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A comme Algérie 9 : I comme idéal

par Mimi Massiva

Question : Quel est, selon vous, le politicien idéal ? Réponse : Celui qui sait gérer. L'idéal est devenu la bonne gérance. Nous sommes traumatisés par la mauvaise gouvernance qui a fait de la misère le lot d'un habitant sur deux de la planète.

En langage de la BM (Banque mondiale) une survie avec moins de 2 dollars par jour. Nous ne sommes plus dans l'euphorie de l'heureuse initiative, mais dans la terreur de la gestion catastrophique. Votez. La politique gère votre chômage, votre sécurité sociale, votre sécurité tout court, votre retraite, la scolarité de vos enfants, leur santé, celle de votre chien, chat, jusqu'à vos rêves et cauchemars. La religion, en idéalisant l'homme au détriment de la femme, des animaux et de la nature, a fait du 1 supérieur à 3, du 3 supérieur à 9 etc. Série infinie. Les dinosaures ont disparu parce qu'ils avaient tout en trop. Ils auraient fini par se dévorer si la météorite ne les a pas écrasés. Les petites bêtes qui vivotaient sous leurs pattes, cachées sous terre et dans les grottes, ont survécu. Etre le plus grand, le plus puissant, le plus fort, n'est pas une assurance fiable. De nos jours, c'est les religions monothéistes qui posent problème allant jusqu'à liquider leurs propres croyants comme en terre arabe où ne réussit que l'idéal du calife entouré d'esclaves. Dans le combat de Goliath contre David, le premier atteint de gigantisme n'avait aucune chance. D'après la médecine moderne, le gigantisme n'est pas une baraka, mais une calamité. C'est une maladie, tumeur bénigne de l'hypophyse qui attaque en premier le nerf optique jusqu'à la cécité sans parler de la hausse de la glycémie, de l'hypertension, de la lassitude, de l'impuissance etc. C'est pour cela que Goliath voyait deux bâtons chez son adversaire qui n'en avait qu'un. La victoire de David prend un sacré coup si on se réfère au diagnostic d'un Goliath à la santé fragilisée par des centimètres en surplus?Pêle-mêle, l'idéal c'est que la Banque paie ses bêtises seule comme une grande, qu'un Ben Laden n'ait jamais existé pour continuer même après sa mort à gâcher la vie de millions de personnes innocentes. Ainsi qu'un Ibn Saoud et son compère Lawrence d'Arabie qui lui servait de cerveau. De même un Hitler en Allemagne, un Mao en Chine, un Staline en Russie, un Khomeyni en Iran et en plus modeste un Saddam en Irak, un Kadhafi en Libye et un Boumediene en Algérie. Car Chadli est venu trop tard et ne pouvait rien faire. Choisi pour ne rien faire, incapable de prendre la parole et de construire une phrase pour une populace quasi analphabète abrutie, laminée par les privations, les pénuries et le flicage. Une Algérie idéale, c'est une Algérie sans pétrole. Qu'on lui rende seulement son agriculture détruite à l'aube de l'Indépendance. «Le mal ne prospère jamais mieux que lorsqu'un idéal est placé devant» (Karl Kraus). L'idéal de la minorité dominante diverge avec celui de la majorité dominée. Seul le mensonge les fait coïncider. On a bien avalé un bled «en voie de développement» et des révolutionnaires en carton qui ambitionnaient sans rire de révolutionner le monde. «C'est par le réel qu'on vit c'est par l'idéal qu'on existe. Or, veut-on se rendre compte de la différence ? Les animaux vivent, l'homme existe (Shakespeare de Victor Hugo).» Si on a le droit d'exister, comment expliquer aux enfants qu'ils ont de fortes chances de crever de soif demain ? En supposant qu'un être humain, pas trop bête, se contente d'exister. Si les extrêmes se rejoignent, le dépourvu d'idéal est maboul et celui qui en a trop, l'est autant.

I comme industrie

Dans son livre «Vous êtes fous d'avaler ça ! », Christophe Brusset, industriel de l'agroalimentaire, écrit : «Mes études ? Dans l'alimentaire, bien sûr. Diplômé de la meilleure école d'ingénieurs agronome de France, rien de moins. Je peux vous faire, les yeux fermés et avec presque rien, du fromage aux fines herbes, de l'huile de pépin de raisin, du pâté de foie, du beurre, du vinaigre, des yaourts, du pain, du sucre raffiné, des soupes déshydratées, de la bisque de homard en boîte, du lait UHT, et bien plus encore, y a qu'à demander». Y a qu'à demander, madame monsieur enfants et la smala sont servis. Il explique comment l'industrie des aliments est devenue un monde sans foi ni loi où on peut vendre du piment indien rempli de crottes de souris, du thé vert chinois bourré de pesticides, du faux safran marocain, la viande du cheval étiquetée bœuf, les confitures de fraises sans fraises, l'origan coupé dans des feuilles d'olivier ou des champignons bleus pour les Schtroumfs vendus panés pour camoufler leur curieuse couleur etc. Il nous révèle une Chine dépourvue d'abeilles, qui se retrouve par miracle premier producteur mondial de miel et premier fournisseur en gelée royale avec ses 9/10 d'un sol incultivable à cause des herbages du désert et des montagnes. Le péril jaune n'est pas celui qu'on croyait. La guerre est bien là, silencieuse, froide, sournoise, creusant nos tombes via nos estomacs. D'après Hippocrate, le remède est dans l'aliment, voilà que, civilisation oblige, l'industrie de la malbouffe en fait le poison. L'Europe super-contrôlée reçoit par erreur un thé chinois imbibé de pesticides, destiné à l'Afrique. Les services Fraudes françaises, après l'avoir bloqué, ont fini par se rétracter et le mettre à la disposition des 60 millions de consommateurs à un prix imbattable. Quant aux invendus ou périmés, on sait pour qui ils sont destinés. L'expert de la malbouffe explique que personne n'ose faire un procès aux Chinois arnaqueurs encore moins se faire rembourser. En Algérie, depuis quelques années, on est gâté par la quantité et la variété des épices ainsi que des produits de pâtisserie à portée des bourses les plus modestes. Comment des produits aussi nobles que le poivre noir, l'eau de fleur d'oranger, la vanille, la pâte d'amande ont pu être «démocratisés» à gaver la masse sans ruiner les producteurs ?...On les appelle les épices épuisées parce qu'on en a déjà extrait les huiles essentielles à l'aide de solvants. Toxiques, normalement à la poubelle, mais des industriels véreux ont eu l'idée de les récupérer. Brusset relate les reproches de son boss au sujet de ses performances dans le commerce des épices: «C'est mou?il n'y a pas de quoi se vanter quand on progresse de 10% si tout le monde fait pareil? Et pour surpasser ces concurrents ? Quelles stratégies ? » Réponse : «?il n'y a qu'un seul levier? les résidus?» Epices épuisées récupérées pour presque rien et mélangées de 10% à 20% avec du vrai poivre noir, par exemple, en ajoutant les arômes artificiels. On broie le tout et le tour est joué. Les autres compères, au lieu de dénoncer, se précipitent pour copier. L'expert précise : «Le comble, c'est que ces «améliorations techniques» ont abouti au paradoxe que les poivres en grain entier ont fini par coûter sensiblement plus cher que les poivres moulus». Le comble, on le voit avec indifférence dans nos supérettes où le kg de confiture importée coûte moins cher que le kg de sucre sans parler du kg du fruit frais vendu au souk d'à-côté. L'industriel précise : « Notre «poivre» était si bien placé en prix que nous en vendions des milliers de tonnes par an à travers toute l'Europe? essentiellement vers l'Afrique, peu regardante sur la qualité, du moment que le prix était bas?Vous pensez naïvement que ces pratiques sont marginales? ? Désolé,? par exemple, des sociétés bien connues en Espagne? sont spécialisées dans la production de piment doux (ou paprika) à partir de résidus d'extraction? Je connais parfaitement le dossier, j'en ai acheté des centaines de tonnes de cette cochonnerie?que les supermarchés vendaient avec des marges de 100%? Des volumes considérables de produits épuisés sont exportés au vu et au su de tous, parfaitement légalement? vanille épuisée à l'hexane (solvant neurotoxique et potentiellement cancérigène)? colorant caramel? (sucres chauffés en présence de sulfite ammoniacal? cancérigène?)? piment irradié d'Afrique du Sud? piment trop rouge pour être honnête? des crevettes composées de 30 à 40% de glace? notre recette de ras-el-hanout»? notre recette à nous est simple : une base d'épices pas chères bas de gamme et?tous les déchets de l'usine? résidus de nettoyage des machines, hop dans le sac à ras-el-hanout. Les lots périmés,? farine ou noisettes qui ont des insectes? De toute façon personne ne sait quel doit être le vrai goût du ras-el-hanout?». Pour l'eau de fleur d'oranger, il nous explique qu'ils ont commencé par 10% de chimie pour finir à 100%. Durant le mois du Ramadan, combien de litres de ce machin on en avale et qui n'a rien à voir avec le trio eau-fleur-oranger. Et dire que le zeste d'une simple orange aurait fait l'affaire pour parfumer un kalbalouz. L'auteur conclut avec sérieux : «Mon conseil : si vous avez des économies, investissez en actions de fabricants de comprimés contre les maux d'estomacs, les allergies, ou les cancers. Quelque chose me dit qu'ils ont de beaux jours devant eux?Ces arômes, vous les rencontrez dans la grande majorité des produits bas de gamme. La plupart des clients achètent sans trop se poser de questions en se disant : ils donnent du goût, et ce n'est pas cher?Coupables mais pas responsables?» Christophe Brusset déclare qu'il a écrit le livre «Vous êtes fous d'avaler ça ! » à cause de son «énervement» suscité par le scandale en Europe de la viande de cheval étiquetée bœuf. Certes, ce n'est pas une folie d'avaler le bifteck de l'un déguisé en l'autre. Quelles que soient les raisons de l'auteur, tout le monde est conscient que l'industrie alimentaire, pour s'enrichir, n'a pas hésité à détruire le goût naturel d'aliments millénaires et saboté nos cinq sens. Les Algériens n'ont pas beaucoup de chance d'échapper à cet empoisonnement puisque nous importons notre alimentation des pays épinglés par l'ex- industriel pourri : la Chine, la Turquie, l'Espagne, la France etc. La meilleure solution c'est d'en diminuer les quantités avalées et de prier d'être parmi les plus épargnés...

I comme idée

On estime à 50.000 le nombre de pensées produit par le cerveau humain chaque jour. Nombreuses vont à la corbeille détruites instantanément, certaines conservées plus ou moins indéfiniment. Rares celles qui se muent en idées. «Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des idées», clamait le chanteur populaire, Français de souche, lors de la crise pétrolière des années 1970 qui a permis aux multinationales de l'or noir de prendre le pouvoir sur les masses, y compris gauloises. A croire qu'on évoque les idées qu'au moment de les enterrer. «Que faire aux prochaines élections ? demande l'élève à son maître. Réponse du Grand Philosophe : Puisque vous ne sauriez être libre sans avoir lutté votre vie durant pour la liberté, puisque vous ne pouvez lutter que si vous êtes opprimés, vous proclamerez votre amour de la liberté et vous voterez en même temps pour ceux qui veulent la supprimer.» (1) A moins de faire comme les sorcières de la pleine lune : gratter le sol du cimetière et déterrer la main morte pour saboter le vote sans s'abstenir. En Algérie, il faut copier Camus, l'enfant d'Alger qui nous dit : «L'homme que je serais si je n'avais pas été l'enfant que je fus ! ». Il a eu la bonne idée d'écrire sans haine dans un monde va-t-en-guerre. Prouver qu'on peut produire l'Etranger sur les bancs de la fac d'Alger. D'autres ont eu l'idée d'être heureux : « Longtemps j'ai cru que ma vie allait bientôt démarrer, la vraie vie. Mais chaque fois un nouvel obstacle se présentait sur ma route ; une priorité à régler, une affaire en cours, une dette à payer. La vie commencerait après. Et puis un beau jour, je me suis rendu compte que ces obstacles étaient ma vie. » (Alfred D'Souza). Peut-on avoir l'idée d'être malheureux ?

I comme islamistes

Que dire de plus sur eux ? Que leur principale victime est le musulman bougnoul et question baraka c'est la totale. Ils ne connaissent ni crise, ni chômage, ni pénurie d'argent ni d'armes. C'est qu'ils ont dès la naissance ce que les autres n'ont pas : la protection des puissants sur Terre et du Tout-Puissant au ciel. Avec cette contradiction : ils ne pourront qu'user de violence et cécité jusqu'à exterminer tous ceux qu'ils sont censés sauver. C'est intéressant de voir comment est en train d'évoluer à la manière arabe un pays pris en modèle comme l'Indonésie. La loi sur le blasphème est l'œuvre du dictateur-mollah, Suharto. Devise immuable du sultan : attention, qui me critique, critique Allah. Dans son livre Islam and Democracy in Indonesia, paru en 2016, Jeremy Menchik prophétisait déjà du danger de cet héritage. Le gouverneur de Jakarta, champion de la lutte anticorruption et lavage de l'argent sale, risque 5 ans de prison pour avoir pris avec légèreté ce verset lors de sa campagne électorale : «Ô, vous qui croyez ! Ne prenez pas les juifs et les chrétiens comme alliés?» Pays de 250 millions d'habitants à 90% musulmans sunnites, Ahok, chinois et chrétien n'a aucune chance d'y échapper, disent les spécialistes. Ses cinq juges «doivent se soucier de leur propre sécurité, ils subissent des pressions?» Malgré sa grande popularité et sa famille musulmane d'adoption, le gouverneur anticorruption n'échappera pas à la prison au grand bonheur de ses ennemis. Sans surprise, les laïcs indonésiens ont échoué dans l'abrogation de cette loi. Transparent, le langage des islamistes : «Ne nous critiquez pas ; ne mettez pas en question ce que nous disons ; ne contestez pas nos méthodes, car nous vous accuserons de blasphème»(2) Comme en Algérie, les autorités indonésiennes ont fini par livrer la société civile au broyage de la main de fer gantée d'acier de l'intégrisme pour que le Palais puisse jouir d'une corruption massive en toute impunité. En Turquie, un autre modèle à suivre, le sultan de la Triste Porte est déjà, dit-on, à plus de 110.000 «purgés» et 36.000 derrière les barreaux tout en rêvant à ressusciter la peine de mort. Erdogan, l'ami de l'Occident et l'idole des pays arabes, est resté fidèle à ses idées. Maire d'Istanbul, il déclarait : «la démocratie n'est pas un but, mais un moyen. Elle est comme un tramway. Une fois arrivé au terminus, on en descend et c'en est fini de la démocratie»(3) Beaucoup de monde sera là pour accueillir avec des youyous la Turquie à sa descente. La décapitation d'un Atatürk par un Erdogan, le b.a.-ba d'un islamiste ordinaire et bienvenue à l'Ouma des frères et des cousins. A l'image de l'Algérie, d'un attentat à l'autre, la masse terrorisée, vaccinée, libérée de ses névroses, retrouvera sa sérénité bovine.

I comme infamie

Continuer à penser que le bourreau est du 100% infamie, c'est lassant. De même, croire que la victime est innocente à 100%, c'est dangereux. On n'est pas dans la logique de la fumée sans feu, mais d'une main normalement constituée capable, sans aide, d'allumer et d'éteindre un feu. Il y a quelque chose qui cloche quand quelqu'un défonce une porte, bouscule le père, défigure la mère, viole les gosses, empoisonne le puits, casse la vaisselle, emporte vivres et bourse. Que fait le dieu de la maison ? La peur courbe son dos à embrasser la main du monstre tout en le bénissant de lui avoir laissé la vie sauve ainsi que celle de sa famille. Le scélérat moderne ne possède pas le code de l'honneur du brigand d'antan ou de la mafia classique qui se contentaient de dépouiller la proie sans mentir, humilier, déchiqueter. Camus disait que les questions qui provoquent sa colère sont le nationalisme, le colonialisme, l'injustice sociale et l'absurdité de l'Etat moderne. Philosophe simple et honnête formé dans la rue. «Camus est accroupi, entre Sartre et Leiris. Il ne regarde pas le photographe, mais caresse un chien assis sur un tapis devant lui. Plutôt l'animal sans nom que la compagnie des?»(1) Voilà comment on se suicide de son vivant. Par et pour le peuple, mais pas contre lui, quitte à déplaire aux élus. On a bien assassiné Boudiaf pour son honnêteté. Malmener, manipuler, trahir avant d'éliminer un bonhomme aussi historiquement lié au FLN quand le FLN est le Parti de l'Algérie indépendante depuis plus d'un demi-siècle, c'est de l'infamie doublée d'idiotie. La populace n'a rien compris, voilà que sa tête est mise à prix pour compenser le prix du pétrole et la survivance du gaz de schiste. Ce dernier est toujours là classant l'Algérie, dit-on, à la 3ème place mondiale. In Salah reste une simple bourgade pour défier avec succès les cerveaux du Grand Echiquier. Dans le livre «Le Monde en 2030 vu par la CIA», la nouvelle bible depuis 15 ans de tout Président américain nouvellement élu, on constate que le gaz de schiste est omniprésent, incontournable, le noyau de l'Atome. Les réseaux sociaux et le gaz de schiste sont les mantras des analystes de la cellule de veille et d'intelligence économique de la CIA. L'infamie, c'est qu'un pays classé au rouge pour ses réserves en eau comme l'Algérie puisse y penser seulement. La question inévitable et idiote à la fois : qui aura droit à l'eau ? Les 40 millions d'indigènes qui valent zéro dollar ou la roche qui éclate en faisant déborder l'ascenseur de billets verts ? On comprend pourquoi on peut lire dans les «prophéties» de la CIA que le monde serait meilleur et pire en 2030. Cela dépend du camp où on se trouve. Et le temps presse s'il n'est pas déjà trop tard. Un peu plus d'une décennie nous sépare de 2030 et on sait que c'est suffisant pour une fin. En une décennie la civilisation des Incas s'est effondrée au 16ème de même celle des Ming au 17ème ainsi que la monarchie française au 18ème et l'empire ottoman au 20ème siècle. Pourtant, en ces temps-là, contrairement au présent et au futur, aucun psychopathe ne pouvait seul détruire la Planète.

I comme informer

Dans l'Antiquité, on bannissait ou on tuait ceux qui venaient apporter de mauvaises nouvelles. De nos jours, elles occupent la première place dans un journal télévisé qui clôture par le sport, le divertissement pour mille bisous après mille morsures. A l'image du politicien, le journaliste n'a vraiment pas grand-chose à faire qu'à suivre la tendance de ceux qui sont payés pour la fabriquer et obéir au chef de la rédaction pour les feux rouges établis par ceux qui signent sa fiche de paie. La vision de la télévision est assez simpliste d'après Neil Postman : «Et maintenant? voici» Le monde du «coucou». Quand on finit de pleurer, on rit. A la longue, le petit écran nous anéantit, on en redemande. Il fait le manque et sa disponibilité agit telle une drogue dure. La télévision a tout d'un leurre hypnotiseur. Les journalistes qui peuvent nous informer n'ont pas droit à l'information, marginalisés, ridiculisés, insultés, emprisonnés et parfois éliminés. On se demande quelle raison pousse un jeune normalement constitué à faire du journalisme de nos jours s'il n'a pas des connections avec le politique ou le business. Informer c'est désormais communiquer. C'est ce que veut le public, dit-on. Quel public ?...

Il est loin le temps où le parlement turc interrompait ses travaux pour ne pas rater le feuilleton Dallas. De nos jours, grâce aux leçons d'Hollywood, c'est la Turquie qui s'ajoute à l'Egypte pour égayer les soirées ramadanesques qui s'étalent toute l'année pour les emmurées analphabètes et les rejetons attardés du monde arabe. Qui se divertit se moque d'être informé. C'est curieux qu'on ne puisse s'étonner de la multitude des mains et cerveaux étrangers dans ce matraquage médiatique. Une main venue d'ailleurs qui fait en toute légalité la quasi-totalité du programme de la télévision nationale algérienne. On ne doit pas s'étonner de la voir jaillir dans la rue. Les médias de l'information sont entre les tenailles de deux entités siamoises. L'un veut le trône l'autre l'argent avec la probabilité non nulle de fusionner. Aucune possibilité de trouver une info qui échappe à leur scanner au moment où la Terre, grâce à ses satellites, a fini par ressembler à Saturne avec des anneaux en métal. Le général de Gaulle qui signait le budget de la France avec zéro franc de dette, qui écrivait lui-même ses discours et ses Mémoires, agacé par la connivence du philosophe Raymond Aron avec la presse, eut cette réflexion : «Journaliste à la Sorbonne, professeur au Figaro». En Algérie où il est compliqué d'être journaliste, professeur, encore moins philosophe, Saïd Mekbel a fini par se déclarer voleur à la veille de son assassinat.

I comme immigration

Combien d'Algériens rêvent d'immigrer ? Bien sûr au bon endroit. Grosso-modo là où l'Islam n'est pas religion de l'Etat, là où les femmes sont plus dénudées que voilées, là où le vin coule à flots?Tout ce qui rappelle les Croisés. Par exemple, les Japonais qui n'ont jamais été colonisés n'émigrent pas malgré un sol brûlé par les volcans, fracturé par les séismes et probablement irradié lors du dernier tsunami. Quand ils sont à l'étranger c'est pour leurs exportations, dès la fin de leur contrat, ils regagnent le pays du Soleil Levant. Ils traînent avec eux leurs produits alimentaires que les Occidentaux béats avalent sans déchiffrer la notice : nippone de A à Z. Leur empereur a refusé de changer de costume pour partager les souffrances de son peuple après la défaite de 45. Il n'a pas fui avec armes et bagages, un peu comme la monarchie anglaise sous les bombardements nazis. En Algérie, il faut remonter à la reine des Aurès pour trouver un chef qui préfère mourir les armes à la main au milieu des siens. Le Dey et l'émir Abdelkader étaient trop «précieux» pour subir le sort de la Kahina. «La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement», disait Rosa Luxemburg en affirmant que toute guerre de libération est pire que la colonisation. Elle, qui a étudié le cas de l'Algérie comme Marx, a conclu qu'on finit toujours par remplacer un oppresseur par un autre. Dans une jungle quand tout le monde fuit, du lièvre au lion, tant pis pour le ver de terre, la puce, la fourmi, la tortue, l'escargot et autres bêtes condamnés par leur ADN. On estime à 3 milliards les humains trop pauvres pour émigrer même si le blabla politicien de l'hospitalité chrétienne est conçu pour eux. On ne peut décrocher le billet non-retour sans argent. L'Etat algérien l'a bien compris en faisant payer des amendes aux malchanceux harraga...Paradoxalement, c'est celui dont le bled a le plus besoin qui se retrouve exilé. Dame Confiance est notre première patrie, quand elle n'est plus là, rien n'est là. Le cerveau reptilien clignote au rouge et l'animal enfile ses bottes pour n'importe quel lieu. Même si le déracinement risque d'être une forme de suicide déguisé, l'important c'est de fuir. Niall Ferguson, historien britannique et idole des Américains, s'interroge : «Peut-être la vraie menace ne vient-elle pas de la Chine, de l'Islam, des émissions de CO2, mais de notre perte de confiance dans la civilisation...» Les émigrés subissent le manque de confiance en doublon : celui du pays natal et celui de l'exil. Pour les enracinés de force, n'est-il pas temps que les vieux s'arment de courage et occupent la rue après l'enfermement de leurs rejetons à la maison. Trop jeunes et trop détraqués pour encaisser sans casse, ces derniers ne savent qu'assassiner leurs illusions en fleurissant celles du camp adverse. Noam Chomsky, dans l'Espoir en l'Avenir, écrit : «On peut apprendre beaucoup de choses sur la guerre froide (ou sur tout autre conflit) en identifiant ceux qui se réjouissent et ceux qui se plaignent, une fois le conflit terminé. Dans ce cas-ci, les vainqueurs sont les membres de l'élite occidentale et de l'ex-nomenklatura, maintenant encore plus riches que dans leurs rêves les plus fous. Alors que du côté des perdants, on retrouve la majeure partie de la population de l'Est, les pauvres et les travailleurs de l'Ouest et les membres des secteurs populaires des pays du Sud, qui cherchaient la voie de l'indépendance?» Soyez gais, moquez-vous de tout, disait la Polonaise Rosa, émigrée en Allemagne, assassinée à 47 ans parce que convaincue que la révolution ne pouvait venir que de la spontanéité des masses non d'une «avant-garde éclairée». Ce n'est pas l'immigré algérien qui va la contredire encore moins le kidnappé par son douar.

(1) L'ordre libertaire, la vie philosophique d'Albert Camus (Michel Onfray)

(2) Liberation.fr (28/ 12 / 2016)

(3) Charlie Hebdo (numéro 1273)