nouvelle fois et décident d'augmenter la frappe de monnaie plus que nécessaire, mais gardent le surplus de liquidités dans leurs coffres. Le roi augmente le prix du blé qui sert de contrepartie physique aux émissions monétaires. Et les princes, de leur côté, font de même. Ce processus va durer le temps que le roi et les princes aient accumulé suffisamment de liquidités (non utilisées) dans leurs coffres. Supposons que disposant de liquidités suffisantes, ils décident de diminuer la frappe monétaire et, parallèlement, diminuent le cours du blé. Une diminution de la frappe monétaire n'exige plus de hausse du prix du blé, comme contrepartie physique à la création monétaire. Que se passera-t-il lorsque l'argent deviendra rare et le prix du blé bas. Il va se produire une baisse des prix dans le royaume. L'activité économique va forcément diminuer. Et les artisans et paysans vont se trouver obligés de se tourner vers les finances du roi et des princes pour échanger leurs bons de Trésor royaux et princiers contre de l'argent liquide. Ce qui va leur permettre de compenser la rareté de liquidités et d'augmenter les transactions commerciales. Par ce processus, le roi et les princes, récupérant les titres d'emprunt que leurs sujets leur ont rendus, vont se désendetter. A la fin de ce processus, la situation financière du royaume se rétablit et un nouveau cycle de financement commence.

Ce processus financier montre que les artisans et paysans ont accumulé de l'argent grâce aux dépenses royales et princières dans une première phase, ce qui a augmenté l'activité économique et l'emploi dans le royaume. On peut l'assimiler à la phase ascendante d'un cycle économique. Cependant, l'accumulation de gains financiers sous forme de bons de Trésor et l'endettement du roi et des princes ne peuvent être une fin en soi. Pour que le système économique fonctionne, il faut que s'opère le processus inverse, expurger du moins en partie les gains financiers en les remettant en circulation. C'est ce qui s'est passé avec la désaccumulation des gains financiers que les artisans et paysans ont enregistrés durant la phase de croissance. La phase descendante du cycle était nécessaire. Dans le sens qu'il n'y avait pas d'issue. Le système ne peut fonctionner avec un roi et des princes qui s'endetteraient indéfiniment auprès de leurs sujets.

C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui. La fin des Quantitative easing aux États-Unis en septembre 2014 s'est opérée concomitamment avec la chute des prix pétroliers. La fin du QE met fin mécaniquement au surplus de la hausse des prix du pétrole. Par conséquent, un baril à 60 dollars était ce qui est requis aux injections monétaires normales, c'est-à-dire dans un cadre d'assouplissement quantitatif, cette fois-ci conventionnel. Et les déficits commerciaux des pays exportateurs de pétrole ainsi que des pays émergents nécessitant le recours aux réserves de change entrent dans un processus tout à fait naturel. A l'instar des sujets du roi et des princes, les pays émergents et pétroliers se trouvaient dans l'obligation de présenter leurs bons de Trésor auprès des guichets des banques américaines, européennes et japonaises pour percevoir les montants dont ils ont besoin pour financer leurs économies. Ainsi s'opérait une diminution progressive des réserves de change des pays du reste du monde, en concomitance avec un désendettement progressif des États-Unis, de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon. C'est la phase descendante du cycle.

D'autre part, ce processus de Quantitative easing ne peut nous surprendre. En effet, le phénomène de dévaluation monétaire est similaire sauf qu'il agit non sur la masse monétaire mais sur l'unité monétaire. On sait que le prix d'un bien est le produit d'une masse de monnaie donnée par la valeur de l'unité monétaire. Prenons un pays qui a des problèmes de liquidités en réserves de change. Supposons qu'il a perdu des réserves de change et que la masse monétaire de monnaie reste inchangée, voire même augmentée, pour financer l'économie de cet Etat. La monnaie de cet Etat est surévaluée. Supposons que la Banque centrale de ce pays augmente fortement le taux d'intérêt et lance des emprunts publics. Particuliers, entreprises, banques, etc., qui sont attirés, par exemple, par un taux d'intérêt de 15% vont s'empresser d'acheter ces titres publics. Cet Etat évidemment va s'endetter et sera confronté chaque année à une lourde charge de la dette sans compter les capitaux qu'il doit rembourser à des échéances données. Pourra-t-il honorer ces dettes ? Il le pourra s'il y a croissance. Et le plus souvent, ce n'est pas le cas. Une seule issue, il procède à la dévaluation de la monnaie. Il dévalue, par exemple, la monnaie de 40%. Par cette décision, toute la masse monétaire de cet Etat s'est dégonflée de 40%, ce qui a impacté mécaniquement la dette publique, les avoirs des agents publics et privés.

 Les Quantitative easing opérés par les Banques centrales occidentales visent le même processus sauf que la dévaluation n'agit pas sur l'unité monétaire mais sur la masse monétaire. Si la BCE continue aujourd'hui le QE, c'est simplement qu'elle a pris du retard par rapport à la Fed. C'est ainsi qu'apparaît que les Quantitative easing ou assouplissement monétaire non conventionnel ont non seulement permis le sauvetage des banques occidentales et la relance de l'économie mondiale, mais ont atténué ultérieurement le déséquilibre macroéconomique entre l'Occident et le reste du monde. La déflation mondiale qui a sévi après la crise financière qui est sur le point de se terminer aujourd'hui s'est avérée un passage obligé. En conséquence, la crise pétrolière et la fin des Quantitative easing étaient nécessaires, une accumulation prolongée de réserves de change par le reste du monde était contre-productive pour l'économie mondiale.

A suivre...

*Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective

Notes :

6 « La BCE prolonge son programme de rachat jusqu'en décembre 2017 », par la tribune.fr. Le 08/12/2016

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/la-bce-laisse-ses-taux-inchanges-623283.html

7.http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/Chine/balance-des-paiements-courants.html

8. Tendances monétaires et financières au second semestre 2007- au second semestre 2008- au second semestre de 2009- au premier semestre 2014- au premier semestre 2015 http://www.bank-of-algeria.dz