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A quand le match Trump vs China ?

par Akram Belkaïd, Paris

Assistera-t-on à une bataille commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ? Alors que nombre de pays ont condamné la décision de Donald Trump d’interdire l’entrée des Etats-Unis à plusieurs nationalités (Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen), les économistes et les marchés attendent, quant à eux, le moment où sonnera le début de l’affrontement annoncé entre les deux géants mondiaux. Cela commencera sûrement par un décret du président américain qui, d’une façon ou d’une autre, s’en prendra aux exportations chinoises. Ouvrons une parenthèse pour relever que cela pourrait aussi -et le scénario est bien plus inquiétant- débuter par une tension militaire en mer de Chine mais restons dans le domaine économique.

Exportations en danger

En 2016, la Chine a enregistré une croissance de 6,7% de son produit intérieur brut (PIB). Cette performance était attendue et, même s’il s’agit de la progression la plus basse depuis le début des années 1990, elle confirme que l’économie de l’ex-empire du Milieu résiste bien. Et si la consommation intérieure a apporté sa contribution, c’est encore et toujours grâce au commerce extérieur et au «made in China» que la première puissance commerciale mondiale tient toujours son rang. Une seule statistique met en lumière cette réalité : pour un dollar importé, la Chine en exporte quatre et les Etats-Unis sont l’un de ses principaux marchés.

La question est donc simple : que se passera-t-il si, d’aventure, Trump décide d’instaurer des taxes à l’entrée des produits chinois ? Pékin pourra toujours pénaliser les Etats-Unis et ouvrir, en rétorsion, ses propres marchés à des productions venues d’Europe mais il n’en demeure pas moins qu’un protectionnisme américain lui fera beaucoup de mal. Cela représentera de plus un catalyseur potentiel pour déclencher cette crise que nombre de spécialistes annoncent comme imminente depuis des années. Prenons, par exemple, les grosses entreprises publiques qui exportent sur le marché américain mais dont l’endettement inquiète. La moindre baisse de leur chiffre d’affaires peut générer des défaillances en matière de remboursement de crédits et enclencher une crise bancaire et financière.

Un autre facteur d’affrontement entre les deux pays est d’ordre monétaire. Il y a quelques années, les Etats-Unis accusaient la Chine de sous-évaluer le yuan afin d’encourager ses exportations. Cette mise en cause existe encore et elle a été réitérée durant la campagne électorale. Mais la situation a quelque peu évolué. Aujourd’hui, le yuan est au plus bas et sa faiblesse est accentuée par le fait que les Chinois achètent du dollar (en vendant du yuan) afin de profiter de la hausse des taux aux Etats-Unis. Cela place Pékin dans une position nouvelle et inconfortable. D’un côté, la hausse du dollar et la baisse simultanée du yuan rendent service à ses exportations et augmente la valeur de ses quelque 3.000 milliards de réserves de change. De l’autre, un yuan trop faible ne fait pas non plus ses affaires car cela a, entre autres, pour conséquence d’aggraver l’endettement extérieur des entreprises chinoises. On pourrait donc se retrouver dans une situation où c’est la Chine qui va reprocher aux Etats-Unis de gonfler la valeur du billet vert.

Pékin a des arguments

La Chine n’est donc pas dans la meilleure position pour «affronter» Trump et ses éventuelles mesures de coercition commerciales. Mais elle a aussi des arguments à faire valoir. Outre le fait que c’est l’épargne chinoise qui finance en grande partie le train de vie des Etats-Unis (lesquels vivent à crédit depuis des décennies), il est évident que les grandes multinationales américaines ne peuvent pas se couper du marché chinois pas plus qu’elles ne peuvent remplacer sa main-d’œuvre. Reste à savoir si cela dissuadera Trump de lancer les hostilités.