Il
est 11h du matin. Malgré la pluie torrentielle qui s'est abattue sur ce
bidonville de la gare ferroviaire, connu sous le nom de « douar sbika », dans la commune d'Es-Senia,
et l'inondation de presque toutes les habitations, un enfant âgé de 4 ans est
là au milieu de nulle part, dans sa petite voiture, portant une doudoune, en
train de contempler le monde. En face de lui, une décharge sauvage forme une
montagne et près de cette montagne, la voie ferroviaire laisse passer le train
avec un bruit assourdissant. L'enfant et sa sœur nous sourient lors de notre
passage avec un signe d'au revoir avec la main. D'autres enfants, chaussant des
bottes en plastique, font le va-et-vient, traversant une rue boueuse comme des
soldats. Ils semblent habitués à « ce spectacle ». La pluie et les inondations
de leurs maisons ne leur font plus peur. Au cours de leur passage, ils nous
invitent même à rentrer dans leur maison pour voir le niveau d'eau qui a
atteint les 5 cm et parfois plus. Pour la majorité de ces bambins, la journée a
été déclarée journée sans école et pour cause, les maisons de fortune qu'ils
habitent croulent sous l'eau. Leurs familles ont passé une nuit blanche
flottant sur l'eau. Le lendemain, impossible de se déplacer. Pire, impossible
d'avoir accès, pour certains, à l'intérieur de ces habitations fabriquées en
parpaing et la tôle. L'eau est partout. Les agents de la Protection civile
étaient mobilisés sur place pour pomper l'eau des maisons. Mais tous leurs
efforts partaient en fumée. La pluie continuait de tomber et les gigantesques
flaques d'eau augmentaient en volume. Les habitants affirment qu'ils ont passé
une nuit cauchemardesque à évacuer les eaux à l'aide de moyens de fortune. Le
plus dramatique est la proximité de ce bidonville avec un oued qui, une fois
rempli, déversait directement sur cette zone. Le bruit de la pompe de la
Protection civile, on l'entendait de loin et le tuyau rouge traversait le
bidonville jusqu'à la voie ferrée pour déverser l'eau, mais aucun résultat, le
niveau d'eau n'a pas baissé. Au milieu de ce lac, des femmes et des jeunes
marchaient dans l'eau sans se soucier d'être mouillés. Leur drame était tel que
mouiller des vêtements les laisse indifférents. Ils sont plus préoccupés de
leur situation « tragique » et attendent qu'un responsable daigne se déplacer
jusqu'à leur douar pour leur apporter aide et soutien et surtout pour leur
attribuer des logements décents. « Nous sommes ici depuis plus de 30 ans. Nous
enfants sont nés ici et ont grandi ici. Ils ont maintenant la trentaine et
plus. Nous attendons toujours que l'Etat nous donne un logement, mais en vain»,
crient ces femmes pieds dans l'eau. Une vieille femme nous interpelle:
«Il y a quelques années, le maire nous a promis que nous seront
logés. On était sur le point de déménager quand une décision de dernière minute
annule tout. Et depuis, nous sommes toujours dans ce bidonville ».