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Inciter le transfert technologique et le partage de connaissances pour consolider la compétitivité des entreprises algériennes

par Samir Debbah*

Plus que jamais notre économie nationale est vouée à connaître des changements, et c'est une bonne nouvelle. La crise liée aux énergies fossiles, en l'occurrence le pétrole, est un signal fort pour booster nos entreprises : le moment idéal pour les énergies renouvelables, le solaire comme modèle. Le changement organisationnel doit être perçu comme une opportunité (une étape) qui apporterait de nouvelles solutions et non comme un problème. Le changement organisationnel a besoin de temps et d'individus qui croient en ce projet, mais aussi à des idées qui apportent des solutions. Cela dit, nous souhaitons avec cet article revisiter quelques modèles en management de projet, en essayant de répondre à deux interrogations. En premier la dynamique collective, d'une part liée aux problèmes d'idées, et d'autre part les raisons du changement ? Et par la même occasion proposer des solutions managériales pour repérer des réponses à des questions liées aux transferts de technologies et/ou le partage de connaissances et d'expériences.

Le changement est avant tout un travail de réflexion, de planification et d'organisation. Il convient tout d'abord de procéder à une solide analyse du terrain, de proposer des solutions, de visualiser les conséquences, mais aussi de saisir les opportunités. Selon Taïeb Hafsi1, le changement a besoin de conditions pour que chacun puisse porter ce changement : des individus motivés, un plan d'action et une analyse claire et précise des obstacles. Une veille économique permanente doit être appliquée afin de détecter les tendances du marché, et valoriser la production nationale. Pour ce faire, les décideurs doivent aussi trouver les meilleures solutions managériales afin de garantir un leadership national et exporter nos produits à l'extérieur. Notre économie doit devenir une force de proposition avec des produits de qualité.

Comprendre le changement et le problème des idées

Avant que le changement soit pluriel, il est individuel. C'est l'Homme qui évolue en premier ; avant de conseiller les autres, il convient de gouverner sa propre unité. Pour Kurt Lewin2, qui a énormément travaillé sur la psychologie du travail (comportement organisationnel), remarque que le changement est avant tout un changement au niveau des Hommes. Le changement n'est pas une finalité ni une solution, c'est une étape. C'est-à-dire que toute formalisation crée un changement au niveau des relations humaines. Le changement est donc sociologique et intellectuel, puisque c'est l'individu qui change dans ses relations avec les autres dans son organisation.

Dans une large partie de ses travaux et réflexions, Malek Bennabi, accorde une place de premier plan aux idées. Selon lui, c'est l'idée qui donne naissance aux progrès, et c'est elle qui détermine l'orientation des sociétés. «La guerre c'est la guerre des hommes, la paix c'est la guerre des idées »3 disait-il. Le changement est en relation avec l'environnement, il est la première source d'inspiration, qui permet de se projeter dans l'avenir. L'importance accordée aux idées permet, selon Bennabi, de contrer le vide culturel qui maintiendrait les sociétés en stagnation.

Le changement, qu'il soit d'ordre personnel ou organisationnel, implique de comprendre pourquoi et vers quoi on se transforme. Pour l'économiste Abdelhak Lamiri4, il convient de mettre en œuvre une industrie du savoir qui garantirait le bon fonctionnement du tissu économique algérien. Consolider un lien entre les chercheurs, les laboratoires de recherche et les entreprises algériennes afin de créer des plates-formes d'innovations et de repérage stratégique.

La mise en place de nouveaux modèles de gestion : des choix et des décisions

La coopération, un modèle ouvert à l'innovation produit

Il est à noter que la coopération représente avant tout un état d'esprit et un modèle ouvert au dialogue, à la communication et à l'échange entre les membres du projet. Cependant, les individus doivent construire des relations non conflictuelles et non concurrentielles ; avant le début du projet, les responsables doivent se mettre d'accord sur les modalités de ce travail. Ceci afin d'éviter tout malentendu, mais aussi savoir par contrecoup quelle information doit rester fermée (confidentielle) et quelle information peut être ouverte (partagée). Le but étant d'acquérir des compétences nouvelles pour nos salariés, surmonter ensemble des difficultés, accéder à de nouveaux marchés et dépasser le retard accusé dans certains secteurs par le transfert de technologies.

 Les véhicules Mercedes-Benz produits à l'usine de Tiaret par la Société algérienne pour la Fabrication de véhicules de marque Mercedes-Benz (SAFAV-MB) est un exemple parmi tant d'autres illustrant la position du nouveau modèle économique algérien. L'unité industrielle est détenue à 51% par la partie algérienne et 49% par d'autres parties, comme c'est notamment le cas avec le groupe allemand DAIMLER (partenaire technologique). Le moins que l'on puisse dire à ce sujet, c'est que le complexe industriel de fabrication de véhicules de Tiaret a bien relevé le défi de bâtir une économie forte et diversifiée et par la même occasion procéder à l'exportation de ces produits à l'étranger selon les objectifs de la société.

Dans ce travail de groupe, la relation qui convient à tous est celle du gagnant-gagnant. Outre la communication et le partage d'informations, la coopération est censée donner lieu à une forme nouvelle de connaissance, mais aussi à un résultat tangible sur l'intelligence collective, et la formation des collaborateurs. Sur un plan managérial, la coopération augmente le taux de réussite d'un projet. Le fait de rentrer en relation avec une autre firme permet d'accéder à ses ressources, une stratégie managériale pour renforcer sa compétitivité et avoir un accès à son savoir-faire.

La collaboration, le cas du travail collaboratif en réseaux

La collaboration a toujours été une façon de s'entraider, de travailler ensemble afin de surmonter des lacunes ou encore mutualiser des expériences et des savoirs pour un objectif commun. Cependant, nous allons voir la version numérique de ce type de travail qui est devenu populaire grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC). Le modèle collaboratif, contrairement au modèle coopératif, n'exige pas de partition claire des tâches et missions de la part des participants. Dans un travail collaboratif, chaque individu peut participer selon son expérience et son savoir-faire.

A l'heure de l'économie du numérique, la forme collaborative semble trouver sa place dans la transmission des connaissances. L'introduction des technologies de l'information et de la communication (TIC) a fait également naître un ensemble de questions comme la contribution de ces outils à l'organisation du travail ? Ou encore les interactions sociales et le partage de connaissances et d'informations ? Ainsi, des individus travaillant autour d'un projet peuvent surmonter des difficultés par le partage d'informations et de connaissances offrant ainsi de nouvelles expériences et de riches connaissances. Le travail collaboratif en réseaux (à distance), peut devenir un outil puissant pour faire émerger des projets économiques, des innovations produits et des solutions managériales pour le transfert de technologies et de connaissances. Avec une plateforme numérique nous pouvons mettre en relation des chercheurs, des étudiants, des décideurs, des entrepreneurs?pour bâtir un cycle d'information stratégique. De ce fait, chaque personne peut bénéficier des informations proposées dans cet espace.

La coopétition, concurrencer et coopérer en même temps

L'époque est plus que jamais vouée aux évolutions technologiques. Ces dernier temps, du fait d'une demande croissante du marché mondial, nous remarquons de nouvelles stratégies managériales : des entreprises se concurrencent sur certains points et coopèrent sur d'autres, on appelle cette stratégie coopétition5. Cette politique peut comporter une contradiction, les deux méthodes s'opposent, néanmoins plusieurs chercheurs confirment que les deux stratégies peuvent bien aller ensemble. On peut bien profiter des avantages de la compétitivité et de la coopération. En plus de ces trois modèles, il existe d'autres façons de concevoir la compétitivité et le développement des entreprises. Le modèle le plus sûr est d'investir sur des écoles d'ingénieurs pour jeunes élèves avec des programmes de formation orientée innovations, technologies et productions, le jeune étudiant pourra apprendre, pratiquer et mettre en œuvre son expérience pour la recherche appliquée.

Renforcer le tissu économique

Demander à une personne de travailler autour d'un projet, cela induit indirectement la volonté d'établir un lien. Cela commence par un contact qui se transforme en confiance et se poursuit par un échange autour du projet en question. Il convient tout d'abord de garder à l'esprit le partage de connaissances et le transfert de technologies. Dans le cas contraire, il existe plusieurs pays et/ou entreprises qui acceptent de dévoiler leurs savoirs et accompagnent le transfert technologique, et cela sans forcément changer les règles d'investissement. Ceci dit, l'entreprise peut choisir sa position sur le marché en fonction d'une part de sa situation sur le secteur et d'autre part de ses besoins en ressources extérieurs.

*Auteur

Notes :

1- Chercheur et professeur en management. Titulaire de la chaire de management stratégique international Walter-J.-Somers à l'HEC Montréal. Taïeb Hafsi, Christiane Demers, Comprendre et mesurer la capacité de changement des organisations, Éditions Transcontinental, 1997.

2- Kurt Lewin a mis en évidence les trois phases du changement en relation avec la psychologie du travail (organisation) : (décristallisation, mouvement et recristallisation), il a donc étudié les phases du changement pour favoriser la production et la performance économique. Il développe aussi le concept de «dynamique de groupe».

3- Malek Bennabi, est un penseur et intellectuel algérien, il s'intéressa aux problèmes de civilisation et à ceux du monde musulman. Sa pensé est étudiée dans plusieurs universités à travers le monde. Réputé pour avoir une vision sur le long terme, Bennabi compte à son actif plus d'une vingtaine d'ouvrages traitant de civilisation, de culture, d'idéologie, de problèmes de société ainsi que d'autres sujets, tel le phénomène coranique. Le musulman dans le monde de l'économie, Beyrouth 1972. Quelques livres : La Lutte idéologique en pays colonisé (1958) Idée du Commonwealth islamique (1959) Réflexions (1959) Naissance d'une société (1960) Dans le souffle de la bataille (1961), Le Problème des idées dans la société musulmane (1970) Le Rôle du musulman dans le dernier tiers du XXe siècle (1972).

4- Abdelhak Lamiri, est un économiste algérien. «La décennie de la dernière chance. Emergence ou Déchéance de l'Economie algérienne, Chihab, 2013 ».

5- Le concept devient populaire suite aux travaux de Nalebuff et Brandenburger (1996).