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Que fera le gouvernement après les émeutes de Bejaia ?

par Z. M.

Depuis plusieurs années, la classe politique mais aussi nombre d'économistes sérieux n'ont de cesse de tirer la sonnette d'alarme sur les risques de réactions violentes de la part d'une frange de la société du fait de l'érosion de son pouvoir d'achat. Les mesures, de plus en plus restrictives, imposées par les pouvoirs publics, au nom de la sécurité et de la sécurisation du pays, sont également en grande partie responsables de la réaction violentes de certaines personnes. Même si la violence, y compris verbale est condamnable, il n'en demeure pas moins que l'Algérien, à travers tout le pays, se sent étouffé, étranglé.

Le pouvoir qui tient les rênes de ce pays semble rater, à chaque fois, l'occasion de se concilier avec sa population. La crise de confiance, qui n'est pas une vue de l'esprit, qui existe entre les gouvernants et les gouvernés, s'exaspère au fil des années. L'avènement de Bouteflika, en 1999, a suscité un réel espoir, pas parce que c'est un « Messie » comme tentent de nous le faire croire certains mais, simplement, parce que l'homme s'est attaqué, dès le début de son premier mandat, aux vrais problèmes dont souffrait la société. La concorde civile, puis la réconciliation nationale qui avaient permis, grâce à un travail préalable de l'ANP et de l'ex DRS, en particulier, à l'Algérie de se placer sur le chemin du développement, alors que le pays était au bord du gouffre. Ceux qui n'ont pas vécu, ici, en Algérie la vague de terrorisme dont avaient payé le prix fort, des dizaines de milliers d'Algériens, ne pourront jamais comprendre la signification du mot « paix ».

La sérénité revenue, le Président Bouteflika, a lancé son premier programme de relance économique doté de 5 milliards de dollars. Le Programme de soutien à la relance économique qui s'étalait sur la période 2001-2004 et qui s'articulait autour d'actions destinées à l'appui aux entreprises et aux activités productives agricoles et autres, au renforcement du service public dans le domaine de l'Hydraulique, des Transports et des infrastructures et à l'amélioration du cadre de vie, au développement local et au développement des Ressources humaines.

Conformément au programme du gouvernement, les actions retenues visaient l'impulsion des activités économiques, à travers l'ensemble du territoire national, et plus particulièrement, dans les zones défavorisées et la création d'emplois et l'amélioration du pouvoir d'achat. Elles s'inscrivaient, aussi, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et de la politique d'aménagement du territoire, tendant à la réduction des déséquilibres intra et inter-régionaux. Le programme était très ambitieux. Parallèlement à cela des réformes structurelles, touchant tous les secteurs, étaient également lancées. La démarche du président était tellement claire et ambitieuse que même les partis de l'opposition, à l'image du RCD, avaient décidé de prendre part au gouvernement Bouteflika.

Bref, entre 1999 et 2016 (15 années) des avancées sociales et économiques appréciables ont été réalisées mais elles restent très en-deçà de l'engouement suscité durant le premier mandat présidentiel.

Pour revenir à la wilaya de Béjaïa, la région est livrée à elle-même et aucun plan de développement sérieux n'est venu apporter un peu de répit à la population. Alors que tout le pays, y compris dans le grand Sahara, l'infrastructure routière est fortement développée, cette wilaya continue d'utiliser des routes héritées de l'ère coloniale. La pénétrante autoroutière qui devait être livrée, l'année dernière, est inscrite aux calendes grecques. Il faut, parfois, mettre entre 8 et 10 heures pour traverser les 220 km qui séparent Alger et Bejaia.

Cette wilaya est devenue déshéritée alors que dans les années 70 et 80, c'était elle qui faisait fonctionner des wilayas limitrophes, à l'image de Sétif et cela grâce aux impôts collectés à Béjaïa.

Sa proximité, avec la capitale, son port, son littoral, son agriculture et une ressource humaine formée, très souvent, à l'étranger devait hisser, logiquement, cette wilaya parmi les meilleures du pays.

Au lieu de cela, la région, en termes de développement, a fait un bond en arrière d'au moins 20 années. Il existe, dans la région, un sentiment d'abandon qui fait que la majorité de la population est devenue frondeuse. Les quelques projets dont a bénéficié la wilaya et dont la réalisation a été confiée à quelques nababs locaux n'en changeront, dans le fond, rien.

Mais le plus dangereux, aujourd'hui, ce sont les tentatives de certaines parties qui tentent de créer une scission entre cette région qui a donné un lourd tribut, lors de la guerre de Libération nationale et le reste du pays. Les agissements du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie), rebaptisé il y'a quelques mois MIK (Mouvement pour l'indépendance de la Kabylie) est un mauvais signe pour la cohésion nationale. Les dirigeants du pays devraient prendre très au sérieux les menaces du MAK ou du MIK qui dispose désormais, d'un terreau favorable et qui revendique, sans ambages, l'indépendance de cette région. Car les raisons des émeutes qui ont éclaté, dans la wilaya de Béjaïa, ces derniers jours sont, ailleurs, et n'ont, absolument, rien à avoir avec la loi de finance 2017, même si des pans entiers de la société souffriront, encore, en silence des mauvais choix du gouvernement.