Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pourquoi le programme économique de Donald Trump remontera le prix du pétrole à 100 dollars et dopera l'économie mondiale ? (4ème partie)

par Medjdoub Hamed*

Le marché pétrolier du Moyen-Orient et du Maghreb étant vital pour l'économie américaine, une menace sur le dollar porterait un lourd préjudice à la suprématie du dollar et, par conséquent, à l'hégémonie américaine sur le monde. Dès lors, il était urgent et vital pour la puissance américaine que la Fed américaine limite les émissions monétaires en dollars et pousse les marchés à baisser le cours du pétrole. Il était hors de question une relance de l'économie américaine avec des émissions massives de dollars adossées à une hausse du prix de pétrole. Une telle situation favoriserait la zone euro et permettrait d'asseoir progressivement l'euro comme deuxième monnaie de facturation du pétrole. La zone euro achetant toujours du pétrole en Irak, facturé en euros. On comprend mieux pourquoi les corrections des Bourses mondiales inexpliquées étaient entretenues durant deux années, 2001-2002, dans le sillage des corrections de la Bourse de Wall Street.

Aussi constate-on, dès novembre 2000, après que l'Irak a commencé à facturer le pétrole en euro, le prix du pétrole a commencé à baisser, passant de 33 dollars en août 2000 à 18,7 dollars en octobre 2001. (4) On comprend mieux pourquoi le président français Jacques Chirac, le chancelier allemand Gerhard Schröder et le président russe Vladimir Poutine étaient contre la guerre l'Irak. Les armes de destructions massives (ADM) n'étant qu'un prétexte pour mettre fin à l'euro, devenu grâce au gouvernement irakien, une monnaie de facturation du pétrole.

Au déclenchement de la guerre contre l'Irak en mars 2003, le prix du baril de pétrole atteignait les 32,7 dollars. Les dépenses américaines pour les préparatifs de guerre contre l'Irak expliquent le début de l'envolée du prix du pétrole. Là encore, les forces historiques mal cernées, la situation de guerre en Irak va être extrêmement préoccupante et douloureuse pour la région. Que le pétrole irakien soit de nouveau facturé en dollar ne changera rien au cours des événements. Non seulement la guerre lancée contre l'Irak est un échec, mais l'Amérique aura à faire face à deux crises, les plus graves de son histoire après 1929. La première immobilière, en 20007, la seconde financière, en 2008.

Deux crises dues aux dépenses de guerre et à la forte consommation des ménages américains qui reposait sur une formidable bulle spéculative immobilière entretenue. Les émissions monétaires américaines, à partir de 2003, étaient telles que la hausse du prix du pétrole ne suffisait pas pour arrêter la dépréciation du dollar. Le prix du baril de pétrole a atteint 80 dollars en 2006, plus de 100 dollars le baril entre 2007 et 2008. L'euro, en novembre 2003, cotait 1,20 dollar, en 2004, 1,35 dollar. Tout au long des années 2003-2008, il fluctuait entre 1,30 et 1,40 dollar.

Précisément pour maintenir le taux de change euro-dollar dans cette fourchette, et éviter que le dollar se déprécie fortement par rapport à l'euro, la Fed, via les Bourses, dut recourir à la hausse du prix de l'or. Celle-ci, à l'instar de la hausse du prix du pétrole (qui ne pouvait dépasser les 130 dollars, et lui éviter des sommets de 140, 150 dollars ou plus), permettait, en tant que contrepartie physique, de limiter la dépréciation du dollar américain compte tenu des formidables injections monétaires de la Fed pour soutenir l'effort de guerre, la consommation et l'investissement dans l'immobilier américain. C'est ainsi que le cours du prix de l'once d'or est passé d'environ 300 dollars en 2002, à 1000 dollars en 2008.

Il est évident que la montée artificielle de l'immobilier américain grâce aux injections monétaires massives opérées par la Fed, multipliées par le secteur financier américain, ne pouvait se poursuivre indéfiniment. La Fed, prenant des précautions, parallèlement à ces injections massives de liquidités, a commencé à relever le taux d'intérêt directeur, le 30 juin 2004. En 17 hausses, le taux directeur a atteint 5,25% le 29 juin 2006. Cette hausse du taux d'intérêt américain mettant en difficulté les ménages américains sera le détonateur qui fera éclater la bulle immobilière en 2007. Le monde entier prit connaissance de ce mot barbare, les «subprimes», dits les crédits hypothécaires à risque. L'été 2008 arrive, la crise immobilière se transforme en crise financière. L'économie américaine s'est arrêtée par une perte de confiance entre les banques dont les bilans, pour la plupart, sont truffés de créances à risque.

Pour re-financer l'économie américaine, la Fed avait déjà injecté des liquidités en 2007 pour venir en aide aux banques. Elle poursuivra cette stratégie d'assouplissement monétaire non conventionnel ou Quantitative easing en 2008. Le plan Paulson arrêté par le Congrès américain, en automne 2008, fait partie du Quantitative easing 1. Et là encore ces injections monétaires ex nihilo ont nécessité une hausse massive de contreparties physiques dont le pétrole qui a atteint, à l'été 2008, 147 dollars le baril, et le cours de l'or, 1000 dollars l'once. Malgré ces contreparties auxquelles le dollar était adossé, celui-ci s'est fortement déprécié, atteignant 1,60 dollar pour un euro.

Que peut-on dire de ces événements difficiles qui se sont succédé entre 2000 et 2008 ? Que la crise monétaire entre les États-Unis et l'Europe d'une part, et la guerre anglo-américaine contre l'Irak pour la mainmise américaine sur le pétrole irakien, d'autre part, ont eu des conséquences lourdes sur le monde musulman. Un monde éclaté qui s'est entredéchiré, comme on le constate aujourd'hui, en guerre des uns contre les autres. Un monde qui se cherche et n'a pas trouvé une assise géopolitique et géoéconomique stable. Néanmoins, au-delà des guerres et des souffrances des peuples, de nouveau les Etats-Unis, par les guerres et les déficits extérieurs élevés et le monde arabe, les pays d'OPEP et la Russie, qui ont bénéficié paradoxalement d'un imposant pouvoir d'achat tout le long des années 2003-2008 grâce au cours élevé du prix du pétrole, sont devenus un formidable moteur pour la croissance économique de l'Europe, l'Amérique du Sud et l'Asie, particulièrement la Chine. Ce qui eut un effet d'entraînement. De tirée, par exemple, la Chine devient à son tour tirant par la formidable demande de pétrole et de matières premières pour son industrie. Ce qui nous fait conclure que le grenier pétrole-or métal, comparable au grenier de blé du roi, a été mutatis mutandis un instrument transhistorique, réactualisé en ce début de XXIe siècle, au service du développement de l'humanité.

2008 - 2017 : les Quantitative easing, un formidable levier de sauvetage des banques et de relance économique

Qui a gagné dans la crise financière de 2008 ? Nous savons que les économies occidentales ont été fortement secouées par la crise, en raison du dopage spéculatif de l'immobilier et de la consommation tirée artificiellement par les subprimes et étendue aux autres pays du monde. En 2009, dans un contexte de récession généralisée, les pays occidentaux ne s'en sont sortis que grâce aux politiques d'assouplissement monétaire non conventionnel massives (Quantitative easing). Quant aux pays émergents, surtout asiatiques, en particulier la Chine, qui ont bénéficié des délocalisations occidentales et de joint-ventures d'entreprises avec l'Europe, le Japon, les États-Unis et les dragons asiatiques, ils ont accumulé des réserves de change considérables. De même pour les pays exportateurs de pétrole qui ont vu les prix de pétrole s'envoler à des sommets historiques et ont amassé des excédents commerciaux considérables. Le monde hors-Occident, en particulier les pays émergents et exportateurs de pétrole, ont accumulé des réserves de change importantes. Ils ont en plus remboursé en grande partie leurs dettes extérieures. Ils sont donc les principaux bénéficiaires de ce premier cycle de croissance en ce début du XXIe siècle.

La Fed américaine a tenté de contrer la crise immobilière en 2007. Mais le mal est fait. Les 10 baisses du taux d'intérêt directeur, à partir de 18 septembre 2007, le ramènent de 5,25 % à 0,25% le 16 décembre 2008. Il restera inchangé pendant sept années. Le 16 décembre 2015, c'est-à-dire sept années après jour pour jour, la Fed relève le taux d'intérêt directeur de 0,25% à 0,50%. De nouveau, le 16 décembre 2016 -une date devenue fétiche- donc une année après jour pour jour, il passera de 0,50% à 0,75%. Pour parer à la crise, différents plans de sauvetage des banques (dont le plan Paulson) sous l'administration Bush, et plans de relance après l'investiture d'Obama, ont été mis en œuvre dans le cadre du Quantitative easing 1 (QE1). Mais en 2009, la situation économique se détériore, la plupart des économies occidentales entrent en récession.

Dès l'année 2009, les banquiers centraux se concertent à l'échelle planétaire (G7, Davos, Jackson Hole?). C'est la Réserve fédérale américaine qui prend l'initiative et lance le deuxième Quantitative easing (QE2) en 2010. En effet, après le Quantitative easing1 (QE1) américain qui a débuté en 2007 et prit fin en juin 2009, d'un montant de rachats de créances publiques et privées de 1.700 milliards de dollars, un deuxième programme QE2 est lancé le 3 novembre 2010. La Fed rachetait pour un montant de 600 milliards de dollars de bons de Trésor américains et de titres privés (créances toxiques), aux banques américaines, jusqu'à la fin du deuxième trimestre de 2011. Le montant du QE2 passera à 1000 milliards de dollars en juin 2011. (5) En septembre 2011, la Fed lance l'opération Twist. Semblable au QE2 sauf que les liquidités injectées sont stérilisées, c'est-à-dire sans création monétaire. Dans le but de baisser les taux d'intérêt des titres publics, la Fed mettait en place un programme d'allongement des échéances, appelé «Matury Extension Program» ou opération «Twist», qui consistait à vendre des bons de Trésor d'une échéance de moins de trois ans et, d'un montant équivalent, acheter des titres d'échéance plus longue, comprise entre 6 et 30 ans. Ce programme, d'une ampleur initiale de 400 milliards de dollars, qui devait se terminer fin juin 2012, a été prolongé jusqu'à fin de 2012. L'opération Twist n'a pas augmenté le bilan de la Fed.

Un troisième programme QE3 est lancé le 13 septembre 2012. La Fed décide d'acheter pour 85 milliards de dollars d'actifs (dettes souveraines et créances privées) par mois, avec toujours le même objectif : peser sur les taux à la baisse et favoriser la reprise économique. La nouvelle présidente de la Fed, Janet Yellen, qui a remplacé Ben Bernanke en février 2014, continue le programme QE3, cependant avec une diminution progressive d'un montant de 10 milliards de dollars par mois, et le maintien des taux directeurs à leur plancher. Le taux de chômage aux États-Unis continuant à se réduire. (5)

Les Banques centrales de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon, pays aussi émetteurs de monnaies internationales, suivent la politique monétaire de la Fed. Pour éviter les appréciations erratiques de leurs monnaies, surtout si le dollar se déprécie fortement, ce qui les défavorise dans le commerce international, ces Banques centrales procèdent aussi à des injections de liquidités dans le cadre de Quantitative easing (rachat de dettes publiques et privées). Ainsi, en zone euro, un Fond Européen de Stabilisation Financière (FESF) a été constitué en 2010.

A suivre...

*Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective

Notes :

4. Cours du pétrole et prix des carburants. 02.02.2015

https://www.lcl.com/guides-pratiques/zooms-economiques/petrole-carburant.jsp

5. «Les politiques monétaires dites «Quantitative Easing»», 23 février 2014

http://bts-banque.nursit.com/Les-politiques-monetaires-dites