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Convergence

par Akram Belkaïd, Paris

Il est une règle valable pour nombre de disciplines et d’activités. Avoir raison avant les autres signifie avoir tort. C’est ce qu’a expérimenté le très controversé Jean-Marie Messier, ancien patron de Vivendi et d’Universal, à la fin des années 1990. Au-delà d’une certaine propension à la folie des grandeurs, celui que l’on avait surnommé J6M, autrement dit Jean-Marie-Messier-Moi-Même-Maître-du-Monde, croyait alors dur comme fer à la convergence numérique et de la nécessité de transformer son entreprise afin d’en profiter. Cela est passé par de nombreuses acquisitions et des repositionnements industriels menés à un rythme infernal. On connaît la suite : l’étoile de Messier a pâli et ses ennuis judicaires alimentent de temps à autre la chronique.

Une réalité

Pour autant, la convergence est le maître mot aujourd’hui. La généralisation de l’Internet, y compris dans les pays du Sud, et l’avènement du téléphone portable « intelligent » (smartphone) ainsi que des tablettes numériques ouvrent des possibilités infinies en matière de reconfiguration des secteurs de la télécommunication et des diverses productions artistiques. En un mot, et pour simplifier, la facilité pour tout individu d’accéder à la Toile et d’y visionner ce qu’il souhaite à n’importe quel moment rebat les cartes. Par exemple, un opérateur télécoms ne peut plus se contenter de penser que sa fonction est juste d’offrir la possibilité de passer un appel. Dans certaines tranches d’âge, notamment les plus jeunes, le smartphone ne sert pas à téléphoner mais à visionner des vidéos ou des photographies et à échanger sur les différents réseaux sociaux. Cela n’est pas sans importance stratégique.
Cela signifie que cet opérateur télécoms doit réfléchir au contenu qu’il va proposer à ses abonnés d’où une convergence avec d’autres activités, notamment la télévision, la vidéo à la demande, la radio et, bien plus encore, la presse écrite. On sait que cette dernière souffre actuellement d’une baisse du lectorat et des ses ventes. Toujours à la recherche d’un nouveau modèle économique, ses dirigeants se demandent si leur salut ne passe pas par l’association avec un opérateur téléphonique. Ce schéma existe déjà dans de nombreux pays avec des journaux « offerts » avec l’abonnement, ces derniers étant rémunérés sur la base d’un pourcentage sur les revenus, voire sur le nombre de téléchargements. Le raisonnement est le même pour les éditeurs. Certes, le livre « papier » résiste encore à l’électronique mais quelques expérimentations méritent d’être suivies de près à l’image de ces livres d’auteurs célèbres dont les chapitres sont diffusés en avant-première sur des supports numériques (smartphone, liseuse, tablette…).

Une adaptation nécessaire

Les producteurs de contenu vont donc devoir s’adapter. Plusieurs maisons de production ont intégré le fait que la conception d’une série destinée à la télévision doit aussi être pensée de façon à être diffusée autrement via les appareils mobiles. Et, contrairement à une idée reçue, cela n’est pas sans conséquences. On pense notamment à la notion de durée et de la nécessité de tenir compte d’une tendance de plus en plus généralisée au zapping (tendance exacerbée par l’usage d’Internet et par le foisonnement de canaux de diffusion). Ce même raisonnement vaut pour les jeux vidéo, voire pour les créateurs d’art contemporain. A bien des égards, la convergence n’a pas fini de refaçonner le monde du numérique et de la création.