Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Constantine - Loi sanitaire: Le diagnostic inquiétant de l'ordre des médecins

par Abdelkrim Zerzouri

«C'est une loi qu'on ne reconnaît pas», a lancé le président de l'ordre des médecins à propos de la loi de la santé dont le projet sera soumis aux députés le 19 janvier prochain. «Nous avons participé à son élaboration, notamment lors des assises de la santé tenues il y a près de trois ans, mais nous ne nous reconnaissons pas dans son contenu», dira-t-il non sans prévenir que l'ordre des médecins s'y opposera de toutes ses forces. «On fera barrage à la loi de la santé, on se battra pour tenir compte des réserves émises et des amendements qu'on a proposés, car il nous appartient de donner des solutions pour essayer de faire avancer la médecine moderne, et cela ne peut se réaliser à coups de lois», soutint le docteur B. Bekkat, hier samedi 7 janvier, en marge de la cérémonie d'installation de la nouvelle section ordinale régionale des médecins de Constantine qui regroupe quatre wilayas (Jijel, Mila, Oum El Bouaghi et Constantine) et qui a vu le reconduction des membres du bureau avec à sa tête le docteur R. Djenane. Ce dernier qualifie le projet de loi de la santé de véritable code pénal «bis» car, dira-t-il, «sur 400 articles, plus de 10%, soit une cinquantaine d'articles, relèvent de mesures pénales contre les médecins, les infirmiers et même les administratifs. Nous avons attiré l'attention des pouvoirs publics qu'on ne peut pas inclure des dispositions pénales dans une loi civile». Le docteur Bekkat reconnaîtra implicitement que «la situation globale en matière de santé est plus que préoccupante» et que «le désespoir guette le malade que nous essayons tout juste de calmer». Sans prétendre jouer un rôle syndicaliste, le président de l'ordre des médecins, qui rappellera dans ce sens la vocation essentielle de l'ordre, en l'occurrence la défense de l'éthique médicale, la défense de la médecine tout court, confirme une ferme position de rejet de la loi de la santé. Il souligne dans ce sillage que l'ordre poursuivra sa collaboration avec les institutions chargées de son approbation. «Laissez nous le droit de défendre la médecine qu'on veut qu'elle soit à la hauteur des aspirations des malades», lancera-t-il lors de son allocution devant l'assistance. Notons que l'ordre des médecins annonce le renouvellement de la moitié de ses membres le 19 janvier prochain à Alger, le jour même de la soumission du projet de loi de la santé devant l'APN.

 Par ailleurs, le docteur Bekkat nous a indiqué que l'ordre des médecins a reçu durant les deux dernières années près de 200 plaintes de malades au sujet d'erreurs médicales et que les Algériens ont tendance à s'orienter directement vers les tribunaux dans pareilles circonstances sans passer par l'ordre des médecins. Sur ce plan, notre interlocuteur plaide pour «la dépénalisation de l'erreur médicale», privilégiant «la responsabilité civile et l'indemnisation rapide des victimes d'erreurs médicales». Il précise qu'il s'agit là d'une jurisprudence internationale. Lors des débats qui ont clôturé la cérémonie d'installation de la section ordinale régionale des médecins de Constantine, des médecins ont soulevé la problématique des honoraires et la faible indexation du remboursement par la Cnas estimant pour certains d'entre eux qu'il faut harmoniser le prix des visites chez le médecin. Mais, le docteur Bekkat répliquera que les honoraires sont librement fixés par le médecin et au malade le choix d'accepter ou de refuser ce coût. Quant aux plaques publicitaires anarchiques et surdimensionnées, on avouera que tous les efforts déployés jusque-là pour corriger la situation avec les médecins eux-mêmes sont restés vains. «On ne veut en arriver à une action publique pour arracher toutes ces plaques des médecins posées d'une manière anarchiques et portant des indications parfois exagérées», estime le docteur Bekkat. Bien sûr, le médicament Rahmat Rabbi n'a pas été en reste dans les débats, mais il a été tout juste souligné que c'est un acte de charlatanisme et qu'il faut dans ce sens définir les responsabilités, notamment au plus haut niveau.