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Gouvernement: Sellal, Ouyahia et les élections

par Ghania Oukazi

«Il n'y aura pas de changement de gouvernement et Sellal et Ouyahia ne seront pas candidats aux prochaines élections législatives», nous dit un haut responsable.

La dernière sortie à l'est du pays du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales n'a pas laissé insensible le microcosme guelmois. Beaucoup de Guelmis sont persuadés qu'il est l'homme de la transition d'ici aux prochaines élections. Ce membre du gouvernement se démène en permanence pour faire amorcer un développement local mais peine à faire émanciper les mentalités, première exigence pour relever un tel défi. La preuve est simple. Sur le site paradisiaque des termes de Hammam Debagh (El-Maskhotine), se trouve un centre de repos des moudjahidine dont l'état d'hygiène des bungalows provoque des haut-le-cœur. Leurs salles de bain dégagent des odeurs nauséabondes, à cause des toilettes qui ne sont pas nettoyées et dont la chasse ne fonctionne pas. L'eau est froide, sauf si on la laisse couler pendant près d'une heure pour à peine tiédir. Les douches ont des tombées de pomme au débit d'eau faible mais allant dans tous les sens, des tapis crasseux, des frigidaires (vides) ouverts mais branchés, des téléviseurs qui peinent à capter une image. Il est dur de penser tourisme quand le peu de structures hôtelières que le pays possède ne sont conformes à aucune norme. «Il faut absolument que vous réalisez des projets rentables, fixez-vous des normes universelles parce qu'il n'y a pas de normes algériennes», n'a eu de cesse de répéter le ministre de l'Intérieur à Guelma.

En termes de normes, le privé ne fait pas mieux que le public. La valeur du travail reste galvaudée tant l'environnement est hostile au changement. La situation d'abandon de grandes entreprises publiques comme celle de la levure ou de la céramique à Guelma, dont les équipements sont rongés par la rouille, doit inquiéter le gouvernement. Mais l'une dans l'autre difficulté de développement, un ministre comme Bedoui peinera à faire triompher son enthousiasme débordant même s'il y croit fortement.

Idées saugrenues et certitudes

Son allure alerte et sa parole rassurante mais ferme a laissé les Guelmois avancer qu'il est tout indiqué pour diriger un gouvernement d'organisation des prochaines élections législatives et locales. Tout autant que la capitale, Guelma se laisse évoluer au gré de rumeurs les unes plus étonnantes que les autres même si certaines d'entre elles ont déjà été publiées par les médias. La candidature de Abdelmalek Sellal comme tête de liste d'Alger sous la bannière du FLN est avancée avec l'anticipation sur non seulement sa victoire mais sa désignation après les élections en tant que 1er ministre de la majorité, conformément à la Constitution. Ici, il est affirmé par nos sources que la majorité sera donnée au FLN pour des considérations de précautions à prendre afin d'assurer «le bon déroulement» de l'élection présidentielle de 2019, comme le veut le clan présidentiel.

Des sources sûres, celles-là algéroises de haut lieu, jugent ces idées saugrenues et les réfutent carrément et soutiennent que «Bedoui est bien là où il est». Nos interlocuteurs affirment qu'«en haut, une telle idée n'a pas même frôlé l'esprit, par contre, il a été dit à Sellal qu'il n'a pas besoin d'être candidat, il est bien comme il est». Un «conseil» à qui des analystes, donnent deux lectures. La première est que Sellal fait l'affaire de la présidence, «il est bien pour continuer sa mission». La seconde «ça ne te servira à rien de te présenter, tu seras changé dès que possible». Pour l'heure, Sellal affiche une sérénité rassurante voire prometteuse. Nos sources algéroises le confirment et lui prédisent «un avenir sans remous».

La colère qui aurait pris le président de la République lorsqu'il a eu écho récemment des bêtises de ses ministres devait, selon les analystes, entraîner «un grand coup de balai d'un certain nombre de responsables, et ce pour éviter un délitement de l'action gouvernementale dans son ensemble». Rien pour l'heure. «Bouteflika a horreur d'agir sous la contrainte», entendons-nous dire à chaque fois que l'atmosphère nationale se détériore. «Non, le changement de gouvernement ne sert à rien avant les élections», nous disent ces mêmes sources. L'on avance cependant que «les ministres qu'on voudra faire partir seront encouragés à se porter candidats pour ne plus garder leur portefeuille ministériel». Il est vrai que depuis 99, le choix des hommes a constitué le mauvais point du chef de l'Etat. Ses conséquences sont désastreuses.

«La fraude sera de mise»

Les moyens qui ont été mis pour la prise en charge des besoins socio-économiques des citoyens sont colossaux mais leurs effets, censés être positifs sur leur quotidien, semblent s'effriter à travers les entraves bureaucratiques, le laisser-aller, l'anarchie ambiante et l'impunité généralisée. «Non, un changement de gouvernement ne sert à rien, ce sera le même état d'esprit, les mêmes habitudes, le même comportement, ça ne changera rien à la situation ambiante», nous dit Abderrezak Makri, président du MSP.

D'ores et déjà, des partis politiques gagent sur le manque de transparence des prochaines élections législatives et locales. Makri est persuadé que «le Parlement sera mal élu, c'est une fatalité, la fraude sera encore de mise, le système placera comme d'habitude le FLN et le RND en premier et repêchera ou éliminera les partis qu'il veut».

Des observateurs s'attendent à ce que le FLN demande le retrait d'Ouyahia d'un de ses deux postes «pour qu'il ne soit pas juge et parti, pour une question d'équilibre entre les pouvoirs des deux partis». Un avis pas vraiment partagé par le chef du MSP. «Demander le départ d'Ouyahia à cause des élections est une futilité par rapport à tous les déséquilibres qui existent au sein du système», nous dit-il. Pour lui, «l'ensemble des institutions fonctionnent en dehors des lois». Il note à cet effet que «les magistrats qui doivent siéger dans la commission de surveillance des élections, nouvellement mise en place, sont désignés par le président de la République qui est président du FLN» et demande «que représente alors Ouyahia dans tous ces dysfonctionnements ?». Makri remonte dans le temps pour rappeler que «le président Bouteflika lui-même s'était adressé au peuple en 2012 (année des législatives et locales) pour leur dire que vous connaissez bien mon parti, il n'y a pas consigne de vote plus directe». Pour être «véritablement indépendante», la commission devait, selon Makri, être présidée et composée par «des personnalités choisies dans un cadre consensuel, avec des prérogatives plus larges et un financement indépendant, on n'invente rien, c'est ce qui se fait dans les pays démocratiques».

«Le système court à la perte de tout le pays»

Le président du MSP ne pense pas être candidat aux législatives de cette année. «A quoi ça servirait ?», interroge-t-il. «Nous nous devons de continuer à faire de la résistance», dit-il. La situation économique «exceptionnelle» que vit le pays le laisse même penser que «le Parlement qui sera mis en place à l'issue de ces élections risque de ne pas terminer son mandat parce qu'il sera confronté à des situations très difficiles, les institutions seront davantage fragilisées et ne pourront pas continuer à faire semblant». Il est convaincu que «le système en place excelle dans la magie noire, ce sont des faiseurs d'horreurs». Pourquoi alors avez-vous décidé de participer aux élections ?, lui demandons-nous. «Nous faisons de la résistance, l'opposition ne peut pas faire plus qu'elle a fait jusqu'à aujourd'hui, on ne veut pas sortir dans la rue pour ne pas nuire à notre pays, on est dans une situation fragile», dit-il. Il affirme faire ce qu'il peut en «animant deux meetings par semaine, je me déplace à travers les villes, je discute avec les citoyens dans les quartiers, cafés et autres contrées, je fais salle pleine, c'est important». Son scepticisme est inquiétant à propos de l'évolution de la situation nationale. «Le problème confrontera le système politique et le peuple (et non les partis) à cause de la mal-vie qui va se propager sur les deux années à venir, 2018 et 2019 seront des années très difficiles». Pour atténuer de tels déboires, le président du MSP veut que «le système permette à la société civile et aux partis politiques de manifester dans la rue, nous pouvons aider à désamorcer ces mauvaises situations avec des moyens pacifiques, l'Etat doit être là pour encadrer les marches, pour assurer la sécurité, c'est ça l'Etat de droit, c'est ça la démocratie». Parce qu'il assure qu'«on ne fera pas de politique pour détruire notre pays, mais ce qui est sûr, en continuant d'agir comme il le fait, le système politique court à sa perte». Le plus dangereux pour Makri est que «le système court à la perte de tout le pays, c'est ce qui nous fait le plus peur».