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Le Traité sur les semences va contre la science

par Henry I. Miller1 et Drew L. Kershen2

STANFORD – Les États-Unis ont ratifié au mois de septembre le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, plus communément nommé Traité international sur les semences. Comme tant d’accords internationaux conclus sous les auspices des Nations unies, il manque de la plus élémentaire rigueur. De fait, le Traité sur les graines est un fiasco, politiquement correct et technologiquement biaisé.

Entré en vigueur en 2004, le traité procède certes d’intentions louables. Mais il aboutit à un bric-à-brac de promesses plus ou moins fumeuses, traduites en contraintes légales draconiennes sur l’organisation des échanges de ressources génétiques (essentiellement des semences) entre les pays signataires. Son irréalisme apparaît dès la définition de ses objectifs : « La conservation et l’utilisation durables des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation en harmonie avec la Convention sur la diversité biologique, pour une agriculture durable et pour la sécurité alimentaire. »

Le principe directeur du Traité sur les semences est le suivant : les ressources génétiques relèvent du « droit souverain » des États membres (c’est-à-dire des gouvernements). Ce qui équivaut au rejet explicite de l’acception traditionnelle des ressources génétiques animales ou végétales comme « patrimoine commun de l’humanité ». C’est aller à l’encontre de la notion selon laquelle certaines ressources globales, considérées comme utiles à tous, ne devraient pas être exploitées unilatéralement ni monopolisées par des individus, des États, des entreprises, ou d’autres entités, mais gérées d’une façon qui profite à toute l’humanité.

Le Traité sur les semences est né des craintes de « biopiraterie » – des larcins aux ressources génétiques mondiales que pourraient commettre les entreprises semencières, dès lors susceptibles d’en déposer des brevets et de s’assurer des monopoles. Si les accusations de biopiraterie ont un certain impact émotionnel, des analyses impartiales ont montré qu’elles n’ont guère de fondements factuels. En fait, la biopiraterie est rare – si rare qu’on peut la circonvenir au cas par cas.

Mais le monde a créé un système baroque, bureaucratique et politisé qui entrave systématiquement la recherche scientifique, la sélection végétale et la création de propriété intellectuelle. Le Traité sur les semences y parvient grâce à la mise en place d’un système multilatéral d’accès à une liste négociée de ressources génétiques agricoles.

Le Traité sur les semences a également placé sous le contrôle de ses parties et de son secrétariat les 15 institutions de recherche que comprend le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), puissant partenariat de la recherche mondiale. Lorsqu’un pays ratifie le Traité sur les semences, il accepte que ses propres banques de semences – aux États-Unis, la banque de sauvegarde de Fort Collins, dans l’État du Colorado – se conforment aux mêmes règles que les centres du GCRAI.

Mais les règles communes sont de peu d’utilité. Malheureusement, le Traité sur les semences a pour conséquence que les pays considèrent de plus en plus leurs ressources génétiques comme un chien considère son os : les partages ne sont pas autorisés, même parmi leurs propres chercheurs ou sélectionneurs de végétaux, tandis que les échanges internationaux de ressources génétiques se sont interrompus au cours des douze dernières années. Le centres du GCRAI ont pu poursuivre les échanges de ressources génétiques, mais le processus est désormais beaucoup plus compliqué et contraignant qu’il ne l’était avant l’entrée en vigueur du Traité sur les semences.

Aux États-Unis, les conséquences de la mise en application du Traité sur les semences sont difficiles à évaluer, en raison notamment de certaines de ses formulations insipides et ambiguës, qui en obscurcissent le sens et les dispositions. Il est clair, néanmoins, que l’expérience des pays qui l’appliquent n’est pas particulièrement positive, à moins que ces pays ne fassent preuve d’une tolérance particulièrement élevée aux cadres réglementaires bureaucratiques qui étouffent l’innovation et le développement au nom d’aspirations élevées.

Le Traité sur les semences est taillé dans la même cotte anticapitaliste, antiscientifique et anti-innovation que la Convention sur la diversité biologique (CDB). Il est aussi le reflet du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique, notoirement hostile à l’ingénierie génétique et non scientifique. Et il a beaucoup à voir avec le Protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques – encore une autre encyclopédie contre le génie génétique, qui n’a guère eu de résultat que d’effrayer les entrepreneurs potentiels et de les éloigner des biotechnologies agricoles. Il est excessif, confus, inutilement complexe – en bref, hostile aux innovations dont pourraient bénéficier les populations pauvres de la planète.

Le Traité sur les semences va à l’encontre de la science, du développement agricole et des droits de la propriété intellectuelle. Il instaure une triple peine dans le jeu politique international, qui devrait lui valoir d’en être exclu. Le Sénat des États-Unis, qui l’a ratifié, devrait, comme le permet l’article 32, exercer son droit à la dénonciation, laquelle serait dûment signifiée au secrétariat du Traité par le département d’État, avec retrait officiel prenant effet un an plus tard.

Le président élu Donald Trump, auteur de The Art of the Deal, a promis aux Américains de dénoncer les accords désavantageux dont ils étaient parties. Le retrait du Traité des semences serait de bon augure quant à l’accomplissement de cette promesse.

1- chercheur à la Hoover Institution de l’université Stanford - directeur et le fondateur du Bureau des biotechnologies de l’Agence américaine des produits alimentaires et du médicament (Food and Drug Administation).
2- professeur émérite à la faculté de droit de l’université d’Oklahoma